OLYMPE AUTOUR DU MONDE

Canaries - Cap Vert

Vendredi 7 novembre, nous allions entamer depuis notre départ de Saint-Malo notre première "grande traversée" seuls, Maryse et moi; compte tenu des 801 milles à parcourir, le captain tablait sur 6 jours de voyage tranquille.

En perspective de ce trajet, Maryse, qui ne voulait plus croire ce que son captain lui ressassait depuis longtemps, c'est-à-dire que les alizés allaient bien finir par arriver et que la marche au près ne serait plus qu'un mauvais souvenir, avait commencé à se doper depuis la veille au Vogalène pour prévenir son mal de mer. Tous les fichiers météo nous annonçaient du vent de nord-est de 15 à 20 nœuds faiblissant à mesure que l'on se rapprocherait des îles du Cap Vert; c'était donc idéal pour une navigation au portant : on allait enfin avoir un aperçu de ce que devrait être plus tard notre traversée de l'Atlantique!

11h45, nous larguons les amarres, destination l'île de Sao Vicente au nord-ouest de l'archipel du Cap Vert, cap au 213°. Le vent, faible, est de sud-ouest, pile dans le nez! A ne plus rien y comprendre : heureusement que Maryse avait regardé avec moi les fichiers météo sinon…C'est donc au moteur, à régime réduit, que nous entamons cette traversée.

Il faudra attendre 19h45 pour que le vent veuille bien se lever et tourner d'abord à l'est sud-est puis à l'est nord-est force 4 à 5, nous permettant enfin de hisser les voiles pour entamer une navigation très agréable sur une mer un peu agitée, vagues de trois quarts arrière. Ouf, l'honneur était sauf!

Pendant la première nuit, le vent oscillera entre le nord-est et le sud-est, se renforçant à force 6 (entre 20 et 25 nœuds) peu avant minuit, nous permettant de marcher alors à 8,7 nœuds en prenant un peu d'avance sur notre tableau de marche. Maryse semblait avoir trouvé le bon dosage de son médicament : elle n'était pas malade, ne dormait pas et pouvait donc assurer ses quarts.

Le mardi matin, nous mettrons en marche pour la première fois l'alternateur d'arbre qui nous délivrera un courant gratuit pour recharger les batteries. Pendant les premières 24 heures, nous aurons parcourus 154 milles nautiques, ce qui n'est pas extraordinaires, mais les 7 premières heures de moteurs ont été faites à allure réduite de 5,5 nœuds.

Lors de cette deuxième matinée, le vent s'établit plein est, force 5; l'allure n'est pas idéale, car trop débridée pour garder la grand-voile qui masque le génois, et pas assez pour tangonner les voiles d'avant. La journée se passera tranquillement, entre 6,3 et 7,8 nœuds en fonction essentiellement de l'angle par rapport au vent. Nous nous sentons un peu seuls sur la mer : pas un bateau et pas le moindre animal marin à se mettre sous la dent depuis notre départ.

Les quarts de la seconde nuit seront donc plus cools pour le captain qui se contentera de veiller à l'intérieur avec l'alarme réglée sur le radar, Maryse préférant pendant les siens rester dans le cockpit pour assurer une veille visuelle. La température est redevenue très douce la nuit, 24°C sans la moindre humidité et 30°C la journée.

Troisième matinée, le 9 novembre, on s'écarte de la route de 10° pour reprendre un peu de vent, renvoyer la grand-voile et on en profite pour arrêter l'alternateur d'arbre; le temps est magnifique avec un grand ciel bleu tel que l'on en n'a pas vu depuis déjà quelque temps et la mer est assagie. Le moral est au beau fixe, Maryse n'ose pas encore y croire! 154 milles seront parcourus au cours des dernières 24 heures, pratiquement le même score que la première journée. A 9h30, on envoie en plus de la grand-voile et de l'artimon le gennaker et le foc d'artimon au petit largue. L'augmentation de vitesse est instantanée à 7,6 nœuds malgré un vent en baisse à 13 nœuds.

La journée se passe sans histoire, toujours sans rencontrer ni bateau ni animal marin. A 17h40, Maryse pose une question : est-ce normal d'avancer à près de 8 nœuds avec une vitesse de vent nulle? Je savais que le bateau marche bien mais quand même! En fait, l'anémomètre en tête de mât ne tourne plus, il est bloqué pour une raison indéterminée. La girouette fonctionne, c'est l'essentiel.

Avant la nuit, on rentre le foc d'artimon par précaution car c'est assez sportif et il vaut mieux le faire de jour que d'y être obligé la nuit; on remet en route également l'alternateur d'arbre. A 22h, Maryse pose une nouvelle question : pourquoi l'alternateur d'arbre fait-il plus de bruit en tournant plus vite? La réponse n'est pas longue à trouver, il n'est plus excité et ne délivre plus de courant; malgré plusieurs tentatives, il ne voudra rien savoir. Un peu plus tard, Maryse veut poser une nouvelle question : je l'adore mais lui demande de se taire et d'aller se coucher! En fait, je suis ravi de l'intérêt qu'elle porte enfin à la navigation ainsi que de la pertinence de ses remarques.

23h20, le vent tombe complètement, les voiles sont rentrées et le moteur remis en route; puis à 1h30, un faible zéphire revient permettant de renvoyer grand-voile, génois et artimon en s'appuyant au moteur à 1600 tr/mn; cette configuration nous permettra de marcher à 6,6 nœuds le restant de la nuit sans trop consommer (qui pense que nous sommes en perpétuel farniente?).

Quatrième jour, 6h45, l'anémomètre se remet à marcher et c'est Maryse qui s'en aperçoit pendant son quart; voilà un soulagement car le captain n'aime pas monter au mât! A 9h, le vent forcit à 13 nœuds ce qui nous permet d'arrêter le moteur et de renvoyer le foc d'artimon pour une vitesse qui se stabilise rapidement à 8 nœuds. Au cours des dernières 24 heures, ce sont 167 milles qui sont parcourus soit 7 nœuds de moyenne.

Au cours de la journée et de la nuit suivante, le vent se stabilisera entre 11 et 13 nœuds ce qui est peu pour une allure au portant; la vitesse se stabilisera entre 6,4 et 6,7 nœuds.

11 novembre, 8 heures du matin, en faisant le tour du pont, le captain ramasse trois exocets (poissons volants) venus s'échouer sur bâbord. Premiers signes de vie depuis notre départ si l'on peut dire! Maryse, en pleine forme, les préparera pour le repas de midi : la chair est fine et de bon goût, même si la présence de petites arêtes gâchent un peu le plaisir. Pendant la journée, nous apercevrons à plusieurs reprises des bans (je devrai dire des escadrilles) de poissons volants tentant sans doute d'échapper à quelque prédateur : on dirait des petites flèches blanches ou argentées volant en rang serrés à un mètre au dessus de l'eau sur 30 à 50 mètres; le mot voler est d'ailleurs approprié car ils battent non de leurs ailes mais de leurs longues nageoires latérales.

155 milles auront été parcourus pendant la quatrième journée, la baisse du vent se fait sentir; il reste 166 milles à parcourir. Nous mettrons en place des palans de retenue de bômes de grand-voile et d'artimon pour les empêcher de battre dans le roulis. La question est de savoir si nous pourrons arriver le lendemain soir avant la nuit ou s'il faudra ralentir pour n'arriver que le surlendemain.

A 19h30, le vent tombe complètement; les voiles sont aussitôt rentrées et le moteur remis en route, direction le way-point d'atterrissage cap au 216°. A 1h du matin du 12 novembre, nous croiserons notre premier bateau vu par le radar à 11 milles sur bâbord. Puis, à 9h, le vent revient dans une direction qui nous permet d'envisager le tangonnage des voiles d'avant, génois et gennaker, ce qui est fait avec maestria dans la demi-heure suivante.

Au cours de la cinquième journée, 145 milles seulement auront été parcourus; il reste à 11h45 21 milles à effectuer, c'est jouable pour arriver dans l'après-midi malgré la chute du vent : nous rentrerons les tangons vers 14h pour terminer au moteur. A 12h10, nous sommes à 12 milles de l'île de Santo Antao mais la brume de chaleur ne nous permet pas de l'apercevoir; à 14h, nous en sommes à 4 milles et toujours aucune visibilité! Et si nous nous étions trompé dans la route? On vous rassure, le radar, lui, voyait bien la côte!

C'est à 16h que nous entrâmes dans la baie de Mindelo après 5 jours et 4h15 de navigation, 805 milles parcourus pour 801 théoriques sur l'orthodromie; à 16h15 nous nous amarrâmes à un catway de la nouvelle marina, aidé par Christian de Xara of Hamble qui nous accueillit avec ces mots réconfortants : "on n'attendait plus que vous, on a viré tous les cons et tout le ponton est maintenant occupé par des français dans une ambiance d'enfer!"

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