OLYMPE AUTOUR DU MONDE

 

MARTINIQUE - AÇORES

Ou la première étape de la transat du retour

Ainsi donc, nous ne tournerons pas à gauche vers Panama pour retrouver le Pacifique et ses merveilles, mais nous allons mettre le cap sur le retour en Bretagne nord !

Après cette escale purement technique auprès de la base du chantier Amel aux Antilles, c'est fatigués que nous allons larguer les amarres pour cette transat qui, sur le papier, s'avère plus difficile que celle de l'aller ; car cette fois point d'alizé pour nous pousser gentiment sur la route, mais un système météo à contourner par l'ouest pour aller trouver les vents frais dominants d'ouest qui nous permettrons de mettre le cap sur l'archipel des Açores, escale incontournable de tout marin effectuant la traversée dans ce sens.

Autrefois, il n'était pas question d'envisager une autre route que celle qui consistait à faire du nord jusqu'aux Bermudes avant de virer vers l'est avec les vents d'ouest trouvés à cette latitude. Mais les bateaux d'antan n'avaient pas les performances au près de nos bateaux modernes. Aujourd'hui, de plus en plus de bateaux coupent la route pour viser rapidement l'orthodromie vers les Açores, ce qui a l'avantage de raccourcir la distance de 500 milles, mais le double inconvénient de devoir faire du près pendant de longs jours avant de tomber la plupart du temps dans les calmes de l'anticyclone des Açores. Il est donc nécessaire de prévoir une bonne dose de carburant au cas où…

C'est donc cette option que le captain choisit malgré le peu de goût que nous avons pour l'allure du près ; mais ça commence à sentir l'écurie et l'idée de raccourcir le temps de parcours finit par emporter la décision.

En fonction de nos fichiers météo, nous tracerons une route avec deux way-points intermédiaires, le premier situé à environ 220 milles au nord du sud de la Martinique (N 18°, W 60°), le second à 660 milles environ au nord nord-est du précédent (N 28°, W 56°) avant de prendre une route directe sur le sud des Açores, et plus précisément sur l'île de Faial où nous comptons faire escale. Nous n'aurons qu'à nous féliciter de ces choix qui s'avéreront particulièrement judicieux !

La veille au soir du départ escompté, on relève donc les différents fichiers météo sur internet mais il s'avéra impossible, pour une raison non encore éclaircie, de se connecter au site que nous utilisons en mer à l'aide du téléphone Iridium ! Panique à bord, on va voir le matin du départ un spécialiste local d'informatique et d'électronique qui ne trouvera pas la solution ; nous pûmes nous connecter à partir de sa ligne ADSL, mais toujours pas à partir du réseau wifi de la marina ni de l'Iridium… Sur le forum du site du logiciel américain, nous avons pu constater que ce problème s'était déjà produit pour certains utilisateurs, mais de solution point.

La fenêtre météo étant bonne, on décide de partir tout de même en demandant à Patrick, de Django Mayosa, de nous adresser par mail tous les trois jours un fichier correspondant à la zone qu'on lui définira et que nous récupérerons avec l'Iridium connecté à l'ordinateur.

A 12h30, avec l'aide de Patrick, Frédérique et leur fils Marius, nous larguons les amarres de la marina du Marin, destination le ponton de distribution de gasoil pour faire les pleins du réservoir et des bidons. Nous irons ensuite mouiller dans la baie pour remonter l'annexe à bord puis déjeuner avant de remonter le mouillage pour notre dernière "grande" traversée. Il est alors 14h30 le 2 juin.

Un début plus facile que prévu

On craignait en effet une remontée vers le nord difficile à cause des alizés de nord-est qui soufflent habituellement sur l'arc antillais et qui peuvent être assez soutenus ; mais les prévisions météo prévoyaient des vents orientés de l'est ce qui nous permit, une fois le sud de la Martinique contournée au moteur, d'établir les voiles et de remonter vers notre premier way-point facilement avec une allure oscillant entre près et bon plein.

Qui plus est, le vent n'était guère soutenu, variant entre 12 et 16 nœuds, permettant d'avancer entre 6 et 7 nœuds ; ce sont ainsi 141 milles qui seront parcourus les premières 24 heures.

Mais le soir du second jour, le vent va chuter à 8 nœuds et notre vitesse corrélativement à 5 nœuds. 115 milles seulement seront ainsi parcourus au relevé du 4 juin. Nous dépassons notre premier way-point, virant ainsi nord nord-est ; mais à 18h15, le vent tombe complètement, 2 à 3 nœuds ; nous longeons la bordure ouest d'une bulle anticyclonique et, pour nous en dégager rapidement, nous mettons le moteur en route pendant 5 heures. A 21h30, nous croiserons notre premier cargo qui passera à 4 milles sur notre arrière.

Le vent revient alors et nous permet de ré accélérer pour parcourir 159 milles les 24 heures suivantes, croisant notre deuxième bateau, un immense porte-conteneurs qui passera à 7 milles sur notre tribord. Le vent tourne est sud-est et c'est à une allure comprise entre bon plein et travers que nous progressons. Mais s'il est relativement stable en direction, il est variable en intensité : les distances parcourues les deux jours suivants seront de 170 milles et 121 milles. En fin de journée du 7 juin, il faudra même avoir à nouveau recours à la brise Diésel pendant une dizaine d'heures pour nous redégager de cette même zone anticyclonique qui fluctue sur notre tribord : notre premier way-point n'était sans doute pas positionné assez nord.

En fin de nuit du 7 au 8, on se retrouve dans l'allure pénible entre le largue et le grand largue, la grand-voile masquant le génois. On décide alors de tangonner ce dernier sur tribord, gardant la grand-voile et l'artimon sur bâbord, avant, quelques heures plus tard, de tout remettre sur bâbord…



Depuis le départ, nous fûmes accompagnés de 4 puffins, ces gracieux oiseaux de mer planant entre les vagues à la recherche de leur proie ; leur grand jeu consistait à tourner autour du bateau, à survoler le sillage puis à aller se poser sur l'eau une centaine de mètres devant le bateau, se laisser rattraper et dépasser avant de recommencer leur manège. Cela dura les quatre premiers jours avant qu'ils ne partent vers d'autres horizons.

Durant ce même temps, nous croisâmes à plusieurs reprises des bancs d'algues brunes entraînés par les courants ; cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas aperçu un tel phénomène.

Une seconde partie rapide et confortable

Nous atteignons alors notre second way-point, nous permettant même de couper un peu la route en virant en même temps que le vent ; celui-ci est alors orienté au sud sud-est, nous permettant d'allonger la foulée et de parcourir 165 puis 166 milles les deux jours suivants.

Après une journée moyenne à 148 milles, c'est dans la nuit du 11 au 12 et la matinée du 12 que nous subirons les plus mauvaises conditions de cette traversée, avec une ligne de grains qui se sont succédés sans interruption en accompagnant Olympe sur sa route ; lorsqu'un grain disparaissait enfin, il y avait une génération spontanée du suivant qui nous rattrapait. Ce petit jeu dura une dizaine d'heures, provoquant des surventes de 30 nœuds avec des changements intempestifs de sa direction, le tout accompagné d'éclairs impressionnants, surtout la nuit où, une fraction de seconde, on pouvait y voir comme en plein jour. Curieusement, nous n'avons pas eu trop de trombes d'eau. Il fallut alors être concentré à la barre pour suivre l'évolution du vent : nos quarts étaient bien occupés et un peu fatigants.

Le bon côté de la chose, c'est que grâce au vent soutenu, les performances des deux jours suivants s'établirent à 178 puis 185 milles, jusqu'à la nuit du 13 au 14 où le vent faiblira entre 13 et 15 nœuds, toujours de sud-est, permettant de passer une nuit plus reposante tout en avançant vite par vent de travers : 160 milles sont relevés le 14 à l'heure du point.
Ce jour sera également prolifique en termes de bateaux rencontrés avec, à 8h, un énorme pétrolier qui nous coupera la route venant de bâbord puis, à 19h30, un cargo venant de face ; pour plus de sécurité, nous déviâmes notre route de 30° sur tribord car nous restions en route de collision et manifestement il ne semblait pas vouloir bouger !

Le vent reste d'une remarquable régularité, tant en force qu'en direction ; il nous permet de parcourir à nouveau 160 milles les 24 heures suivantes, avant que, conformément aux prévisions météo, il ne commence à faiblir le 14, où 139 milles sont avalés, avant qu'il ne tombe définitivement.

L'échec d'un sauvetage et une fin de parcours motorisée

Le 16, nous récupérerons un jeune oiseau de mer, sans doute un puffin, tombé dans l'annexe et ballotté dans l'eau de pluie qui s'y trouvait ; il était presque noyé, ne pouvant se dégager à cause d'une patte cassée. Nous le sortirons de sa baignoire infernale pour le déposer sur le pont et lui donner à manger quelques miettes de filet de maquereau. Malheureusement, le lendemain matin, nous le retrouverons sans vie.

C'est donc au moteur que nous terminerons cette traversée, accompagnés par des dauphins et arrivant à 12h en heure locale le 18 juin à Horta sur l'île de Faial sous un temps gris et frais : nous avions perdu progressivement 10°C de jour comme de nuit, assurant ainsi une bonne transition entre les climats tropicaux auxquels nous nous étions bien habitués, et ce qui nous attend dans quelques semaines à notre retour en Bretagne nord !

Dans la baie de Horta, nous apercevons un gros bateau usine chargeant les cargaisons des bateaux de pêche locaux pour sans doute les emmener au Portugal. La vue sur la ville est jolie malgré le temps gris et légèrement pluvieux ; sous le soleil, ce doit être encore bien plus beau. Les collines alentour sont verdoyantes comme en Irlande !

 

Arrivant dans l'enceinte du port, nous voyons de nombreux bateaux au mouillage et un quai d'accueil très encombré ; nous appelons la marina par la VHF et avons immédiatement une réponse, chose rarissime : nous devons attendre le départ imminent d'un voilier du ponton d'accueil pour prendre sa place et venir faire les formalités.

Nous tournerons une dizaine de minutes avant de nous mettre à sa place à couple d'un vieux bateau en bois breton de retour d'une mission humanitaire en Haïti ; et alors que nous nous attendions à des formalités compliquées comme le laissait supposer notre guide, nous fûmes reçus dans le bureau de la marina qui enregistra les papiers du bateau et nos passeports en quelques minutes puis, dans le bureau d'en face, l'agent de l'immigration qui avait déjà sur son ordinateur tous les renseignements nous signa notre papier. Le tout dura moins de 10 minutes avec des interlocuteurs charmants et parlant parfaitement le français ! Le captain était de très bonne humeur : il aimait déjà ces îles et était sûr d'y passer un excellent séjour !

On nous assigna une place à l'intérieur de la marina à couple de deux bateaux français, les français étant très largement majoritaires parmi les bateaux présents. Une fois amarrés, nous pûmes déjeuner et nous reposer un peu, ravis de la parfaite organisation des lieux et de la qualité de l'accueil. Il est vrai que Horta, étape mythique de l'Atlantique, voit passer entre 1100 et 1200 voiliers par an !

2381 milles avaient été parcourus en 15 jours et 17h30 à la moyenne de 6,31 nœuds. Comme après toute traversée, nous étions heureux mais avions déjà en tête que la prochaine étape serait la dernière…

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