OLYMPE AUTOUR DU MONDE

BILANS

On ne peut pas avoir vécu une telle expérience de voyage autour du monde sans en effectuer les bilans ; ceux-ci sont de plusieurs natures et nous en avons retenu quatre : statistiques, technique, touristique et humain. Ils sont importants pour nous afin de nous permettre de mieux apprécier et réaliser ce que nous avons effectué, mais ils pourront aussi être utiles à tous les prétendants au grand départ pour se donner une référence et se positionner par rapport à celle-ci.

Nous n'avons pas volontairement voulu rentrer dans un bilan financier, non pas que nous ne soyons pas capables de l'établir, mais chacun gèrera en fonction de ses besoins et de ses moyens ; il n'y a pas de règles dans ce domaine. Le premier critère commence d'ailleurs par le choix du bateau dont la taille et la sophistication engendreront le niveau des frais de maintenance, de réparations (si, si il y en a…), d'assurance et de place de port. Il est clair que nous n'avons pas voyagé à l'économie, même si nous n'avions pas un budget illimité ! Mais quand c'était possible, nous avons préféré les marinas aux mouillages, les voitures de locations aux transports en commun et les hôtels aux campings. Quant aux visites à l'intérieur des pays, seul le temps imparti et parfois les catastrophes naturelles ont limités nos prétentions.

STATISTIQUES DIVERSES

Nous indiquons ci-dessous quelques éléments statistiques concernant notre voyage qui comprend donc un tour du monde plus deux traversées de l'Atlantique. Pour certaines, nous donnerons des données brutes et des données corrigées tenant compte de notre immobilisation pendant une année supplémentaire en Polynésie suite aux réparations nécessitées par l'incendie qui s'était déclaré dans la cale moteur. Notons toutefois que ce ne sont pas les réparations qui ont duré un an, mais le fait de manquer la fenêtre météo étroite (mois de novembre) pour descendre sur la Nouvelle-Zélande qui a provoqué ce décalage. Pour mémoire, cela nous aura permis d'aller visiter en avion l'île de Pâques et le Chili et de faire un retour supplémentaire en France.

Le nombre de milles parcourus aura été de 38 944 se décomposant de la manière suivante :

• Traversées : 35 132 nm
• Cabotage :     3 812 nm

Dans la rubrique "cabotage" nous avons regroupé les petites navigations locales, souvent pour aller d'île en île dans les archipels ; le contournement nord de l'Australie, le contournement de l'Afrique du Sud et la remontée de la côte brésilienne ont été considérés comme traversées à part entière car nécessitant plusieurs jours de navigation.

Le nombre de jours de navigation en traversée aura été de 230 jours et 229 nuits, auxquels il faut rajouter l'équivalent de 25 jours pour les cabotages. Le temps passé en traversée représente donc 16% du temps de notre voyage et aurait représenté 21% sans l'année d'immobilisation à Tahiti. Si l'on y ajoute le temps de cabotage, ces ratios deviennent respectivement 18% et 24% de temps passé en navigation.

Le record de vitesse sur 24 heures aura été de 238 milles parcourus à la moyenne de 9,92 nœuds.

Le record de lenteur sur cette même durée aura été de 76 milles à la moyenne de 3,17 nœuds.

Moyenne générale du tour du monde : 6,41 nœuds.

Les traversées les plus rapides :

• Marquises Tuamotu   8,26 nœuds
• Cayenne Martinique   7,45 nœuds
• Madère Agadir           7,37 nœuds

Les traversées les plus longues en distance et durée avec leur moyenne :

• Le Cap Rio                 3654 nm         24j 9h 36mn            6,24 nœuds
• Bali Île Maurice           3484 nm        20j 10h 05mn          7,11 nœuds
• Galapagos Marquises   3011 nm        17j 23h 45 mn          6,97 nœuds

Nombre d'heures moteur : 1 685 h.

Nombre de jours passés en marina : 921 jours y compris l'année d'immobilisation supplémentaire à Tahiti (prise partiellement en charge par l'assurance).

Nombre de jours de mouillage : 282 jours

Nombre d'accidents corporels : trois, heureusement sans gravité :

• Un pouce de pied (celui du second) cassé par un couvercle de coffre,
• Un bras (celui du captain) happé dans un winch électrique,
• Une brûlure à une main (le second encore) par une écoute de génois.

On ne compte pas bien sûr les bleus ou ecchymoses diverses dus à des coups, surtout en début de voyage.

Nombre de vols : 3

• Une amarre d'annexe à Fatu Hiva aux Marquises,
• Trois amarres neuves à la marina Taina à Papeete,
• Deux palans de bossoirs à la marina de Nouméa.

Est-ce un hasard ? Les trois vols ont été commis dans des Territoires français et non dans des pays jugés "à risques"…

BILAN TECHNIQUE

1. Sur le choix du bateau

Sur tout ce qui est fondamental, ce fut un excellent choix.

1.1. Ce qui nous a donné le plus de satisfaction :

• Le cockpit central, d'un grand confort et extrêmement sécurisant et protégeant parfaitement l'équipage ; en outre, cette conception permet d'avoir une cabine arrière de propriétaire spacieuse où l'on tient debout. Nous ne comprenons pas les constructeurs qui installent de belles cabines de propriétaire à l'avant du bateau : ont-ils déjà navigué au près quand ça tape ? Quant à l'accessibilité au moteur et autres équipements sous le plancher du cockpit, c'est un régal qui a fait l'admiration notamment dans tous les pays anglo-saxons !

• Le gréement fractionné de ketch qui permet une multitude de combinaisons de réglage en fonction des allures ; la fragmentation de la voilure permet en outre d'avoir des voiles de surface plus réduite et donc plus maniables. Lors de la dépression rencontrée en descendant sur la Nouvelle-Zélande, avec vent établi entre 40 et 50 nœuds pendant 16 heures, vent et mer de travers, la combinaison génois et artimon seuls partiellement roulés a fait merveille. A aucun moment de ces presque 40 000 milles nous nous sommes sentis en danger.

• La qualité des équipements et leur échantillonnage assurant confort et longévité ; Olympe a aujourd'hui 20 ans et fait toujours l'émerveillement de ses visiteurs sur son aspect tant intérieur (qualité des boiseries et vernis) qu'extérieur. A noter le bastingage en tube inox, bien rare sur les voiliers. Parmi les points forts, le nombre considérable de rangements que même le second n'aura pas réussi à combler malgré l'ENORME collection de sable et la masse INCROYABLE de souvenirs ramenés de nos escales !

• Le GPS lecteur de cartes Garmin qui aura été notre unique instrument de navigation (nous avions un GPS portable de secours tout de même). Nous n'avions pas souhaité utiliser un ordinateur pour cette fonction, jugé trop fragile dans une ambiance marine et nous avons eu raison car l'ordinateur du captain a rendu l'âme en cours de route ! Toutes les données cartographiques et de marée ont été d'une extrême précision.

• La machine à laver le linge peut paraître un luxe mais, quand on a la place, c'est un accessoire dont on ne peut plus se passer ! Elle a BEAUCOUP tourné.

• Le parc de batteries au gel que nous avons installé à Tahiti voilà plus de deux ans et qui n'ont pas perdu de leur capacité ; on craignait pourtant que la chaleur régnant dans la salle des machines ne leur soit préjudiciable, ce n'est pas le cas. Quant au nombre de cycles de charge-décharge, il est nettement supérieur à celui des batteries classiques

Nous nous appliquons en outre à ne jamais descendre à plus de 20% de taux de décharge, ce qui augmente encore considérablement leur durée de vie. Elles sont certes un peu plus chères à l'achat mais on s'y retrouve certainement sur le long terme.

1.2. Ce qui n'est pas indispensable :

• Le lave vaisselle dont on ne s'est jamais servi ; nous avons rencontré un propriétaire qui l'avait remplacé par un petit congélateur, se servant du congélateur principal en fonction "conservateur". Astucieux, mais encore de l'énergie à trouver…

• La climatisation : on ne s'en sert jamais en mer et on s'en est assez peu servi aux escales à l'exception de certaines régions chaudes et humides. C'est bien sûr agréable de rentrer dans un bateau frais (ou moins chaud) mais le plus grand intérêt réside dans l'assainissement de l'intérieur par la déshumidification résultante de la condensation.

1.3. Les déceptions

• L'utilité de l'éolienne n'est pas évidente ; nous avions pourtant installé la plus puissante du marché (400W) mais elle ne compense les consommations du bord qu'à partir de 20, voire 25 nœuds de vent apparent : ce n'est pas tous les jours, surtout au portant qui représente tout de même la majorité du temps. En dessous, les performances chutent vite et l'apport devient négligeable. Si l'on en installe une, elle doit venir en complément d'autres sources d'énergie.

• Les bossoirs que nous avions fait installer avant de partir se sont avérés insuffisamment solides pour y laisser l'annexe en permanence, même sans moteur ; pour toutes les traversées, elle était installée sur le roof arrière et les bossoirs n'étaient utilisés qu'en eau calme ou pour relever l'annexe la nuit au mouillage jusqu'à ce que l'on trouve plus facile de la relever à l'aide d'une drisse sur un bordé !

1.4. Les regrets

• Ne pas avoir fait installer un vrai portique bien solide pour y laisser l'annexe à demeure et

• Malgré la présence d'un groupe électrogène (il consomme du gasoil…) et d'un alternateur d'arbre (qui ne fonctionne qu'à partir de 6 nœuds et fait chuter la vitesse d'un demi nœud), ne pas avoir installé sur ce portique des panneaux solaires qui, sous les tropiques, représentent certainement la meilleure garantie de charge, notamment au mouillage pendant les absences prolongées pour visite.

2. Les problèmes techniques rencontrés

On va dire pour simplifier qu'ils sont de deux ordres : ceux qui sont inhérents à l'activité de ladite plaisance et que l'on retrouve sans exception sur tous les bateaux arrivant en escale après une traversée, et ceux qui sont spécifiques à telle ou telle conception de constructeur, ici Amel en l'occurrence.

2.1. Les problèmes généraux

• Changements de drisses de foc d'artimon (deux fois) et de gennaker pour cause d'usure due au raguage et drisse de ballonner pour cause de vieillesse,

• Changement du moteur de guindeau pour cause de détérioration du bout d'arbre ; nous avons installé un 1500W au lieu de 1000W. Cette détérioration devait avoir été largement entamée avant l'acquisition du bateau car nous avons toujours installé une main de fer et un bout pour reprendre les efforts sur le taquet principal et non sur l'axe du barbotin et avons toujours terminé le relevage des 50 derniers centimètres de chaîne manuellement pour éviter de mâter la clavette en butée.

• Réparation d'une déchirure du génois et mise en place de nouvelles bandes UV,

• Réparation d'une déchirure sur la grand-voile et reprise du guindant et de la bordure,

• Remplacement du support de l'ensemble girouette-anémomètre.

• Remplacement d'un réa du chariot avale-tout d'une écoute de génois.

2.2. Les problèmes spécifiques

• Remplacement des deux réducteurs des enrouleurs de grand-voile (mât et bôme), l'un en Nouvelle-Zélande, l'autre en Afrique du Sud. Pour un long périple, il est prudent d'en avoir deux en rechange.

• Changement de roulements dans l'enrouleur de génois.

• Modification de la fixation du tube de l'enrouleur de génois dans le plateau d'entraînement : c'est un des points faibles du bateau. D'origine, ce sont 8 rivets aluminium qui assurent cette liaison, mais à la longue ils se rompent et mâtent les trous dans le tube. Nous les avons remplacés par des boulons vissés dans des inserts internes taraudés.

• Remplacement du groupe électrogène d'origine de marque Laser, cause de nombreux soucis de l'aveu même du chantier, par un groupe insonorisé de marque ONAN de 7 KW, une vraie merveille.

• Enfin un problème non encore solutionné et qui est manifestement un défaut de conception du chantier : le filtre de prise d'eau de mer commun à tous les équipements (moteur, groupe, climatisation et désalinisateur) qui se désamorce fréquemment surtout en cas de gîte ou de roulis. Conséquence : des rouets de pompe eau de mer du groupe qui rendent l'âme. Nous en avons changé 4 depuis la Nouvelle-Zélande. Un ami a fait installer une deuxième boîte à eau qui a réglé le problème ; on attend des précisions pour adapter la solution.

• Remplacement par deux fois de l'hélice du propulseur d'étrave et, plus grave, remplacement des pignons de renvoi d'angle détérioré faute d'huile de lubrification. Pour vérifier le niveau de celle-ci, pas d'autre solution que de démonter l'ensemble une fois par an minimum.

Ces problèmes se rencontrent sur tous les Super Maramu comme nous avons pu le constater en discutant avec de nombreux propriétaires.

3. BILAN TOURISTIQUE

Le programme que nous nous étions fixé au départ a été globalement respecté ; bien sûr, on a toujours des regrets au retour d'un tel périple. Comme nous nous en doutions lors de l'élaboration du programme, nous avons manqué de temps pour découvrir des escales que nous aurions aimées faire : Cuba, le Mexique, l'Equateur, Madagascar, la visite de l'intérieur du Brésil. Mais même si nous avions eu le temps de nous y arrêter, n'aurions-nous pas regretté d'avoir "sauté" la Patagonie, le Japon, le Vietnam ou la Thaïlande ? Sauf à partir sans programme préétabli et sans limite de temps et "tourner" pendant vingt ans, on ne peut pas tout faire. Encore faut-il dans ces conditions partir bien avant 60 ans !

La confirmation de notre expérience est que la seconde moitié du parcours, à partir de l'océan Indien, représente, dans le temps que nous avions fixé, beaucoup de milles pour assez peu d'escales ; et pas moyen de faire autrement à moins de laisser le bateau sur place pendant la saison des cyclones.

Nous avons aimé beaucoup d'endroits pour des raisons qui sont liées soit à la beauté des paysages, soit à l'intérêt culturel soit encore à la qualité de l'accueil des autochtones. S'il fallait ne retenir que quelques meilleurs souvenirs, ce seraient les suivants :

• Le Cap Vert où nous avons eu vraiment l'impression que notre voyage commençait,

• La ville de Cartagena en Colombie, une des plus belles d'Amérique du Sud,

• Les îles San Blas pour l'accueil des indiens Kuna et la qualité de l'eau, chaude et cristalline,

• Les îles Marquises, ce que nous avons sans doute vu de plus beau et les couleurs des lagons des Tuamotu,

• La Nouvelle-Zélande pour la beauté et la variété de ses paysages, la qualité de vie et le côté cool des Kiwis ; c'est le seul endroit où nous aurions pu déposer définitivement nos valises !

• La beauté de l'île de la Réunion,

• Au Brésil, la baie de Rio pour sa beauté, Paraty et le quartier historique de Salvador pour leur aspect architectural.

Il y en eut bien sûr bien d'autres (Tenerife avec l'ascension du Teide, les Tobago Cays, les îles Galápagos et leur faune, la ville d'Angra do Heroismo aux Açores…) mais il faut bien faire des choix. Nous avons par contre été déçus par les Antilles françaises (à part les Saintes) dont la réputation nous a paru surfaite et la qualité de l'accueil parfois plus que limite...

BILAN HUMAIN

Que retire-t-on de cette expérience sur le plan personnel, est-elle à la hauteur des espérances? Ce sont les deux principales questions que l'on peut légitimement se poser.

La première condition de la réussite d'une telle expérience est l'entente parfaite de l'équipage en toute circonstance ; Nous n'avions à priori pas trop d'inquiétude, Maryse et moi, sur notre capacité à reproduire sur l'eau notre entente et notre complicité terrestre. Mais ce n'était pas forcément acquis d'avance, notamment dans les moments parfois difficiles que l'on rencontre inévitablement lors des mauvaises conditions de mer. Et puis tenir quatre années dans un endroit aussi restreint qu'un bateau n'est pas forcément à la portée de tous. Pour notre part, il n'y a eu aucune difficulté relationnelle, les moments difficiles renforçant encore davantage nos liens.

J'ajoute qu'un tel voyage ne se concevait pour nous qu'à deux ; nous avons rencontré quelques bateaux sur lesquels Monsieur naviguait, Madame rejoignant Monsieur par avion aux escales. C'est pour nous se priver d'une des parties les plus riches de l'aventure et j'engage les couples candidats au voyage à lire et à méditer la fin de ce chapitre !

Nous revenons de ce périple les têtes pleines de souvenirs, avec de nouvelles amitiés et des liens forts qui ont été créés au fil des étapes ; les moments difficiles, il y en a, sont vite oubliés pour laisser place au meilleur, à ce qui nous a enthousiasmé. Oui, cette expérience est allée bien au delà de nos espérances.

Mais il est certain que l'on ne sort pas indemnes d'une telle aventure, je veux dire par là que l'on en revient différents ; on apprend par la force des choses à se contenter de peu, à gérer les risques de pénuries, à être autonomes (quand on se trouve à 3000 km de la terre habitée la plus proche, on ne peut compter que sur soi-même…) et par conséquent à relativiser les problèmes et à les hiérarchiser. La rencontre d'autres peuples, d'autres cultures nous rendent plus curieux et plus tolérants. La pauvreté ou la misère parfois rencontrée remet souvent en cause nos certitudes : moins les gens possèdent et plus ils partagent, plus ils sont généreux et moins ils expriment les besoins souvent virtuels que nous nous créons de toute pièce. Notre civilisation occidentale soit disant avancée (elle ne l'est finalement uniquement que sur l'aspect technologique) ne semble en comparaison n'engendrer qu'égoïsmes et frustrations avec cette notion imbécile du "toujours plus" entraînant la primauté du futile ou de l'accessoire sur l'essentiel et la perte des valeurs fondamentales.

Avant de prendre la décision de rentrer, nous nous sommes réellement demandés si nous arriverions à nous réadapter à cette vie que nous suivions de loin grâce à internet ; que les informations divulguées nous paraissaient futiles et sans intérêt, le mot est faible ! Arriverions-nous à supporter d'entendre à longueur de journée les gens se plaindre pour un oui ou pour un non (surtout dans notre beau pays…), à réclamer toujours plus d'assistance de la collectivité comme pour se dégager de toute responsabilité et d'effort personnel ? Finalement, la crise économique actuelle n'est-elle pas le résultat ou la conséquence de ce "toujours plus" qui a conduit nos sociétés à vivre à crédit et au dessus de leurs moyens ? C'est sans doute le cas et, dans ces conditions, elle pourra être salutaire pour peu qu'elle puisse faire prendre conscience aux peuples des dérives de notre système, voire du début de notre décadence. Mais nous restons sur ce point assez pessimistes, car si la prise de conscience a quelque chance d'aboutir, c'est sur les remèdes que personne ne sera d'accord puisque le changement, s'il est reconnu nécessaire, ne devra concerner que les autres et jamais soi-même ! L'égoïsme dont nous parlions plus haut. Bref, les premiers mois risquent de nous paraître difficiles !

Enfin, et pour donner l'espoir à tous ceux qui envisageraient le grand départ, la plus grande satisfaction du captain aura finalement été l'évolution de son second : souvenons-nous que Maryse avait accepté de tenter l'aventure malgré sa peur de l'eau, malgré son mal de mer et malgré le fait de devoir quitter enfants et petits-enfants plusieurs années. Son courage et sa ténacité ont été récompensés car, après quelques mois difficiles, elle a fini par prendre goût au voyage, au bateau et à la navigation quelles qu'en soient les conditions. C'est finalement elle qui aura le mot de la fin : lui demandant récemment ce qu'elle répondrait à un couple dont un membre hésiterait à tenter l'aventure, elle me répondit sans hésitation et de manière spontanée :

"Ne faites pas l'erreur de ne pas partir".

Je suis très fier d'elle ; elle pleura le 16 août 2008, le jour du départ, et elle pleura à nouveau quatre ans plus tard à notre départ des Açores pour notre dernière étape ; mais cette fois, pas pour la même raison mais parce que l'aventure se terminait. Et quelque chose me dit que si dans quelques mois nous avons toujours du mal à nous réadapter à la vie terrestre, c'est elle qui proposera un nouveau départ !

Un petit mot du second

Ce projet du tour du monde, Jean-Pierre a tenu à me le faire partager et aujourd’hui, je souhaite le remercier profondément.

Il est vrai qu’après les premiers milles j’ai souvent eu envie de mettre fin à l’aventure : le mal de mer, la méconnaissance de la navigation, l’appréhension de la météo, affronter la mer me donnaient envie de renoncer pour ne rejoindre Olympe qu'aux escales ; mais mon Captain ne le voyait pas de cet œil et me disait : "Ce voyage n’a de sens qu’avec toi", le mal de mer étant pour lui "essentiellement psychologique" !

Aujourd’hui par-dessus tout je voudrais le remercier de m’avoir convaincue à continuer ce périple (il a un don et un pouvoir de conviction certains….) et de m’avoir soutenue tout au long de cette aventure. Merci aussi à nos enfants pour les encouragements à ne pas abandonner.

Jean-Pierre a fait de ce voyage une aventure extraordinaire en faisant preuve de sang-froid et de savoir faire à tout moment :

- Il a maîtrisé la météo afin d’avoir toujours une navigation sûre et si possible agréable. (coups de vent ou dépressions étaient parfois inévitables),

- Il est intervenu avec sérénité sur le moindre problème technique,

- Quant à la navigation et aux manœuvres, il a toujours été un vrai professionnel.

MERCI MON CAPTAIN !

Voilà quatre années inoubliables qui ont enrichi notre vie de souvenirs, d’émotions et de belles rencontres. On constate aujourd’hui que l’on a tendance à oublier les mauvais moments au profit des bons, si nombreux.

Les navigations, de jour comme de nuit, m'ont permis d’apprécier ces vrais instants de bonheur en ressentant la parfaite osmose entre l'équipage et le bateau lorsque celui-ci, bien équilibré, trace sa route avec puissance et souplesse ! Je n'aurai jamais imaginé avant le départ que l'on puisse éprouver un tel attachement à un bateau, cette petite coque de noix qui nous a hébergés et protégés durant ces quatre années. Et puis l’arrivée sur une nouvelle destination est toujours remplie d’émotion et la découverte d’un nouveau pays est enrichissante de part son histoire, sa culture, ses arts, ses paysages et les rencontres dont certaines se sont transformées en véritables amitiés.

Aujourd’hui le retour est difficile et la joie de retrouver la famille, les amis et notre maison se mélange à la tristesse et la nostalgie de la fin de cette belle aventure ; la réadaptation n’est pas évidente.

Pourtant le Captain a souvent tenté de me convaincre de "tourner à gauche" lorsque nous étions aux Antilles. Bien sûr, j’avais envie de rentrer mais je dois avouer que dans mon for intérieur je me disais : "et pourquoi pas" et tout était un peu flou dans ma tête !

Les quelques navigateurs rencontrés qui avaient vécu des moments identiques lors de la fin de leur premier tour du monde nous avaient prévenus de cette difficulté du retour. On doit absolument éviter la monotonie, la routine et faire preuve d’imagination en ayant d’autres projets. Et puis qui sait, un jour peut-être, l'envie de repartir deviendra trop forte…Et là, c'est peut-être moi qui serai moteur !

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