OLYMPE AUTOUR DU MONDE

MARQUISES - TUAMOTU

9h15 le 25 juin 2009, nous quittons à regret les îles Marquises, véritable paradis terrestre; nos fichiers météo sont bons, 15 à 20 nœuds au portant après quelques jours assez ventés, voilà qui annonce une traversée agréable jusqu'à l'archipel des Tuamotu et, plus précisément, jusqu'à Rangiroa, le plus grand des atolls distant d'environ 560 milles.

Nous sortons de la baie de Taiohae avec un vent d'est soutenu de 20 à 25 nœuds; pas de problème cependant, nous envoyons grand-voile et génois au petit largue, cap au 233° vrai. La vitesse se stabilise entre 8,5 et 9 nœuds, on laissera pour l'instant l'artimon au repos…

Avec cette vitesse, on va arriver beaucoup plus vite que prévu mais normalement cela ne doit pas durer puisque le vent doit baisser! Pourtant de la journée il ne baissera pas, bien au contraire, puisqu'aux alentour de 23h45 on note dans le livre de bord :
"Vent tournant est-sud-est force 7, mer agitée, réduisons grand-voile et génois, vitesse 9,5 nœuds."

Ça siffle dans les haubans, mais le bateau ne bronche pas; le plus ennuyeux ce sont les vagues que nous prenons de travers avec le vent depuis qu'il a tourné; de cette direction, il s'agit du Maraamu, vent très soutenu qui ne souffle que de temps en temps de mai à octobre.

La nuit se passera ainsi en étalant quelques rafales à 35-38 nœuds; mais ce n'est pas grave, puisque le vent doit baisser! Le matin, le point journalier indiquera une distance parcourue de 203 milles sur les premières 24 heures : pas mal avec une toile déjà bien réduite! Par contre, si le vent n'a pas évolué, la mer au contraire a forci; d'agitée elle est devenue forte; les creux commencent à être impressionnants et les prendre de travers n'a rien d'une sinécure d'autant plus que la houle est courte et donc les pentes assez raides; seules quelques crêtes commencent à déferler, on se fait mouiller de temps en temps, mais tout est encore gérable.

Cependant, certaines, pour ne pas dire tout l'équipage, aimeraient bien voir les prévisions météo se réaliser; on n'arrive pas à croire qu'elle ait pu se tromper à ce point! De toute façon, nous n'avons plus le choix, nous sommes dedans et plus question de faire demi-tour avec une allure plus au près : nous mettrions plus de temps à revenir aux Marquises qu'à arriver aux Tuamotu!

Dans la nuit du 26 au 27, le vent forcit encore; on est entre 33 et 38 nœuds établis et, vers 3h30, des grains se présentent; ils ne semblent pourtant pas si terribles à l'œil et au radar mais, pendant le quart du captain, on aura droit à trois grains successifs de plus en plus violents.

40 nœuds, on réduit encore génois et grand-voiles à 50% tout en avançant entre 9,5 et 10 noeuds; quelques instants plus tard, le vent monte à 45 nœuds. Le bateau se comporte remarquablement mais le bruit est réellement impressionnant; on a peur pour l'éolienne qui n'a jamais tourné si vite! Et on ne peut s'empêcher de penser à ces coureurs du Vendée Globe qui, seuls sur leur bateau, recherchent ces conditions pour aller plus vite…Mais nous aimerions bien rencontrer un météorologue pour lui dire notre façon de penser!

Puis subitement l'aiguille de l'anémomètre se bloque à 50 nœuds, l'extrémité du cadran! Le bateau lofe et se redresse, son comportement marin est vraiment rassurant. Heureusement, cela ne durera pas très longtemps mais apprécier l'échelle de temps dans ces conditions n'est pas facile.

Le problème, c'est que si les conditions s'aggravent encore, on ne pourra plus faire route directe vers les Tuamotu; il faudra fuir vers le nord-ouest pour prendre la mer de derrière; car celle-ci est maintenant très forte et commence à déferler. On manquerait donc non seulement les Tuamotu mais aussi les îles de la Société situées dans leur sud-ouest! Et pour aller où? Nulle part, il n'y a rien avant quelques milliers de milles!

Maryse n'a pas tenu son quart lors de la deuxième nuit mais le reprendra courageusement la troisième; par deux fois, Michel s'envolera dans le bateau les quatre fers en l'air, heureusement sans autre mal que quelques écorchures sur son crâne dégarni! Martine fait une cure de sommeil entre deux apparitions où elle savoure le spectacle de la mer; personne n'a peur, c'est le principal.

9h15 le 27 au matin, 193 milles ont été couverts cette deuxième journée; le vent est retombé à force 7 mais c'est la mer qui pose problème; une déferlante un peu plus vicieuse que les autres claque sur le flanc bâbord du bateau, passe sur le passe-avant et vient remplir le cockpit, heureusement juste à la hauteur du rehaut de la descente sinon tout se serait déversé à l'intérieur! Avertissement sans frais, on ferme la descente…Par contre on aura pu apprécier la vitesse de vidange du dit cockpit, merci Amel!

Il ne reste alors plus que 180 milles à parcourir; normalement, en arrivant par le nord de l'archipel, on devrait être bientôt un peu protégés de la violence des vagues. A 18 heures, le vent faiblit enfin force 5 à 6, la mer n'est plus "que" forte. Notre cap est resté imperturbable sur le 233°, c'est gagné, on ne manquera pas Rangiroa!

La dernière nuit sera donc plus sereine, même si l'on continue à être secoués et mouillés mais par ces températures chaudes (27° la nuit) ces conditions sont bien plus supportables qu'en Manche! On sait de plus que l'on va arriver de jour, c'est important pour embouquer notre première passe de lagon! Justement, il y en a deux praticables, toutes deux situées au nord-ouest de l'atoll : la passe de Tiputa, la plus profonde mais celle qui engendre les courants sortants les plus importants (jusqu'à 8 nœuds), et la passe d'Avatoru, plus large, moins profonde et avec moins de courant.

Ne me demandez pas pourquoi, mais nous avons mis le cap dans l'axe de la première car la plus proche du meilleur mouillage à l'intérieur! La houle venait briser de part et d'autre de la passe sur le plateau corallien mais, finalement, rien de très impressionnant. Nous devions être à un bon moment de la marée car nous ne supportâmes que 3 nœuds de courant dans le nez. Dès la passe franchie, on pouvait virer immédiatement à droite pour passer sur des hauts fonds, comme le préconisait un guide, ou aller faire le tour du motu Nuhi Nuhi pour revenir vers le mouillage comme le préconisait fortement un autre guide; nous n'étions pas à une demi-heure près et avons préféré cette deuxième solution!

C'est à 7h15 le 28 juin que nous laissâmes tomber le mouillage devant l'hôtel Kia Ora, contents d'être arrivés et d'avoir vécu ces conditions qui nous aurons rassurés sur la tenue du bateau et de son équipage. La moyenne de 8,3 nœuds avec aussi peu de toile était anecdotique, ce qui comptait, c'était d'avaler un copieux petit-déjeuner!

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