OLYMPE AUTOUR DU MONDE

 

NOUVELLE CALEDONIE

Un peu de géographie

Situé à 1500 km à l'est de l'Australie, à 1700 km au nord de la Nouvelle-Zélande et à 5000 km de Tahiti, l'archipel calédonien est d'une origine géologique complexe; l'île principale, appelée Grande Terre, de 400 km de long sur 50 km de large, est située sur un arc issu de la subduction de la plaque australienne sous la plaque pacifique, alors que les îles Loyauté à l'est sont situées sur un arc volcanique. Ceci explique peut-être l'incroyable richesse minière de l'île en métaux de toutes sortes, constituant une anomalie géologique comme nous le commentera le propriétaire d'une mine en exploitation.

Outre la Grande Terre et les îles Loyauté situées à une centaine de kilomètres à l'est (Ouvéa, Lifou, Tiga et Maré) l'archipel est constitué d'autres îlots et récifs en partie submergés : les îles Belep au nord du lagon et les récifs d'Entrecasteaux, l'île des Pins au sud, l'archipel des îles Chesterfield et les récifs de Bellone à l'ouest. En incluant ces ensembles, l'archipel s'étend sur plus de 800 km de long.

La Grande Terre est parcourue par une chaîne montagneuse longeant la côte est; le point culminant est le mont Panié avec 1639 mètres d'altitude. La présence de cette chaîne est déterminante pour le climat de l'île; la côte est au vent est ainsi humide et tropicale alors que le plateau ouest sous le vent est plus aride.

Deux barrières récifales de 600 km de long chacune, à l'est et à l'ouest et à une distance variant de 2 à 60 km, délimitent un des plus grands lagons du monde dont une grande partie a été classée en 2008 au patrimoine mondial de l'Unesco. Au nord, le lagon est fermé par des récifs situés à près de 200 km.

Le climat y est idéal, jamais trop chaud ni trop froid grâce aux alizés qui y soufflent en moyenne 250 jours par an; mais il ne faut pas oublier que l'on se trouve dans une zone cyclonique : 17 en 25 ans!

Un peu d'histoire

Les sites archéologiques les plus anciens sont datés de 4000 ans; les premiers habitants de l'archipel sont mélanésiens, en provenance de l'Asie du sud-est.

Le premier découvreur européen de l'archipel est, devinez qui, le capitaine James Cook, encore lui, en 1774! Il arriva sur la côte est qu'il cartographia.

En 1792, c'est d'Entrecasteaux qui fit la découverte de la côte ouest, alors à la recherche de Lapérouse. Mais il renonça à entrer dans le lagon par sécurité. En 1793, les premiers chasseurs de baleines américains y installent leurs bases et les marins santaliers arrivent en 1841, en même temps que les premiers missionnaires de la London Missionary Society puis les catholiques en 1843 et les maristes en 1848.

C'est Napoléon III qui donna instruction à la marine de guerre de prendre possession de l'île à la condition qu'elle ne fut pas déjà annexée par les anglais; le 24 septembre 1853, l'amiral Febvrier Despointes pris possession de la Grande Terre à Balade.

Comme dans toute colonisation commença alors l'affrontement avec la population locale constituée des Kanak et qui connut son paroxysme au début des années 80 entre caldoches et Kanak; on se souvient de la prise en otages par des indépendantistes de gendarmes dans une grotte à Ouvéa et l'issue sanglante qui s'en suivit. Les accords de Matignon permettront de ramener le calme en reconnaissant au territoire une large autonomie, en transférant progressivement les pouvoirs et en créant trois provinces, l'une "loyalistes" au sud essentiellement peuplée de caldoches, deux autres indépendantistes au nord et aux îles Loyauté peuplée essentiellement de Kanak. Un référendum est prévu entre 2014 et 2018 pour décider de l'avenir du territoire dans la République française.

Notre séjour

Premiers contacts : sourires et efficacité

14 avril à 8h15, après une nuit de sommeil courte mais bonne passée au mouillage d’attente de la Pointe de l’Artillerie, nous accostons au ponton de Port Moselle qui nous a été désigné par la capitainerie à la VHF; nous sommes accueillis par Linda qui nous aide à passer les amarres en nous souhaitant la bienvenue avec un grand sourire qui illumine son visage. Elle nous indique que nous devons passer à la capitainerie rapidement pour les formalités d’entrée sur le territoire.

Mais voilà qu’à peine amarrés, nous voyons arriver Bernadette et Roger, du bateau Guerelec, que nous avions connus à la marina Taina à Tahiti, les bras chargés de deux énormes pamplemousses et d’une baguette de pain en signe de bienvenue ! Ils en ont terminé avec leur tour du monde et demi et se sont définitivement installés sur le Caillou comme l’on désigne ici la Grande Terre.

Nous ayant suivi grâce à notre balise satellite, ils nous attendaient de pieds fermes ainsi que l’alternateur que nous leur ramenions de Nouvelle-Zélande.

Joie des retrouvailles, beaucoup de choses à se raconter dont la mise en vente de leur bateau et la touche sérieuse que nos amis semblent avoir, le temps passe très vite et nous sommes bientôt rappelés à l’ordre pour nous rendre à la capitainerie demander les formalités d’entrée!

Nous nous résignons donc mais ne regrettons pas que tout soit centralisé au bureau de la marina qui se charge de convoquer les autorités : immigration, douanes et service sanitaire qui passeront tous à bord dans les deux heures qui suivirent.

Efficacité mais...

Tout cela semblait trop beau pour être vrai, surtout dans un territoire français, et nous n’allions pas tarder à déchanter !

Ce fut d’abord avec les douaniers venus à trois à bord (!), fort sympathiques par ailleurs, mais à qui nous avons eu le tort, ou la chance, de parler incidemment de notre retour en France pour trois semaines; comme dans tout pays lorsque nous arrivons en bateau, celui-ci fait l’objet d’une importation temporaire pour une période variant selon les pays mais généralement d’un an comme ici. De ce fait, il n’y a pas de taxe d’importation à payer. Ce n’est que si vous voulez laisser le bateau plus longtemps, voire définitivement, que les législateurs de tous les pays, dans un bel ensemble et un même élan, vous taxent sur la valeur vénale de votre bateau, de 15% à 40% selon les endroits tout de même…

Mais ici, il y a une particularité que personne ne semble connaître, pas même le personnel de la capitainerie ; à partir du moment où vous quittez physiquement le territoire, vous mettez fin au régime d’importation temporaire et, à votre retour, vous avez le choix entre payer ou partir! Bien entendu, je dis que je ne comprends pas l’intérêt du territoire à chasser ses touristes, que je n’ai jamais vu ça ailleurs en un demi tour du monde, que nous sommes en outre dans un territoire français, que nous n’étions pas venus jusqu’ici pour ne rester que deux semaines, que… Mais rien n’y fait, les braves douaniers de la brigade nous conseillent d’aller voir leur Direction pour exposer notre problème et trouver une solution. Il doit donc y en avoir une et c’est confiants que nous saluerons ces chers douaniers en leur promettant de faire le nécessaire le lendemain tout en pestant sur le temps que nous allions perdre.

Puis, retournant à la capitainerie pour avoir confirmation que nous pouvions bien garder notre place pendant les trois semaines de notre absence comme nous l’avions demandé par mail un mois plus tôt, le captain s’entend dire que l’on ne peut y rester que trois jours, qu’il n’y a pas de place (alors que le ponton en a de nombreuses) et qu’il faut aller demander à Port du Sud ou au Yacht Club qui, d’après Bernadette et Roger qui connaissent les responsables, sont pleins à craquer.

- Mais je vous ai réservé une place par mail il y a un mois !
- Nous ne l’avons pas reçu
- C’est pourtant bien votre adresse?
- Oui, c’est bien celle-là
- Je n’ai reçu aucun avis de non réception…
- Et pour vous, quand vous n’avez pas de réponse, ça veut dire quoi, que c’est positif on négatif?

Là, j’aurais pu me contenter de dire "qui ne dit rien consent", mais un peu emporté par l’énervement j’ai lancé :

- Ca veut dire que vous êtes mal élevé!

Evidemment, je n’arrangeais pas mon cas, mais ce deuxième problème en quelques minutes était vraiment de trop : nous étions à deux semaines de rentrer en France, nous n’avions pas de place pour laisser le bateau et devrions quitter le territoire dès notre retour!

Pour nous défouler un peu, l’après-midi sera consacrée à une première reconnaissance de Nouméa, assez décevante d’ailleurs : beaucoup de trafic et de pollution, des rues sales, une architecture épouvantable qui ne comporte pratiquement plus de bâtiments de style colonial, beaucoup de jeunes et moins jeunes désœuvrés traînant dans les rues bref, rien d’enthousiasmant! Seule la place des Cocotiers trouvera grâce à nos yeux malgré son style un peu trop "ville nouvelle". Nous en profiterons pour acheter une puce de téléphone à l’opérateur local ainsi qu’un abonnement internet.

Entre détente et stress

La semaine qui suivit fut partagée entre démarches multiples pour tenter de résoudre nos problèmes et moments plus agréables partagés avec nos amis.

Le lendemain, c’est confiant que le captain se rend à la Direction de la Brigade des Douanes pour tenter d’amadouer l’administration et faire en sorte que nous ne soyons pas obligés de quitter le territoire dès notre retour de France.

Je redéploye mon argumentaire, disant que je ne comprends pas l’intérêt du territoire…en vain ; pour toute réponse, la douanière en chef nous déclare qu’elle n’est pas là pour commenter ou juger la loi mais pour l’appliquer et qu’elle ne pourra en aucun cas accorder une dérogation!

Au bout d'un certain temps de discussion courtoise, comme prise d'un remords tardif, elle me susurra une solution parfaitement légale :

"A votre retour, vous effectuerez les formalités de sortie du territoire, vous partirez 24h puis reviendrez refaire de nouvelles formalités d'entrée qui vous permettront cette fois de rester 6 mois".

Les bras m'en tombèrent! Pourquoi en effet faire simple quand on peut faire compliqué? L'administration issue de celle de notre beau pays dans toute sa splendeur…

Enfin, même si la solution était tordue, elle avait le mérite d'exister; mais le breton est têtu et, comprenant qu’elle n’avait pas le pouvoir d’accorder la moindre dérogation, je la remercie chaleureusement de ses conseils (!) et lui demande les coordonnées du Directeur de la Direction de la Règlementation ce qui la déstabilisa quelque peu. C’est en effet auprès de cette Direction que nous avions pu obtenir, dans un autre contexte, une dérogation à Tahiti.

Rentré au bateau, j’appelle immédiatement le service et l’interlocuteur me conseille d’adresser une lettre circonstanciée pour présenter notre cas et demander humblement une dérogation. Nous la rédigeons aussitôt et le captain la porte en main propre ; il est 15h30 et tout le monde est parti, sauf une brave secrétaire qui me promet de la remettre le lendemain…

Pendant ce temps, Maryse profite du marché situé à proximité de la marina puis va faire des courses avec Bernadette.

Le soir, nous retrouvons à bord avec un grand plaisir notre ancien équipier Olivier que nous avions rencontré pour la première fois à Agadir, que nous avions revu au Cap Vert et à Tahiti et qui a déposé pour une année ses valises pour remplir sa caisse de bord avant de repartir pour son tour du monde en vélo et bateau stop; il est accompagné de Nadège, sa compagne qui l’a rejoint en Amérique du sud et qui pédale avec lui depuis.

La soirée se passa à raconter nos souvenirs respectifs et les bons moments passés ensemble. Mais notre ami Olivier s’embourgeoise : depuis qu’il a trouvé son poste de professeur de mathématiques dans un collège, il ne dort plus à la belle étoile et roule en voiture! Mais ils nous l’ont promis, en fin d’année scolaire ils reprendront leur formidable aventure.

Et puis il y avait tout de même deux petits travaux à réaliser sur Olympe : démonter l’enrouleur d’artimon pour le dégripper et réparer le point de tire de la grand voile qui avait rompu à notre arrivée. Voilà de quoi ne pas perdre la main !

Mais il fallait bien trouver aussi une place pour le bateau; côté Port du Sud et Yacht Club, rien à faire malgré l’aide de Bernadette et Roger. Nous finîmes par en trouver une à la petite marina de Koumac située au nord ouest de l’île à quelques 400 km de Nouméa et 350 de l’aéroport! C’était loin d’être idéal mais, là aussi, la solution avait le mérite d’exister.

Afin d’éviter les complications liées à un tel éloignement, le captain s’évertua à faire du forcing auprès de Port Moselle après s’être réconcilié avec le personnel devenu notre meilleur allié; la charmante Linda prit même l’initiative d’en parler au Directeur du port. Je le rencontrais bientôt mais ce dernier était plutôt du genre buté et semblait d’ailleurs en position délicate, nous affirmant qu’il ne prendrait pas lui-même la décision et nous demanda un courrier qu’il transmettrait "en haut lieu". Mais pourquoi la France a-t-elle eu la manie d’exporter dans toutes ses ex colonies sa passion de la paperasserie et de l’administration? Depuis notre arrivée à Nouméa, l’imprimante du bord a décidément rarement autant chauffé…

Ces moments passionnants sont heureusement entrecoupés par des sorties avec Bernadette et Roger : une visite à une foire artisanale, un déjeuner au cercle militaire de la Pointe de l’Artillerie et la visite du fameux centre Jean-Marie Tjibaou, créé et financé par la France après les fameux évènements des années 80.



Ce centre avait, et a toujours d’ailleurs, le but de mettre en valeur l’art kanak; réalisé par le célèbre architecte italien Renzo Piano, l’architecture très élancée et épurée, réalisée avec du bois noble, est très réussie, symbolisant les cases kanak; situé près du lagon dans la verdure, le lieu est très agréable mais la déception est au rendez-vous dès que l'on entre à l'intérieur de ce centre culturel : il n'y a pratiquement rien et le peu que l'on peut voir de l'art kanak est pour le moins très primitif! Rien à voir avec l'art polynésien bien plus abouti et le magnifique musée des îles de Tahiti. Sans doute vaut-il mieux aller au musée de Nouvelle Calédonie situé en centre ville mais que nous n'avons pas eu le temps de visiter.

Le soir, nous nous consolerons avec la visite à bord de Camille et Nordine; Camille est la fille d'Hélène, une connaissance de nos amis Elisabeth et Jean que nous avions vue à Agadir; elle est installée en Nouvelle Calédonie, de même que son frère qui vit dans le nord de l'île. Il est d'ailleurs amusant de constater que cette ville marocaine est à l'origine de nos deux dernières rencontres de la semaine, Olivier et Camille! Et comble du hasard, nous apprenons la présence à Nouméa d'un cousin de Maryse, militaire détaché pour quelques mois en Nouvelle Calédonie et que nous verrons à notre retour de métropole.

Le reste de cette première semaine se passera à errer dans les rues de Nouméa, visiter sa cathédrale, à partager des repas avec Bernadette et Roger sur Olympe et Guérelec, à négocier avec la capitainerie de Port Moselle et à relancer la Direction de la Règlementation des Douanes où tout le monde est parti en vacances! Roger nous apprend la vente de Guerelec, son fidèle compagnon à bord duquel, avec Bernadette, ils ont bourlingué durant dix ans autour du monde. Et sa voix trahissait bien son émotion, nous faisant imaginer ce que nous ressentirons à notre tour le jour où nous nous séparerons d'Olympe…

Et puis, le 21 avril, miracle, une semaine jour pour jour après notre arrivée, la capitainerie nous promet de nous donner une place pour nos trois semaines d'absence; elle ne sait pas encore laquelle mais nous assure que nous pouvons partir, enfin, visiter le lagon l'esprit tranquille. Un grand merci à celles qui ont plaidé notre cause "en haut lieu"!

Lagon sud et île des Pins

Aussi, dès le lendemain larguons-nous les amarres, assurés de retrouver une place à notre retour; seule inquiétude, nous n'avons toujours pas de réponse des Douanes pour notre dérogation.

Prenant l'avion le 28 soit dans six jours, nous n'avons plus de temps à perdre et cette première découverte du lagon sera bien courte. Nous prenons la direction du sud de la Grande Terre en empruntant le chenal nord nous permettant de découvrir de multiples îlots dont l'îlot Porc et Pic qui doit son nom aux nombreux pins colonnaires qui le recouvrent, jusqu'à la baie Uie où nous nous arrêtons pour déjeuner; elle est bien abritée des vagues mais malgré sa position sur la partie sud-est de la côte, le vent dominant d'est s'engouffre à travers le relief du fond de la baie où l'on aperçoit d'ailleurs des éoliennes!

Vers 15h, nous relèverons le mouillage pour aller embouquer l'étroit canal Woodin séparant la Grande Terre de l'île Ouen. Nous commencerons alors à apercevoir les paysages typiques du sud calédonien, très vallonnés et couverts d'une épaisse végétation griffée de coulées de terre rougie par la territe. Les sols regorgent de minerais de toute sorte dont bien sûr le fameux nickel.

A l'extrémité est du canal, nous entrerons dans l'immense baie du Prony, un formidable abri naturel dans lequel on peut trouver pratiquement à s'abriter de toutes les directions de vent tant les anses y sont nombreuses; au fond de cette baie se trouve d'ailleurs un des meilleurs trous à cyclone du Pacifique sud.

Le vent venant du sud-est, nous irons mouiller dans Bonne Anse au fond d'une échancrure dans la partie est de la baie; on aura pu apercevoir au loin les installations de chargement de minerai au bout d'un immense tapis roulant à l'extrémité duquel viennent se positionner les cargos vraquiers. Pour cette nuit, nous serons seuls au monde dans notre petit mouillage!

Le lendemain matin, c'est à 8h45 que nous levons l'ancre pour mettre le cap sur l'île des Pins, but suprême de cette première sortie, joyau situé au sud de cet immense lagon; après avoir évité les premiers récifs en sortie de la baie du Prony, nous mettrons le cap au 125° qui nous conduira 30 milles plus loin sur l'alignement d'approche de la baie de Kuto que nous atteindrons après 8 milles supplémentaires.

Malheureusement, le temps s'est dégradé et nous avons subi quelques averses en cours de route; elles auront néanmoins le bon goût de cesser à notre arrivée mais le ciel restera d'un gris maussade durant le temps de notre séjour sur l'île. C'est bien dommage car cette île comporte quelques-uns des plus beaux mouillages du Pacifique.

La baie de Kuto, ouverte uniquement vers l'ouest, comporte une très belle plage de sable blanc en arc de cercle, baignée par une eau cristalline et bordée de pins colonnaires et de cocotiers. Un isthme reliant l'île à la presqu'île de Kuto la sépare de la baie voisine de Kanumera, plus petite mais encore plus belle avec son îlot la séparant en deux parties symétriques.



Nous nous promènerons à pied sur ces deux plages magnifiques et près d'un mur d'enceinte d'un ancien bagne. Quel dommage que nous ayons perdu autant de temps à Nouméa pour nos divers problèmes administratifs, nous aurions pu explorer davantage cette île idyllique.

En fin d'après-midi, nous nous attendions à passer une soirée tranquille quand nous vîmes un Zodiac installer des bouées qui ressemblaient fort à une ligne d'arrivée de régate; en effet, vers 17h arriva un immense catamaran puis, à partir de 22h, une quinzaine d'autres bateaux de régate qui vinrent mouiller près de nous dans la nuit noire et sous une pluie battante. Tous étaient manifestement des régatiers aguerris et il n'y eut pas de casse.

Le lendemain matin, le temps est à nouveau à la pluie; l'après-midi, le temps étant meilleur, nous nous rendrons en annexe dans la baie de Kanumera avant de revenir nous baigner dans une eau tiède malgré le temps peu engageant. Nous rencontrerons un médecin de Nouméa, un "métro" venu s'installer il y a déjà de nombreuses années; il participait à la régate et nous décrivit son quotidien à ses débuts avec les Kanak venant demander le lundi matin un "mot d'excuse" pour ne pas aller travailler! Les tahitiens au moins assument leur week-end prolongé!

Le lendemain matin, nous repartirons avec la régate, nos routes se séparant bientôt, celle-ci se dirigeant directement vers Nouméa alors que nous reprenions la direction de la baie du Prony que nous atteindrons à 15h dans la Rade de l'Ouest, le vent ayant tourné à l'ouest. C'est dans ce décor du sud calédonien à nouveau seul au monde que nous passerons la soirée avant de reprendre la route de Nouméa le lendemain matin.

C'est donc le 26, deux jours avant notre départ pour la métropole, que nous regagnons Port Moselle en fin d'après-midi et qu'on nous alloue la place promise située juste en face la capitainerie. Il nous reste une journée pour préparer le bateau et faire nos adieux à Bernadette et Roger qui partent quelques jours après nous en France mais qui ne reviendront qu'au mois d'août alors que nous serons déjà repartis.

Et puis restait à obtenir la réponse des Douanes à notre courrier! Le lendemain à l'aube, le captain rappelle la Direction et tombe sur la responsable du service qui lui déclare que justement elle a son courrier sous les yeux, qu'elle comprend la situation et qu'elle va accorder la dérogation tant désirée. Elle rajoute qui plus est : "ne vous dérangez pas, je vous l'envoie par mail avec copie à ma collègue de la Brigade".

Le captain bichait! Il fallait cependant retourner à la brigade déposer les papiers du bateau mis en dépôt pendant notre absence (des fois que l'on puisse s'en servir pendant notre absence…); mais le captain sut garder le triomphe modeste et fit profil bas en remerciant à nouveau chaleureusement la chef de la Brigade!

Le soir, nous prenions un dernier pot avec Bernadette et Roger et un couple de navigateur allemand de leur connaissance; le lendemain, la navette de l'aéroport nous prenait à 5h30 : nous partions pour un voyage de 37h via Sydney, Singapour et Frankfort.

La côte est

C'est le 23 mai que nous sommes de retour à Nouméa après cet aller-retour éclair en France; mais ce voyage devrait être le dernier avant notre retour définitif prévu à l'été 2012. En effet, le rythme des traversées s'accélérant, les temps d'escale seront plus courts et ne nous permettront plus ces "escapades"!

Quelques courses, un peu de nettoyage et le changement d'un alternateur bloqué par le sel suite à une fuite d'eau de mer du circuit de refroidissement moteur détectée le jour de notre départ seront nos principales occupations des deux premières journées avec la récupération du décalage horaire.

Le 25, nous retrouvons Jean-Marc, le cousin de Maryse, qui l'emmène faire des courses à Carrefour; le soir, dîner à bord avec deux de ses collègues, David et Jessica.

Le 26, Maryse fait connaissance de Kate et Fergus, un couple d'irlandais qui vont partir directement sur l'Australie et feront le même chemin de retour que nous par l'océan Indien et l'Afrique du Sud. On décide de se recontacter par mail en Australie.
Enfin, le 27 nous larguons les amarres pour partir visiter la côte est de la Grande Terre, la plus belle, et deux des îles Loyauté, Ouvéa et Lifou. Il nous faudra être de retour le 12 juin, date d'arrivée d'un autre Gérard, également de Fréhel, qui nous accompagnera au Vanuatu où il a vécu avec Monique pendant quatre années il y a 25 ans!

Pour atteindre notre première étape, il nous faut emprunter le canal de la Havannah en face de la passe du même nom et situé à l'est de la baie du Prony. Le passage y est souvent un peu agité mais aujourd'hui sans problème. Après une bonne navigation par beau temps, nous arrivons au mouillage de Kueboni au sud de la côte est de l'île. Il est 16h30, peu avant la tombée de la nuit pour entrer dans ce labyrinthe particulièrement délicat et peu profond. Les alignements se font à partir d'un bosquet de trois pins colonnaires isolés! Mais une fois à l'intérieur, c'est le calme absolu, et nous sommes seuls dans ce beau mouillage situé derrière l'îlot Nau.

Le but du lendemain est la baie de Kouakoué, mais l'objectif s'avérant un peu ambitieux pour arriver avant la nuit, nous nous arrêterons dans la baie de Ouinné dans laquelle se situe le village privé de la mine appartenant à la famille Montagnat; il faut en demander l'autorisation d'accès qui n'est jamais refusée; nous mettrons l'annexe à l'eau pour nous rendre dans le minuscule port construit dans une échancrure naturelle de l'estuaire d'une petite rivière en bordure du village et où nous demanderons l'autorisation d'accéder qui nous sera aussitôt accordée.

Nous nous avançons alors dans ce village constitué d'une trentaine de maisons coquettes où vivent à l'année les employés de la mine et leur famille venue les rejoindre pour les vacances; cet endroit n'est en effet accessible que par air ou par mer, la route la plus proche passant à une trentaine de kilomètres au-delà d'une nature impénétrable. L'environnement y est soigné et parfaitement entretenu dans une nature exotique.

Chaque habitant rencontré nous salue en nous gratifiant d'un grand sourire; nous ne tarderons pas à rencontrer Christophe, le petit fils du fondateur de la mine, qui prendra le temps de nous expliquer un peu son histoire. Il semble régner une agitation inhabituelle dans le village et nous apprenons qu'un barbecue est organisé en l'honneur de la fête des mères auquel nous sommes conviés dans la soirée.



Nous y reviendrons donc la nuit tombée à 19h, un peu angoissés de franchir de nuit la passe étroite en évitant un banc de sable barrant l'entrée de la rivière. L'ambiance y fut particulièrement sympathique, les rares bateaux s'arrêtant ici constituant une attraction leur permettant d'être toujours les bienvenus.

Nous rencontrerons un couple de néo-zélandais fort sympathique, Tom et Karen; Tom travaille sur ce site depuis 30 ans pour l'entretien de l'avion et des cinq hélicoptères de la compagnie. Et leur fils Liam, qui a pratiquement toujours vécu ici depuis son adolescence, les pilote. Ils nous inviteront à déjeuner chez eux le lendemain midi avec leur fils, invitation que nous accepterons volontiers même si nous avions prévu de lever l'ancre le lendemain matin.

C'est sous une pluie tropicale qui durera pratiquement toute la journée que nous reviendrons donc le lendemain chez Tom et Karen où nous fûmes chaleureusement accueillis. Nous passâmes un très agréable moment en leur compagnie autour d'un bon repas; manifestement, passer des mois et des années dans cet endroit isolé et coupé du monde leur donnait beaucoup de plaisir à rencontrer des gens de passage. Puis ils nous emmenèrent visiter les hangars où sont entreposés les hélicoptères et les ateliers de maintenance; l'ordre et la propreté qui y règnent sont dignes des normes aéronautiques. Tout l'entretien est réalisé par Tom qui nous expliquera que ces appareils servent non seulement au transport du personnel sur Nouméa et aux approvisionnements, mais aussi à faire de la prospection minière avec un impact réduit sur l'environnement.

Nous profiterons d'une petite accalmie du temps pour rejoindre le bord, heureux que le hasard nous ait permis cette escale imprévue.

Lundi 30 mai, c'est encore sous une pluie battante que nous levons l'ancre à destination de Port Bouquet; l'étape est courte et c'est aux environs de 13h30 que nous mouillerons dans une eau vert émeraude près d'une des cinq petites plages de l'anse Toupeti. Nous nous y rendrons à la rame, histoire de faire un prélèvement de sable pour la collection de Madame et voir si par hasard, il n'y aurait pas quelques coquillages intéressants. Comme pour les étapes précédentes, nous sommes seuls et nous nous demandons où sont passés les bateaux de croisière "tour-du-mondistes". Il est vrai cependant que nous sommes arrivés tôt en saison en visant la seule fenêtre météo d'une semaine du mois d'avril qui nous permit de monter de Nouvelle-Zélande. La suivante se fit attendre plus de trois semaines!



L'endroit est très joli sous un ciel toujours chargé et doit donc être absolument splendide sous le soleil; mais il n'y a plus de saison, mon bon Monsieur, nous sommes en théorie en saison sèche!

C'est à 7h45 que nous quitterons le lendemain Port Bouquet, toujours sous la pluie, pour continuer à gagner dans le nord en rejoignant Kouaoua où nous arriverons vers 14h30; c'est une cité minière importante qui possède le plus long tapis roulant du monde pour transporter le nickel sur une longueur de 13km.


Nous mouillerons un peu à l'écart du chenal devant la plage bordant le petit village; un vraquier est en cours de chargement, un autre en attente au mouillage à l'entrée de la baie entourée de montagnes et bien abritée du vent et des vagues.

Nous gagnerons le village pour en faire le tour (c'est vite fait!) et profiter de la seule connexion internet de l'endroit sur un poste de la mairie. Nous entrerons dans une petite épicerie où les rayons sont désespérément vides et rencontrerons un jeune gendarme venu de métropole pour quelques mois et qui nous fit part de sa déception d'avoir atterri dans ce coin paumé et on le comprend un peu!

C'est en revenant au bateau que le captain se rend compte de la disparition des deux palans de bossoirs qui ont dû être subtilisés à Nouméa pendant notre absence; voilà qui le rend de bonne humeur pour la soirée…

Le lendemain matin, une confirmation et une mauvaise surprise; la confirmation, c'est qu'il continue de pleuvoir! La mauvaise surprise, c'est que le guindeau rend l'âme : le moteur tourne mais n'embraye plus le barbotin (la "poulie" entraînant la chaîne). Le captain termine la remontée à la main, ce qui le met de bonne humeur pour la journée…

En milieu d'après-midi, nous arrivons à Touho en embouquant un chenal entre des platiers de corail et sous le soleil!!! L'endroit est charmant; il y a une minuscule marina dans laquelle nous n'osons pas entrer (profondeur d'accès inconnue et peu de place pour manœuvrer) et choisissons de mouiller devant la plage dans une eau peu profonde : c'est que d'ici notre retour à Nouméa, il nous faudra chaque jour relever l'ancre à la main!

Nous nous rendons en annexe jusqu'à la petite marina située à l'extrémité est de la plage et construite il y a peu pour les quelques petits bateaux de pêche locaux; un voilier y est cependant amarré. Nous aimerions approvisionner un peu de gasoil et l'on nous indique que la station service est située sur la route qui mène au village situé à l'autre extrémité de la plage. Commençant le chemin à pied dans la boue générée par les pluies de ces derniers jours, nous nous rendons vite compte que le mieux est d'y aller en annexe et nous faisons demi-tour. Nous nous apercevrons alors que nous sommes mouillés exactement au niveau de la fameuse station service et que ce sera un jeu d'enfant le lendemain matin de faire un aller-retour à la plage avec les bidons!

De retour au bateau, nous aurons droit, enfin, à un beau coucher de soleil illuminant la petite marina et nous permettant d'immortaliser Olympe dans les rougeurs du port de Touho.

La journée du lendemain commencera donc par un aller-retour à la station service chez Charlo pour ramener 80 litres de gasoil et 20 litres d'essence; puis nous partirons en annexe vers le village; nous débarquerons à l'ouest de l'embouchure d'une petite rivière dans une eau très peu profonde en lisière de mangrove. Une gentille Kanak, Célestine, nous indiquera de loin la passe et nous proposera de garder notre annexe pendant notre visite.

Nous sommes en fait un peu au-delà du village dans une mission; à peine avons-nous pénétré un peu à l'intérieur que de magnifiques chants religieux s'échappent du temple où a lieu une cérémonie. Celle-ci se termine et les habitants de la tribu locale sortent, tout endimanchés (nous sommes pourtant en semaine), les femmes en superbes robes missionnaires très colorées. Cent mètres plus loin, nous tombons sur les ruines d'un ancien presbytère en pierres, le plus ancien de Nouvelle Calédonie dont on nous dit que sa prochaine restauration est prévue. De même, la restauration de l'église catholique située à proximité, également en pierres, a commencé et aura fière allure une fois terminée.

Nous discutons un peu avec les gens de la tribu, surtout des femmes qui sont les plus loquaces (et oui, là-bas aussi!). Elles nous proposent de nous emmener dans le village de la tribu; nous traversons un petit pont au dessus de la rivière, puis elles nous demandent d'attendre, elles doivent aller voir le chef… A leur retour, elles nous raccompagnent sur la plage! Est-ce que c'est parce que nous n'avons pas fait la coutume que nous ne pourrons aller plus loin? Nous ne le saurons pas, même Célestine que nous retrouvons ne saura nous le dire.


Cela n'a finalement pas grande importance; l'heure avançant, il nous faut lever l'ancre (à la main…) pour gagner l'étape ultime de notre visite de la côte est : Hienghène qui passe pour être l'un des plus beaux sites de l'île.



Nous y arriverons en milieu d'après-midi après avoir longé les belles installations du Club Méditerranée de Koulnoué, des falaises basaltiques et la curiosité des lieux, un massif rocheux en forme de poule couveuse montant la garde de l'embouchure de la rivière. Nous mouillerons en face, de l'autre côté de l'estuaire.

Le village de Hienghène est situé un peu en amont dans la rivière qui s'enfonce ensuite dans une immense et belle vallée; nous le rejoindrons en annexe en contournant les hauts fonds qui barrent l'entrée, jusqu'à une petite marina constituée de 8 petits pontons; mais pour venir ici en bateau, il faut être vraiment gonflé!

En fait de village, on devrait plutôt parler de lieu-dit! Vu la réputation touristique du lieu, on s'attendait à autre chose; sur une centaine de mètres, on trouvera cependant l'essentiel : une boulangerie, une épicerie, une pharmacie, un magasin de souvenirs, un dispensaire, une laverie, une banque, une petite halle de marché, un magasin de fournitures de bureau faisant office de poste et de cyberpoint et un point d'information touristique. Ce village est le village natal de Jean-Marie Tjibaou.

Nous nous rendrons à l'office du tourisme pour voir la possibilité d'aller le lendemain visiter une des tribus Kanak qui peuplent la vallée; on nous conseillera la tribu de Warap située à 7 km en amont dans la rivière et avec laquelle réservation sera faite pour un déjeuner traditionnel.

C'est le troisième et dernier ponton aménagé sur la rive droite à 7 km, nous dit-on; on décide de repérer aussitôt les lieux en remontant cette magnifique et large rivière qui serpente dans une nature généreuse. Dans certains passages, la profondeur est juste pour notre annexe, il faut bien prendre l'extérieur des virages où le courant creuse le lit. Au bout d'une bonne demi-heure, on se dit que le fameux ponton est après le prochain virage; on se le redira bien une dizaine de fois jusqu'au moment où le ciel se fit menaçant et la pluie commença à tomber. Nous ferons alors demi-tour pour rentrer à vive allure au bateau, se faisant tremper par une bonne pluie tropicale qui cessera à notre arrivée. Le soir, nous eûmes droit à un magnifique coucher de soleil avec la "poule" en contre jour.

Le lendemain, le temps est beau, le soleil éclatant; nous retournons au village voir le (très) petit marché et profiter de la liaison internet pour récupérer nos messages. Puis s'étant fait confirmer la position du ponton de la tribu, nous repartons en amont de la rivière pour arriver trois quarts d'heure plus tard à ce fameux ponton qui était juste après le dernier virage que nous n'avions pas pris la veille!

Nous étions un peu en avance, personne ne nous attendait; on patienta un bon quart d'heure avant de voir arriver deux fillettes, Vanessa et Julia, les filles de Martial, le chef de la tribu, venues nous chercher avec deux autres touristes français militaires à Nouméa. Il nous fallut marcher vingt bonnes minutes dans la brousse pour arriver au village de la tribu constitué de cases traditionnelles dont une était équipée d'une magnifique antenne satellite : tradition et modernité! L'environnement est plutôt joli, fleuri et bien entretenu, mais l'hygiène des cases…

Et là, déception; personne pour nous accueillir, Martial est parti à la pêche, sa femme est à la cuisine et prépare le repas sans dire un mot. Il faudra que Maryse use de son sens du relationnel pour entamer une conversation somme toute sommaire. On tourne en rond, on discute sport avec les militaires jusqu'à l'heure de midi où le dénommé Martial daigne arriver et sans dire bonjour déclare que ça nous coûtera 3000 francs pacifiques!

On espère au moins qu'au cours du repas on pourra parler us et coutumes locales, recettes de cuisine, mode de vie; rien de cela : après nous avoir affirmé que sa tribu est la meilleure, que son dialecte est le plus abouti (il y en a quelques dizaines), il nous enferma dans une case où la table avait été dressée et disparut! Le comble, c'est qu'il nous laissa un questionnaire qualité pour que nous puissions lui dire ce que nous pensions de ses prestations : il n'a pas dû être déçu à sa lecture.




Car en plus, le repas n'était pas fantastique : une friture de petits poissons du lagon, le fameux bougna, plat mélanésien mélangeant ragoût de poulet, patates douces, ignames et taros, le tout cuit dans des feuilles de banane à l'étouffé dans un four constitué de pierres chaudes. Là encore, le résultat n'était pas à la hauteur des espérances, en tout cas nettement moins bon que le four tahitien.

Bref, vous aurez compris que nous ne nous sommes pas attardés après le déjeuner. Nous avons regagné Hienghène, prit un café à la petite marina et rentrâmes au bateau pour larguer les amarres à 15h30 pour les îles Loyauté.

Les îles Loyauté

Situées à environ 150 km à l'extérieur du lagon, les îles Loyauté sont d'origine volcanique; nous avions prévu de n'en visiter que deux, Ouvéa la plus au nord et Lifou au sud de cette dernière.

Après une nuit assez ventée, nous sommes obligés de ralentir pour n'arriver qu'au petit matin devant l'île Mouli au sud du lagon d'Ouvéa.

Ce dernier passe pour l'un des plus beaux atolls du Pacifique; sur sa côte ouest, une splendide plage de sable blanc et fin s'étend sur 25 km face à un immense lagon turquoise. Ce dernier n'est pas fermé mais ouvert à l'ouest avec une série de récifs et d'îlots. En forme de croissant dont la largeur n'excède pas 40 mètres par endroit, sa côte est, au vent, est constituée de falaises abruptes truffées de grottes.

L'île Mouli devant laquelle nous mouillons est située dans le prolongement de l'extrémité sud d'Ouvéa et n'est séparée de cette dernière que par un étroit chenal peu profond qu'un pont franchit pour les relier. Nous mouillons devant le village, émerveillés par la beauté du paysage qui n'était pas sans nous rappeler les Tuamotu.

Nous mettrons l'annexe à l'eau pour nous rendre au village, la laissant sur la plage d'un blanc éclatant. Nous irons faire la coutume auprès du fils du chef de la tribu locale, le chef étant absent, puis nous nous promènerons en direction de l'extrémité est de l'île en longeant la plage. Il fait chaud et, de retour sur la plage, nous nous baignerons dans une eau chaude et cristalline. Mais à part admirer ce paysage de carte postale, il n'y a vraiment pas grand-chose à faire et le lendemain nous lèverons l'ancre pour nous rendre devant le village de Fayaoue situé au premier tiers sud d'Ouvéa.

Même paysage de rêve mais avec un village un peu plus important où nous visiterons l'église, passerons devant le temple, l'école, la poste et la gendarmerie où on s'active autour d'un barbecue et devant le bâtiment d'un centre de voile tout neuf et pas encore inauguré mais déjà saccagé, les vitres ayant été cassées à coup de pierres…

Mais comme sur toutes les îles du Pacifique, ce village s'étire tout en longueur le long de la plage, la notion de centre semblant définitivement absente de la culture polynésienne ou mélanésienne au contraire de notre culture colbertiste.

En fin d'après-midi, après baignade et recherche de coquillages, nous retournerons mouiller devant l'île Mouli afin de nous rapprocher de la passe de sortie que nous emprunterons le lendemain pour rejoindre Lifou.

C'est donc à 7h le lendemain matin que nous levons l'ancre pour franchir la passe du Coëtlogon et prendre la direction de Lifou que nous atteindrons en fin d'après-midi, peu avant la nuit, dans la baie de Santal située sur la côte ouest. Nous irons mouiller devant le village de Drueulu où nous verrons notre premier voilier depuis notre départ de Nouméa! Peu après, un superbe yacht à voile d'environ 30 mètres viendra mouiller près de nous.

Lifou est la plus grande des îles Loyauté, dépassant en superficie la Martinique ou Tahiti; elle est divisée en trois grandes chefferies : Loessi au sud, Wetr au nord et Gaïtcha au centre. Sa capitale est Wé qui est aussi la capitale administrative de la province des Loyautés.

Nous irons accoster sur la petite plage où un mélanésien viendra spontanément nous aider à remonter l'annexe; il s'agit en fait d'un Ni Vanuatu (un habitant du Vanuatu) venu avec environ 80 de ses compatriotes assister au mariage du fils du grand chef de Gaïtcha qui a eu lieu la veille de notre arrivée. Il nous indiquera le chemin pour nous rendre à la chefferie pour que nous puissions y effectuer la coutume.

Celle-ci se situe à l'opposé du village et nous nous y rendons par le chemin longeant le littoral; nous saluons chaque habitant, souvent jeune, et obtenons toujours une réponse avec un grand sourire. La tribu semble être conforme à sa réputation, fort accueillante.

Arrivés à la chefferie, on nous apprend que le grand chef est parti; une jeune femme s'approche, souriante, c'est la jeune mariée qui nous souhaite la bienvenue et regrette que nous ne soyons pas arrivés la veille car elle aurait aimé nous inviter à son mariage. Il faut dire qu'il y avait deux mille invités et que deux de plus n'aurait pas changé grand-chose! Nous apprendrons plus tard que ce mariage avait fait jaser jusqu'à Nouméa par son faste et son coût…

Eulalie, tel est son prénom, nous fait ensuite visiter la plus grande case traditionnelle de l'île où sont logés une partie des Ni Vanuatu bloqués ici pendant 8 jours pour cause d'indisponibilité du cargo mixte qui les a amenés. Mais qu'importe, ils sont logés et nourris par la princesse!

Après la coutume, nous nous promenons dans le village avant de regagner l'annexe où nous attendait Joseph, le Ni Vanuatu qui nous avait aidés à accoster; il nous déclare qu'il a bien surveillé l'annexe; nous entamons la conversation et il nous apprend qu'il est de l'île Tanna, celle qui possède un volcan encore actif que l'on peut facilement atteindre pour admirer le fond du cratère qui rejette encore cendres et lave. En fait, Joseph est le numéro deux de la police de l'île et nous dit qu'il pourra arranger notre arrivée avec les autorités locales pour nous faire gagner du temps!

Le lendemain, nous décidons de nous rendre à Wé située de l'autre côté de l'île sur la côte est pour y louer une voiture et faire le tour de l'île; nous empruntons la navette quotidienne qui relie Drueulu à Wé à 7h le matin. Une demi-heure plus tard, nous sommes déposés au centre de Wé qui manifestement est très étendue; le captain souhaite aller voir la petite marina de Wé à côté de laquelle se trouve en principe un loueur de voitures. On se renseigne auprès de passants qui tous sont d'accord sur la direction mais dont les estimations de distance vont de 100 mètres à plusieurs kilomètres! Malheureusement, ce sont les seconds qui avaient raison…

Quelque temps plus tard, nous arrivons à cette fameuse marina, le moussaillon tirant un peu la jambe. Elle peut accueillir des voiliers pas trop grands, un Maramu (13 mètres) y est amarré. Nous nous rendons ensuite chez le loueur de voiture effectivement situé à côté; las, il n'avait aucune voiture disponible et n'avait manifestement pas envie de se décarcasser pour nous en trouver une. Il nous indique un autre loueur situé exactement à l'extrémité opposée de la ville!

Le découragement saisit soudain le moussaillon qui s'évertua et réussit à trouver une navette qui nous conduisit trois kilomètres après la sortie opposée de la ville, heureuse initiative donc. Là, pas de problème, le commerçant chinois nous fournit illico une voiture qui avait déjà bien vécu!


Nous commencerons par prendre la direction du nord vers le village de Xepenehe où nous verrons une jolie église puis, à Eacho, nous monterons sur un promontoire rocheux où est édifiée la petite chapelle de Notre Dame de Lourdes. Celle-ci est en très mauvais état et mériterait une bonne restauration. De ce joli point de vue sur la baie de Santal vue du nord, nous verrons mouiller un paquebot de croisière australien qui débarquera son armée de touristes que nous croiserons un peu partout dans le secteur.
Traversant l'île d'ouest en est, nous arriverons à Nathalo où se trouve la chefferie de Wetr et la mission catholique; ce village est d'ailleurs le seul de l'île à être catholique. L'église avec ses deux tours date de 1881. Elle comporte des peintures naïves en plafond.

A proximité, nous pénétrerons dans l'enclos de la grande chefferie pour admirer une immense case traditionnelle; ces cases circulaires sont constituées d'un gros poteau central d'où partent les charpentes recouvertes de palmes de cocotiers tressées. Celle-ci, avec ses 12 mètres de diamètre, revendique aussi le titre de plus belle case de toute la Nouvelle Calédonie!

A la sortie, nous seront interpelés par quelques jeunes singulièrement éméchés avec lesquels nous discuterons un moment; tant qu'ils n'ont pas fumé leur herbe, ils ne sont pas dangereux et restent maîtrisables.

Reprenant la direction du sud, nous retraverserons Wé en direction du cap des Pins et de la plage de Luengoni. Sur la route bordant la côte est, nous longerons des falaises de calcaire creusées par l'érosion; on a du mal à trouver la plage de Luengoni car aucun panneau signalétique ne donne le nom des petits villages ou des lieux-dits. Il est vrai que cette plage, assez petite, est assez jolie mais le temps gris et pluvieux gâche un peu notre plaisir. Bien sûr, un échantillon de sable est prélevé pour la collection; le captain pense d'ailleurs qu'il faudra à notre retour consacrer une pièce entière de la maison à cette collection…

Le cap des pins n'étant pas atteignable, nous poursuivrons jusqu'à Mou d'où nous prendrons la route de retour sur Drueulu en passant par Wiwatoul et Kédeigne où rien d'intéressant n'est à signaler; c'est d'ailleurs un peu déçus que nous terminions cette journée, cette île ne semblant pas être à la hauteur de sa réputation sauf pour la gentillesse de ses habitants.

Nous retrouverons l'ami Joseph qui aura surveillé l'annexe toute la journée et l'inviterons à bord prendre un pot. C'est la première fois qu'il montait sur un grand voilier et il ponctuait toutes nos réponses à ses questions d'un sifflement admiratif! Après la séance photo, nous le ramenâmes à terre où il nous promis de surveiller la voiture pendant la nuit!

Le lendemain matin, nous ramenâmes la voiture à Wé et prîmes la navette pour revenir à Drueulu. Dans cette navette se trouvait le propriétaire du superbe yacht accompagné de sa jeune épouse (?) et du skipper qui se la jouait avec VHF portable à la ceinture et air très sérieux; il n'était en fait que le toutou du couple qui avait fait leurs approvisionnements à Wé. Le captain tentera bien une fois d'entamer la conversation mais manifestement, dans ce monde-là, on ne se mélange pas!

Le temps de dire au revoir à Joseph et ses amis qui souhaitent nous revoir à Tanna, nous regagnons le bord et quittons le mouillage à 12h30 pour rentrer à Nouméa. Nous arriverons en milieu de nuit dans la passe de la Havannah sans les feux de navigation qui ne marchaient plus et, bien sûr, alors que nous n'avions pratiquement pas vu de bateau en deux semaines, nous nous retrouvâmes entre un cargo demandant en vain l'arrivée des pilotes et un remorqueur tirant quatre barges!

Dans la matinée, nous nous arrêterons dans la baie de Ngo pour le petit déjeuner avant de regagner Nouméa et Port Moselle.

Retour à Nouméa

Nous sommes donc de retour le 9 juin; Gérard, notre futur équipier et guide du Vanuatu arrive le 12 et le captain aimerait mettre les voiles le 15. Ces quelques jours seront mis à profit pour attaquer la rédaction de l'escale calédonienne, refaire les approvisionnements, nettoyer le bateau et effectuer quelques menus travaux : réparation des feux de mât, changement de la commande du propulseur, achat et installation de nouveaux palans de bossoirs et démontage du clapet anti-retour de la pompe d'eau douce coincé par une saleté.

Le 12, nous accueillons Gérard arrivé par avion et qui retrouve Nouméa 25 ans après : il lui semble à première vue qu'il y a beaucoup de changements! Première petite promenade dans la ville confirmant ses premières impressions.

Le 13, nous avions invité à dîner à bord Olivier et Nadège avec Camille et Nordine; il nous semblait intéressant de réunir ces deux jeunes couples dynamiques et sportifs, leur prêtant de nombreux centres d'intérêt communs. La soirée fut très agréable pour nous et, nous l'espérons, pour eux et il leur appartiendra de poursuivre ou non leurs relations.

Le 14, pendant que Jean-Marc et Jessica emmènent Maryse faire les dernières courses, Gérard et le captain s'occupent des formalités de départ aux Douanes, au service de l'Immigration et à la capitainerie du port de commerce. Car autant tout est parfaitement organisé et synchronisé à l'arrivée, autant il nous faut nous débrouiller et nous déplacer pour le départ.

Le 15, nous quittons le ponton de Port Moselle pour aller faire le plein de gasoil avant de mettre le cap sur l'archipel du Vanuatu en regrettant de ne pas avoir pu consacrer plus de temps de visite à ce territoire; le lagon à lui seul peut prendre plusieurs semaines pour être exploré et malgré les quelques 670 milles parcourus ici, nous aurions aimé découvrir davantage l'île des Pins, sa baie de Oro et celle de Upi. Quant à l'intérieur de l'île, nous n'y aurons fait que de rares incursions et n'en avons donc qu'une vision très partielle.

Mais, même très heureux de notre séjour, nous en avons cependant ressenti un certain malaise lié à l'ambiance que l'on ressent rapidement; celle-ci est-elle liée à la présence des différentes composantes de la population, Kanak, Caldoches et Zoreilles? On a le sentiment qu'elles vivent côte à côte et non ensemble. On a le sentiment que les sourires des autochtones sont quelque fois forcés (sauf aux Loyautés) et que des tensions sont toujours sous-jacentes.

Entre 2014 et 2018, un référendum décidera de l'avenir de ce territoire; puisse-t-il éviter de faire remonter à la surface les rancœurs voire les violences passées, c'est tout le mal que l'on peut lui souhaiter.

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