OLYMPE AUTOUR DU MONDE

ARCHIPEL DES TUAMOTU

L'archipel des Tuamotu, appelés par les premiers navigateurs "l'archipel Dangereux" à cause des risques d'échouage qu'il comportait à l'époque, fut découvert bien antérieurement aux îles de la Société par les navigateurs espagnols (Quiros en 1605) et surtout hollandais (Le Maire en1616).

Ce sont géologiquement les îles les plus anciennes de la Polynésie française, ou plutôt ce qu'il en reste: les volcans qui formaient les îles il y a quelques millions d'années se sont enfoncés par leur propre poids; il ne reste donc plus que les couronnes coralliennes qui s'étaient formées autour et qui enferment un lagon, généralement peu profond, ce qui donne ces nuances de bleus et de vert tout à fait particulière compte tenu de la nature des fonds clairs à base de sable de corail.

L'archipel est ainsi constitué de 76 atolls qui s'étendent du 135ème  au 150ème degré de longitude ouest, et du 14ème au 22ème de latitude sud. C'est à l'est de cet archipel que la France implanta son centre d'essais du Pacifique, sur l'atoll de Mururoa, pour y effectuer ses essais nucléaires jusqu'en 1998. Aujourd'hui, la culture des perles noires, première ressource économique de l'archipel après le tourisme, permet une relance économique de la zone : Michel et le captain l'apprendront à leurs dépens!!

Compte tenu du temps imparti, nous n'avions prévu que la visite d'un seul atoll, estimant peut-être à tort qu'il suffisait d'en voir un pour avoir une bonne idée du type de paysage un peu monotone de ces atolls, même s'ils sont très beaux. Le choix se porta sur Rangiroa, le plus grand et le plus peuplé, situé en outre sur la route directe des îles sous le vent. Avec ses 45 milles de long et 18 milles de large, il délimite une véritable mer intérieure dans laquelle l'île de Tahiti tiendrait toute entière. Il a été découvert en 1616 par Le Maire, soit 150 ans avant Tahiti.

C'est après une traversée "musclée" depuis les Marquises que nous arrivâmes dans l'atoll de Rangiroa le 28 juin 2009 après un peu moins de trois jours de mer. Si le vent avait un peu baissé lors de notre arrivée, il repartit de plus belle pendant encore plusieurs jours pendant notre séjour (voir le carnet de bord Marquise Tuamotu).

Si la circonférence de cet atoll est importante, la seule partie habitée se situe entre les deux passes d'accès situées au nord, les passes Tiputa et Avatoru du nom des deux villages qui les bordent, distants d'une dizaine de kilomètres et entre lesquels se situe l'aéroport. Le village de Tiputa, situé à gauche de la passe éponyme en rentrant, était jusqu'à il y a peu la "capitale de l'atoll; il lui a été substitué Avatoru où ont été transférés la majorité des services publics ainsi que les quelques commerces.

Nous attendrons l'après-midi, histoire de récupérer un peu de notre traversée mouvementée, pour aborder en annexe le petit quai situé à proximité de l'entrée de la passe; une petite épicerie située à deux cents mètres de là constitue la seule animation du coin! Nous y retiendrons le pain pour le lendemain matin. Nous apercevrons deux jeunes femmes qui semblaient être des autochtones avec leur couronne de fleurs sur la tête; Maryse les abordera pour leur demander comment elles réalisent ces superbes couronnes; il ne s'agissait pas de polynésiennes mais de deux colombiennes en croisière avec leur voilier en provenance de Carthagène! Bien sûr la conversation s'engage sur cette destination que nous avons fort appréciée, jusqu'à ce que nous découvrions qu'elles connaissaient bien Carmen avec qui nous avions sympathisé au Club Nautico! Même si les océans sont vastes, le monde des navigateurs est décidément bien petit…

Puis nous longeâmes la passe pour traverser la bande de terre large d'environ trois cents mètres et arriver à la route empruntant le littoral côté océan; avec la force du vent qui s'était à nouveau renforcé, nous récolterons ainsi les embruns et le sel associé sur nos habits et nos lunettes, car les vagues déferlaient furieusement sur la barrière de corail…

Nous suivrons le rivage jusqu'à l'entrée de l'hôtel Kia Ora qui donne côté lagon et devant lequel nous étions mouillés. Nous y prendrons un pot offert par Martine sur la terrasse sur pilotis; à l'abri du vent, nous pûmes admirer la beauté des lieux et commencer à entrevoir quelques nuances de bleu lagon…C'est à la tombée de la nuit que nous rejoindrons le bord.

Le lendemain de bonne heure, nous irons chercher le pain commandé (car ici, si pas de commande, pas de pain!), réserverons pour le lendemain des vélos pour nous rendre à l'autre village, puis nous nous promènerons le long de la passe bien plus agitée que la veille; nous y verrons des dauphins s'amuser en sautant par-dessus les vagues générées par le fort vent contre courant.

L'après-midi, nous décidâmes d'aller plonger près du motu Nuhi Nuhi, véritable aquarium naturel nous avait-on assuré. Pas trop rassurée, car situé à l'intérieur du lagon mais dans l'axe de la passe, Maryse demanda d'abord au captain d'aller tâter le terrain : du genre "passe devant avec la lampe de poche, je te suis avec le revolver!" Curieusement, il n'y avait aucun courant, car on devait être situé dans un angle mort, protégé par le motu.

Maryse accepta donc de se mettre à l'eau; ce fut le plus beau spectacle sous-marin depuis notre départ, la dénomination d'aquarium naturel étant parfaitement justifiée : poissons perroquet, chirurgiens de plusieurs sortes, poissons flûte, poissons gendarme, poissons empereur, baliste Picasso, peaux de citron, poissons bagnard, on en oublie et pour finir, requins à pointe noire que le captain aura la chance de pouvoir photographier. Curieusement, autant les petits poissons n'étaient pas farouches, autant les requins fuyaient dès qu'ils entendaient le souffle dans le tuba! Quant au décor de corail, il était somptueux. Jean-Claude, tu peux être fier de ton élève, car elle en redemandera et elle en parle encore un mois plus tard!

Mardi 30 juin, nous prenons nos vélos à la fraîche et partons pour le village d'Avatoru; ce n'est pas bien loin, mais entre les deux il y a l'hôtel Kia Ora où nous nous arrêterons pour retenir une table le soir, la gendarmerie pour faire les formalités d'arrivée (pourquoi faut-il les faire sur certaines îles et pas sur d'autres, mystère! En fait, ce ne sont pas des formalités douanières ou d'immigration, mais une indication que l'on donne de l'arrivée et du départ pour des raisons de sécurité; sauf que toutes les gendarmeries ne le font pas… Comme disait la gendarme de Nuku Hiva dans son langage "politiquement correct", "il va falloir mieux se coordonner"), mais il y a surtout une ferme perlière…

Le côté intéressant sera la visite de la ferme et l'explication limpide de tout le processus (voir encadré); le côté funeste sera l'intérêt d'une partie de l'équipage pour la production locale, cette même partie de l'équipage qui reviendra plus tard par deux fois! C'est qu'il y a aussi un magasin qui vend hors taxes à prix usine, vous pensez donc…

Culture de la perle noire de Tahiti

La recette? C'est simple! Pour faire des perles de Tahiti, il faut :

  • Des huîtres "Pinctada Margaritifera, variété cumingii,
  • ­Des nucléus très particuliers,
  • Des nacres que l'on aura mis deux ans et demi à faire grandir!

Les premières sont présentes dans les lagons des îles polynésiennes et particulièrement dans ceux de l'archipel des Tuamotu.

Les seconds sont sécrétés par une variété de moule qui ne se trouve que dans une certaine région des Etats-Unis.

Les troisièmes, enfin, grandissent à 7 mètres environ de profondeur dans le lagon et serviront de greffons.

Le processus est le suivant :

Après deux ans et demi de croissance, les nacres sont triées en fonction des couleurs que l'on veut obtenir; puis on prend une huître que l'on aura préparée à l'ouverture en lui enfonçant un coin entre ses deux valves de manière à ce que son muscle se relâche et que l'on puisse ultérieurement l'ouvrir plus complètement pour l'opérer. On lui coupe alors la gonade, l'organe reproducteur, pour lui introduire le greffon et un nucléus et on la referme.

Les huîtres ainsi opérées sont mises dans des poches en filet et plongées à faible profondeur pendant six semaines; si la greffe n'a pas pris, l'huître a rejeté le nucléus que l'on retrouve alors dans la poche en filet; si la greffe a pris, la coquille de l'huître est percée pour être enfilée avec des consoeurs sur un fil, lequel est protégé par un grillage en plastique pour empêcher les poissons, crabes ou autres animaux de venir détériorer les huîtres. L'ensemble est ensuite plongé dans le lagon pendant encore 16 mois qui est le temps nécessaire à la formation de la perle qui n'est en fait que le développement et la croissance de la nacre autour du nucléus.

Ce travail de greffage est le point sensible du process; il réclame une expérience et une grande dextérité de la part du greffeur. Un bon greffeur, ils sont rares, est capable de greffer 200 huîtres à l'heure; c'est un métier fort bien payé!

Compte tenu du temps nécessaire à chaque étape, on voit qu'il faut pratiquement quatre années avant de "récolter" sa première perle quand on commence à produire! Ceci représente une importante barrière d'entrée à l'activité car un prix à payer ou une capitalisation très élevé pour les nouveaux producteurs!


Ce n'est donc que vers 14 heures que nous arriverons enfin à Avatoru un peu affamés; nous avions bien pris un casse-croûte avec nous mais la petite "guinguette" au bord de l'eau avait l'air si sympathique… On y dégustera pour un prix modique un tartare de thon rouge absolument délicieux. D'ailleurs on se demande comment les restaurants peuvent pratiquer des prix aussi raisonnables quand on voit les prix des denrées dans les magasins!

On s'arrêtera plus loin à la modeste église du village puis le long de la passe que nous envisagions de prendre quand nous quitterions le lagon. Le retour se fera plus facilement que prévu, malgré le vent de face et surtout nous avions, Michel et moi, évité le pire : un nouvel arrêt à la ferme!

Le lendemain 1er juillet sera une journée "bullage" pour Michel et moi; pendant que ces dames repartiront en navette à la ferme (ils sont malins, ils mettent des navettes gratuites au départ de l'hôtel!), nous préparerons le tour du lagon en bateau que nous comptions commencer le lendemain.

Jeudi 2 juillet, pas de chance, le temps se couvre un peu; nous quittons le mouillage pour nous diriger vers le sud, de l'autre côté du lagon; dans cette partie, il est parfaitement navigable et l'absence de soleil n'est pas gênante : pas besoin de repérer des patates de corail. Nous mouillerons au bout de 16 milles devant le motu Faama, inhabité et bordé d'une belle plage.

Avec l'annexe, nous nous engagerons dans un hoa, bras de mer peu profond entre les motus, et entrerons dans une sorte de lagune dont l'eau reflétait une magnifique couleur vert jade malgré le ciel gris; par temps ensoleillé, ce devait être encore plus beau. Nous y verrons quelques poissons et des petits requins à pointe noire.

Nous nous dirigerons ensuite à pied vers l'extérieur du lagon, côté océan, pour visiter les feo, structures coralliennes déchiquetées par les vagues qui bordent la face externe du récif. Tout ceci se faisait très lentement car il fallait laisser le temps au couple Mar-Mar (Martine et Maryse) de trouver les plus beaux coquillages qui allaient bientôt venir empester le bateau!


Après le déjeuner pris à bord, nous levâmes le mouillage pour nous rendre au motu Otepipi en longeant la côte vers l'est. Nous y arriverons peu avant la nuit tombante et dépasserons le motu pour aller mouiller un mille plus loin, abrités derrière une pointe de corail immergée; nous y passerons une nuit calme, ce qui nous permettra de revenir frais et dispos le lendemain devant le motu Otepipi où se trouve les restes d'un village abandonné au milieu des cocotiers : une jolie petite église qui est encore entretenue et les restes d'une cabane de bois et de tôles ondulées! L'endroit est emprunt de sérénité et l'esthétisme des bords du lagon nous permettra de prendre une belle photo d'Olympe au mouillage. Bien sûr, plus personne ne vit ici depuis bien longtemps.

En milieu de matinée, nous repartirons toujours vers l'est pour mouiller devant l'îlot Atiati Rahi dans un décor de carte postale. Le soleil était revenu et les fonds de profondeur variable donnaient des nuances de couleurs inimaginables grâce à une limpidité de l'eau que même aux San Blas nous n'avions pas connue. Des étendues vierges de sable blanc à vous éblouir contrastaient avec le bleu du ciel et les dégradés de bleu du lagon. Rien à voir avec les paysages somptueux, montagneux, verdoyants et fleuris des Marquises! Ici, c'est dépouillé, d'une beauté sobre et sauvage que l'on ne se lasse pas de regarder et d'admirer et qui ferait fantasmer n'importe quel citadin stressé passant en voiture devant une affiche de tour operator! Mais quant à y vivre…

La chaleur est forte, renforcée par la réverbération de l'eau et du sable blanc; les femmes avaient eu la bonne idée de prendre des rafraîchissements avec elles; nous les dégusterons dans l'eau dont on ne vous dira même pas la température…

Après ces instants de bonheur intense, le programme nous enjoignait de regagner le bord pour nous rendre à l'extrémité est du lagon, en bordure d'un banc de sable rose, couleur donnée par une micro algue. Là, la navigation se fit à vue car les patates de corail étaient nombreuses et le captain n'avait pas trop de trois vigies (en fait si, une seule aurait suffi pour limiter les conseils contradictoires!); Bien entendu, des échantillons furent prélevés par Maryse pour compléter sa collection et alourdir un peu plus le bateau; espérons tout de même qu'il ne se transformera pas en sous-marin avant la fin de la grande boucle!

Le mouillage du soir près de ce banc de sable n'était pas très abrité du vent mais la nuit fut tout de même bonne. Nous regagnerons le lendemain matin notre mouillage de l'hôtel Kia Ora en longeant de loin la côte nord de l'atoll et en prenant les mêmes précautions pendant les premiers milles avec les fameuses patates de corail. On s'aperçut alors que le génois se décousait sur sa chute sur environ trois mètres; il ne s'agissait que de la bande anti UV, mais le mal pouvait vite dégénérer.

En début d'après-midi, nous prendrons un taxi pour aller faire nos courses d'avitaillement à l'épicerie d'Avatoru en vue de notre départ prévu le lendemain après avoir visité le lagon bleu situé à l'extrême ouest du lagon; puis Maryse voudra aller plonger une nouvelle fois au motu Nuhi Nuhi; le captain l'accompagna en annexe mais la plongée ne put durer très longtemps car le jour commençait déjà à décliner.

Dimanche 5 juillet, nous quittons notre mouillage pour nous rendre à l'extrémité ouest du lagon où se trouve une zone appelée le lagon bleu. Les guides indiquent cependant que cette navigation ne doit se faire que par beau temps; or le vent d'est souffle encore assez fort et, à cette extrémité du lagon, la mer doit être assez agitée.

Nous arriverons assez rapidement sur la zone concédée à la ferme perlière et devrons slalomer entre les bouées de repérage des huîtres immergées. Puis nous passerons près de l'îlot Paio et atteindrons la côte ouest près du lagon bleu que nous avions du mal à repérer; nous comprîmes alors pourquoi cette sortie ne doit se faire que par beau temps : entre les vagues venant de l'est, le ressac dû à la côte et la nature des fonds coralliens, il ne nous a pas été possible de mouiller convenablement sans déraper. Nous prenons alors la décision d'abandonner cette visite et le captain renonce également à partir pour les îles de la Société : l'état du génois l'inquiète, il préfère revenir au mouillage et prendre le temps de recoudre la chute.

C'est ainsi qu'au retour devant l'hôtel Kia Ora, les couturières du bord se mirent à l'ouvrage; le mal était un peu plus important que prévu et ce n'est que le lendemain en fin de matinée que nous pûmes hisser à nouveau la voile. A 15 heures, nous longerons la côte du lagon en direction de la passe d'Avatoru, direction les îles de la Société.

La route habituelle est de mettre le cap sur Tahiti, l'île la plus au vent pour pouvoir ensuite bénéficier du vent portant à destination des autres îles; mais la fin du voyage approche pour Martine et Michel qui repartent sur Lyon le 27 juillet; on n'aurait pas le temps de faire la route normale pour revenir ensuite sur Tahiti prendre l'avion. C'est donc sur Bora Bora que nous ferons route.

Nous quittions des paysages qui nous avaient enchantés bien au-delà de nos espérances; la Polynésie est décidément un paradis dont la variété des paysages n'a d'égal que leur beauté.

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