OLYMPE AUTOUR DU MONDE

BRESIL 2

RECIFE

Trois jours de mer devaient être nécessaires pour atteindre notre escale suivante, Recife. Mais très vite Françoise connut à nouveau les affres du mal de mer en étant si malade que nous décidâmes de nous détourner sur Maceió pour la déposer à terre.

C'est le dimanche 1er avril que nous atteindrons de nuit le petit port de pêche de Maceió situé au fond du port de commerce, ce qui nous valut quelques interprétations d'approche amusantes, Jean-Marie tentant de nous convaincre de contourner une plate-forme pétrolière qui n'était autre qu'un bâtiment situé…à terre ! Pourtant nous étions bien tous à jeun…

Maceió est la capitale de l'Alagoas ; la ville fut fondée en 1855, née d'une plantation du 18ème siècle. Elle compte aujourd'hui 880 000 habitants.

Après une nuit réparatrice, nous descendîmes à terre le lendemain matin. Décision fut prise que Françoise et Jean-Marie prendraient le car pour Recife et que Françoise regagnerait la France depuis Recife après la visite de la ville. Après un déjeuner dans une churascaria, nous nous séparâmes provisoirement, Françoise et Jean-Marie gagnant la pousada qu'ils avaient réservée pour se reposer pendant que le captain et son second reprenaient la mer. Rendez-vous était fixé au lendemain soir à Recife.

Il fallut en effet moins de 24 heures pour rejoindre Recife en contournant la longue digue de protection du port de commerce. Le moins que l'on puisse dire, c'est que rien ou pas grand-chose n'est prévu pour accueillir les voiliers de passage ! Nous décidons de nous arrêter face au petit Pernambuco Iate Club, bien modeste mais qui a le mérite d'exister. Cherchant le meilleur endroit pour mouiller, car il n'y avait plus de bouée disponible, nous vîmes arriver un zodiac avec Serge à son bord venant nous donner les conseils d'approche et nous confirmer qu'il ne fallait surtout pas pousser jusqu'au Cabanga Iate Club : il avait essayé en arrivant le matin même et avait rebroussé chemin avec son catamaran Kallima tant les installations étaient lamentables et difficilement accessibles.

Nous ferons la connaissance de Carlos, un portugais installé ici depuis longtemps et membre du Iate Club. Parlant un français parfait, il nous indiqua tous les points importants pour que nous passions un bon séjour, allant même à se débrouiller pour nous faire libérer une bouée l'après-midi même de notre arrivée à laquelle nous amarrerons Olympe. C'est lui qui nous apprendra l'existence de la nouvelle loi brésilienne dispensant les bateaux étrangers des formalités auprès de la police fédérale dans les états intermédiaires mais que seul l'état du Pernambuco semble connaître !

La première chose que l'on remarque en arrivant par mer, outre les buildings de la ville, ce sont d'étranges colonnes et statues sur la digue de protection érigées à l'occasion du passage dans le troisième millénaire.

Capitale de l'état du Pernambuco, la ville de Recife compte environ 1,4 million d'habitants. Elle connut son heure de gloire à l'époque de la culture de la canne à sucre au début de la colonisation, puis de celle du coton. Si les portugais colonisèrent son littoral à partir de 1537, ce sont surtout les hollandais qui, un siècle plus tard, ont développé la ville en assainissant les marais et en créant canaux et ponts au dessus des deux fleuves traversant la ville, découpant celle-ci en trois îles principales.

Aujourd'hui la région tire parti de son climat ensoleillé toute l'année et de ses belles plages pour développer le tourisme, sans oublier une autre perle coloniale située seulement à 8 kilomètres, la ville d'Olinda.

Le soir de notre arrivée, nous récupèrerons Françoise et Jean-Marie venus en autocar depuis Maceió en allant les chercher avec l'annexe au lieu dit "Point Zéro" le long du quai principal de la ville.

Nous y resterons 5 jours, ce qui est largement suffisant pour faire le tour des centres d'intérêt de la ville et de celle du centre historique d'Olinda auquel nous consacrerons une journée entière.

Pour aller en ville depuis le petit Iate Club situé sur la digue de protection extérieure et rejoint en annexe, il fallait marcher jusqu'aux fameuses statues aperçues de la mer en arrivant et où se situait un petit embarcadère utilisé par des passeurs pour nous faire traverser le bras de mer.

La première matinée fut consacrée aux formalités d'entrée dans l'état du Pernambuco, simplifiées à l'extrême puisque seule la capitainerie du port était au programme ; méfiant, le captain avait mis son short avec les jambes à rallonge qu'il enfila avant de rentrer dans l'enceinte de la capitainerie ! Formalités simplifiées donc mais qui nous prirent tout de même une bonne heure, le temps de trouver le seul responsable habilité à les effectuer. Le Brésil ne remonta pas encore ce jour dans l'estime du captain…



Puis nous déambulâmes dans la ville, visitant d'abord dans sa partie nord-est l'île de Recife, le bâtiment qui fut la première synagogue construite en Amérique, sans grand intérêt, les avenues ombragées plantées d'arbres et bordées de belles façades coloniales restaurées ou en cours de restauration.

Nous atteindrons ensuite sur la rive du rio Beberibe un ancien couvent reconverti en centre commercial moderne à l'architecture très réussie et où nous pourrons utiliser le wi-fi pour récupérer nos courriers. Nous y déjeunerons le midi avant de passer dans la partie sud de la ville en empruntant le pont du Cdt M. de Nassau.



Dans cette partie de la ville, nous découvrirons un mélange d'églises (encore !) et de rues extrêmement commerçantes avec une profusion de boutiques vendant des produits hétéroclites et des étales ambulantes de marchands de fruits et légumes dans une ambiance très animée, sonore et colorée.

C'est vrai que depuis le début de la relation de notre séjour au Brésil on vous parle beaucoup d'églises : les Portugais sont certainement le peuple qui aura construit le plus d'édifices religieux au monde, surtout si l'on s'en réfère à leur population somme toute modeste. Nous en aurons une explication inattendue par un guide lors de notre visite d'Olinda.
Nous terminerons l'après-midi à l'ancienne prison de la ville transformée avec bonheur en centre artisanal !

De retour sur Olympe, nous accueillerons Brigitte et Serge pour une caïpirinha toujours aussi appréciée de tous…

Olinda

C'est le lendemain, jeudi 5 avril, que nous nous rendrons en bus à Olinda située à 8 km au nord de Recife. Tout comme Paraty, c'est un vrai musée en plein air, trésor d'art et d'architecture que l'Unesco classa au patrimoine mondial en 1982.

Sur des flans de collines dominant la ville de Recife au loin, Olinda s'étend le long de ses ruelles pavées bordées de belles demeures coloniales aux couleurs vives et de nombreuses églises assez dépouillées mais qui auraient souvent besoin d'une restauration extérieure.

C'est en fait une ville de 360 000 habitants, mais le centre historique situé au sud sur les collines est resté à l'écart, bien isolé de l'expansion des nouveaux quartiers.

Le bus nous laissa dans la partie basse, sur la place de Joã Pessoa en bordure de l'océan, dominée par l'Igreja NS do Carmo, une des seules qui soit bien restaurées.

Nous vîmes alors s'approcher de nous un des guides officiels de la ville reconnaissable par son tee-shirt jaune, sortant de tout un groupe attendant le touriste. D'abord pas très chauds pour nous offrir ses services, le captain lui demanda s'il parlait anglais car, pour lui, son discours en brésilien s'apparentait à du chinois. Il répondit aussitôt en anglais, puis, à la surprise générale, en français ! C'était gagné pour lui mais aussi pour nous car nous eûmes droit à une visite passionnante et très documentée. Il s'appelait, et s'appelle toujours du reste, Williams et la qualité de cet homme et son histoire nous a poussé à faire son portrait dans la rubrique correspondante : voilà bien longtemps que cela n'était pas arrivé !

En traversant la place pour nous diriger vers le centre historique, nous tombâmes sur Brigitte et Serge (bateau Kallima) prenant un petit déjeuner sur la terrasse d'un café ; nous leur proposâmes de se joindre à nous ce qu'ils acceptèrent volontiers.

Nous commençâmes la visite en remontant, le mot est bien réel, la rue São Francisco, découvrant dores et déjà l'atmosphère particulière de cette cité pleine de charme et qui semble vivre hors du temps. En montant la colline, nous avions bientôt de superbes points de vue sur l'océan à travers une belle végétation encadrant de très beaux édifices et des maisons coloniales superbes.

Arrivés en haut de la rue, nous visitâmes le couvent São Francisco qui est en fait un vaste ensemble datant pour les parties les plus anciennes de 1585 et comprenant trois édifices : le couvent proprement dit, une chapelle, la Capela de São Roque aussi dénommée Santa Ana et une église, l'Igreja de NS das Neves. Cet ensemble, tout à fait remarquable, est le seul de la ville dont la visite est payante mais ça en vaut vraiment la peine.

Dans le cloître du couvent, les murs sont couverts d'azulejos de toute beauté représentant des scènes de la vie de Marie. L'intérieur de l'église est également impressionnant avec ses dorures dans le cœur et son plafond peint. Quant à la sacristie, c'est à elle seule un monument : azulejos sur les murs, plafond en caissons moulurés contenant de magnifiques peintures, mobilier en bois sculpté de style baroque, plancher magnifique : c'est lourd et chargé mais on ne peut qu'admirer le travail des véritables artistes de l'époque.

C'est là que nous aurons de la part de Williams la réponse à notre question du nombre d'églises construites par les Portugais dans le monde, mais particulièrement au Brésil. Il nous expliqua en effet qu'à l'arrivée des premiers colons, il n'y avait bien sûr rien du tout. Les églises édifiées par les fortunes réalisées à l'époque avaient une triple destination : banque, fortification et cimetière !

Banque, car c'était pour ces riches colons le seul moyen d'investir leur fortune et d'y cacher leur pactole, fortification, souvent, au vu de l'architecture massive de leurs annexes pour se protéger des indigènes ou des esclaves, cimetière enfin car, bien entendu, il n'y en avait pas à l'époque et c'était le moyen d'obtenir pour eux et leur famille une dernière demeure "confortable". Et puis il n'est pas interdit de penser non plus qu'en construisant ces merveilles, ils investissaient aussi pour le salut de leur âme !

A notre petit groupe franco français était venu se joindre un couple de hollandais ; Williams fit alors ses commentaires en français et en anglais. Il en profita pour leur rappeler qu'en 1631 les Hollandais brûlèrent la plupart des édifices du 16ème siècle et que ceux que l'on peut actuellement visiter ont été reconstruits depuis. Il paraît même que les Pays Bas versent actuellement des dédommagements au Brésil pour ces destructions !

Arrivés au bout de la rua São Francisco, nous prîmes sur la gauche la rua Bispo Coutinho, passant alors devant l'ensemble un peu décrépi constitué du séminaire d'Olinda et de l'église de Nossa Senhora das Graças datant de 1550.

Nous atteindrons alors la place de Sé où se situe la cathédrale datant de 1548 où se déroulait une cérémonie religieuse ; prenant alors un ascenseur panoramique, nous pûmes admirer à la fois la cathédrale de haut mais surtout une vue magnifique sur Olinda et Recife au loin ; on aperçoit nettement la digue de protection de la ville qui forme avec celle-ci un long couloir au fond duquel est mouillé Olympe.




Nous redescendrons ensuite des ruelles très pentues et bordées de jolies maisons colorées, avec des perspectives intéressantes sur la ville, jusqu'à atteindre un petit restaurant de plein air situé à l'ombre d'une jolie végétation où nous prendrons assez tard notre déjeuner en compagnie de notre guide.



L'après-midi, nous continuerons de descendre la colline, passant successivement devant le mosteiro de São Bento datant du 16ème siècle, le palais du gouverneur (17ème) puis l'église de São Pedro (18ème) située face à la plus ancienne maison d'Olinda, Sobrado Mourisco.


C'est enchantés de notre journée que nous retournâmes à Recife retrouver Olympe.

Le lendemain matin fut consacré à faire du rangement, faire le plein d'eau en bidonnant au ponton du Iate Club et à aller surfer sur internet. L'après-midi, Françoise nous quitta définitivement en prenant l'avion pour regagner la France après avoir subi un vrai calvaire en bateau ; elle mettra encore de nombreux jours chez elle pour se remettre définitivement des dérèglements causés par son mal de mer chronique.

Le soir nous fûmes invités à prendre l'apéro à bord de Kallima ; vous l'aurez depuis longtemps constaté, les apéros sur les bateaux sont un des passe-temps favoris des grands voyageurs des mers !

Le 7, nous fîmes le plein de gasoil par bidonnage dans une station service atteinte en annexe et avec l'aide de la barque à rames et des gros bidons du responsable du Iate Club et nous effectuerons à la Capitainerie du port les formalités de sortie de l'état du Pernambuco.

Le 8 avril, après une dernière séance internet pour prendre la météo et un café pris sur Kallima, nous levions l'ancre à 10h25 à destination de Belém située à quelques 1100 milles. En effet, compte tenu de la date, nous décidâmes de shunter l'escale de Fortaleza qui était, d'après Josette, l'escale la moins intéressante de toutes, sauf pour ses belles plages.

BELEM

Voilà une escale que le captain gagna de haute lutte par la négociation avec son second ! Pourquoi ? Parce que Belém se situe sur un fleuve d'Amazonie et qui dit Amazonie dit moustiques, bestioles en tout genre et beaucoup de pluie. En plus, sans le savoir, Serge n'avait pas aidé ce pauvre captain en déclarant que c'était encore la saison des pluies, que le niveau de l'Amazone était monté de 8 mètres, que les courants y étaient donc violents, que les fleuves charriaient toute sorte de débris végétaux dont des troncs d'arbre à peine visibles entre deux eaux et pas du tout visibles la nuit, qu'il y avait beaucoup de trafic de bateaux de toute sorte dont des pêcheurs mal ou pas éclairés du tout, bref, une vraie entreprise de démolition en donnant du grain à moudre au second. Et, en terme d'apothéose, il déclarait qu'il préférait laisser son bateau dans la dernière marina sur la route nord, à João de Pessoa, afin de prendre l'avion pour Manaus et de là faire un trip organisé en amont dans la forêt amazonienne. Ce qu'il avait oublié de dire, c'était que les pêcheurs posaient des kilomètres de filets en travers des fleuves, augmentant encore les risques comme nous le constaterons et comme vous pourrez le lire sur le chapitre du carnet de bord concernant la remontée de la côte brésilienne.

Heureusement, Jean-Marie prit fait et cause pour le captain, tout en émettant cependant des conseils de prudence appuyés…Il y a tout de même des moments de grande solitude !

C'est le 15 avril, après une semaine de mer, que nous atteindrons tout de même sains et saufs et de nuit la ville de Belém, après avoir essuyé sur le fleuve Pará un orage dantesque, évité de justesse les filets de pêcheurs et être tombé en panne de moteur en plein milieu du fleuve et de son courant !

Belém, située à un degré au sud de l'équateur et à 80 milles nautiques en amont du fleuve Pará, est la capitale de l'état du Pará. Avec ses 1,4 million d'habitants, c'est véritablement la porte d'entrée de l'Amazonie. Mais ici, les croisiéristes ne se bousculent pas ; il n'y a d'ailleurs aucune infrastructure pour les accueillir. C'est donc dans le rio Guamá, en amont de la ville, que nous mouillerons Olympe devant les installations d'un hôtel, en attendant un certain temps et notamment les renverses de courant pour être sûrs de la tenue de l'ancre.

Nous y verrons tout de même un autre voilier, danois, attendant depuis plusieurs jours des pièces de rechange pour son moteur, pièces qu'il attendait encore lors de notre départ une semaine plus tard ; car au Brésil, vous l'aurez deviné, les importations sont très difficiles, prennent beaucoup de temps et sont très taxées malgré le statut des bateaux de croisière étrangers qui leur permet partout dans le monde d'importer hors taxes.

Malheureusement, l'hôtel devant lequel nous nous étions installés ne mettait pas ses installations à disposition des pauvres voyageurs. Nous ne pourrons qu'utiliser leur ponton pour y laisser l'annexe, y déposer nos poubelles et utiliser gratuitement tout de même leur réseau wi-fi. Mais de piscine point !

Belém, parfois surnommée la Française, a connu ses heures de gloire tout comme Manaus lors de l'ère du caoutchouc. On a pu la comparer à certaines villes française à cause de ses kiosques en fer forgé et ses bâtiments de style Beaux-Arts. C'est avant tout une ville portuaire exportant principalement des bois tropicaux et des noix du Brésil.

Le climat y est particulièrement pénible en cette saison ; il y pleut effectivement tous les jours et la température y est élevée, donnant l'impression d'être dans un sauna permanent.

En cette première journée, vous aurez deviné que nous sommes partis faire les formalités d'entrée dans l'état du Pará ; notre mouillage, situé sur le rio Guamá, s'il avait l'avantage d'être assez sûr, avait l'inconvénient d'être très excentré du centre ville. Heureusement, dans ces villes brésiliennes, ce ne sont pas les bus qui manquent et nous en prîmes un face à l'hôtel qui nous conduisit par des chemins détournés sur la place Dom Pedro II.

Pour gagner le bâtiment de la capitainerie, il nous fallut remonter la rue du 15 Novembre puis la rue Gaspar Viana. En cours de route, nous pûmes apercevoir dans de petites rues transversales des façades de maisons semblant abandonnées et nous rendre compte de la force de la nature, dans ces régions, qui reprend ses droits dans les endroits les plus insolites.

On ne s'étendra pas sur les nouveaux problèmes rencontrés pour effectuer ces formalités car vous allez penser, peut-être à juste raison, que le captain fait une fixation ! Mais enfin, et pour faire court, la capitainerie voulait absolument que l'on refasse une entrée auprès de la Receita Federal, ce que nous savions légalement inutile ; mais comme nos interlocuteurs ne voulaient rien savoir, il nous fallut aller à la dite recette située dans les anciens docks. Pour y pénétrer, il fallut montrer patte blanche et donner nos passeports pour obtenir un laissez-passer sous la forme d'un code barre qui était ensuite lu par le même individu qui avait mis une heure pour rentrer nos coordonnées dans son ordinateur ! (on se demande encore s'il savait lire…). Après coup, c'en est risible de ridicule, mais sur le moment, même Jean-Marie s'énerva alors que le captain, résigné et abattu s'attendait maintenant à tout !

Puis nous gagnâmes les bureaux de la Receita qui étaient fermés jusqu'à 14h. On prit alors notre mal en patience jusqu'à l'arrivée d'un quidam qui s'avéra être le patron du service. On eut alors affaire, enfin, à quelqu'un de compétent et de cultivé qui nous confirma qu'il n'y avait pas de nouvelle entrée à faire puisque celle-ci avait déjà été réalisée à Niteroï. Sur notre demande, il téléphona au commandant de la capitainerie pour le lui confirmer et il nous donna sa carte de visite pour le contacter en cas de besoin.

Retournant victorieusement à la capitainerie, on retombe sur le même individu que le matin qui nous demande le papier d'entrée de la Receita ! On lui raconte notre entrevue avec le patron de la dite Receita et on lui demande d'appeler son commandant pour confirmation. N'osant peut-être pas, il retourne comme le matin voir son chef qui maintient sa position. On se fâche alors en lui disant d'appeler immédiatement le Commandant. Il s'éclipse à nouveau pour revenir quelques instants plus tard et nous donner notre sésame en 5 minutes !

Un pays peut-il se targuer d'être grand quand ses représentants en charge d'appliquer la loi ne la connaissent pas eux-mêmes ? C'était la question du jour.

Après ces épreuves épuisantes nerveusement, nous retournâmes en flânant vers le célèbre Mercado Ver-O-Peso (littéralement "voir le poids") situé à côté du port de pêche. On put alors admirer de magnifiques étals de fruits tropicaux et de poissons de toute taille. A l'extérieur du marché, quelques vendeurs ambulants vendent aussi du poisson dont la fraîcheur peut être douteuse. Nous nous sommes tout de suite sentis à l'aise dans cette ville grouillante ; avec l'habitude, nous savons tout de suite à l'ambiance ressentie si nous allons nous plaire quelque part. Seul bémol, il ne fallait pas être trop à cheval sur la propreté, notamment autour du marché et dans le port où les charognards ne tardaient pas à prendre possession des lieux !



Le lendemain, nous revînmes donc avec enthousiasme dans le centre historique pour attaquer nos visites ; on passa la journée dans la partie sud-ouest de la ville. Nous eûmes un coup de foudre pour l'intérieur de la cathédrale Nosta Senhora da Graça avec ses marbres de Carrare et ses œuvres du peintre italien De Angelis.

En face, sur la même place, se trouvent l'église Santo Aleixandre et le Palácio Episcopal attenant, aujourd'hui reconverti en musée des Arts Sacrés avec de magnifiques œuvres d'art, malheureusement mal mises en valeur par un éclairage déficient ou mal adapté.


Tout à côté se trouve le fort de Castelo, récemment réhabilité en 2001, dominant les rives du fleuve Pará. Sa construction date de 1616. Du fort, on a une jolie vue sur le quartier animé du marché de la ville. En contrebas, nous pûmes visiter un navire de guerre brésilien désaffecté qui avait été racheté à la marine hollandaise.

Face à la forteresse se trouve la Casa das Onze Janelas (la maison aux onze fenêtres), restaurée, comme le fort Castelo, dans le cadre de la réhabilitation des berges du fleuve. Ce fut d'abord la demeure d'un magnat du sucre avant de devenir un hôpital militaire puis, aujourd'hui, une galerie d'art renfermant des œuvres modernes et des expositions photographiques. Nous ne devions pas être dans un bon jour, à moins que nous ne soyons définitivement hermétiques à cette conception de l'art !

Dans l'après-midi nous ferons quelques courses avant de rentrer sous la pluie au bateau.

Le lendemain matin, nous nous rendîmes à la Praça da República plantée d'arbres et abritant plusieurs kiosques à musique. Au milieu de la place trône le Teatro da Paz, le théâtre de la ville construit de 1869 à 1874 et récemment restauré. C'est sans nul doute l'un des plus beaux bâtiments de la ville de Belém. Nous avons eu la chance d'arriver au moment où on y commençait une visite commentée.

Il a été conçu dans le style néoclassique avec toutes les extravagances que se permettait l'époque du boom du caoutchouc. De nombreux sous-ensembles sont venus de France.



Partant du théâtre, nous remontâmes l'avenue Nazaré jusqu'à la Basilica Nossa Senhora de Nazaré ; édifiée en 1909, elle est aussi chargée de marbre et possède de beaux vitraux. Le second dimanche du mois d'octobre, elle est le siège d'une immense procession attirant deux millions de fidèles.

Nous terminerons la journée par l'achat de quelques souvenirs.

Le 19 nous reprîmes un bus pour nous rendre au jardin botanique de la ville ; il était bien fourni en espèces végétales tropicales mais aussi en animaux. Malheureusement, la moitié des zones de visite étaient en travaux de restauration ce qui fut assez frustrant. On fut surpris de voir courir en liberté des animaux que l'on ne connaissait pas, s'apparentant à de gros rats avec une tête et des pattes antérieures d'écureuils ! Nous en avons oublié le nom.

On retourna ensuite en bord de mer dans la partie restaurée des docks, aménagés en galeries marchandes et en restaurants, le tout dans un décor de grues portuaires repeintes en jaune et de machines à vapeur. Nous y déjeunâmes très correctement mais plus cher que dans nos "cantines au poids" habituelles. Nous fîmes quelques achats "coups de cœur" avant de regagner le bord.

Nous pensions quitter le Brésil le dimanche 22 avril. Aussi, le vendredi, nous effectuâmes nos formalités de sortie sans problème (!) sauf à la Police Federal où nous attendîmes près d'une heure le seul représentant habilité à tamponner nos passeport qui nous déclara que nous aurions dû venir faire notre entrée auprès de lui à l'arrivée, et sauf à la Receita Federal où il fallut patienter presque une heure pour obtenir notre quitus de sortie du Pays auprès d'une armée de fonctionnaires dont la principale préoccupation était la lecture du journal du jour !

La journée fut consacrée à faire les approvisionnements de la cambuse et la préparation des plats.

Le samedi, nous déplaçâmes le bateau auprès d'une barge flottante située sur le rio pour faire les pleins d'eau et de gasoil et revînmes mouiller à notre place. Maryse et Jean-Marie repartirent au centre ville au marché et aux Docks pour les derniers achats pendant que le captain restait sur le bateau pour surveiller la tenue du nouveau mouillage. Etudiant le problème de la descente du fleuve Pará pour regagner l'océan avec l'expérience de l'aller, il décida qu'il vaudrait mieux le faire en deux étapes pour tout faire de jour. Il proposa donc à l'équipage un arrêt à Soure sur l'île de Marajó situé à peu près à mi-parcours sur l'autre rive, proposition aussitôt adoptée avec enthousiasme !

Le dimanche 22 avril à 5h du matin, nous relevâmes le mouillage, quittant ainsi Belém, une escale qui nous avait beaucoup plu.

SOURE

Nous étions partis de bonne heure afin de profiter au maximum du courant portant, celui-ci s'inversant avec la marée pendant le flot. Le trajet se fit au moteur et c'est à 14h15 que nous mouillâmes devant la petite ville de Soure sur le Rio Paracauri.

Forte de ses 18 000 habitants, elle est la "capitale" de l'île de Marajó qui compte 250000 habitants et qui est située dans le delta de l'Amazone, coincée entre le fleuve Pará au sud et le fleuve Amazone au nord. Ces deux fleuves sont reliés par de nombreux canaux de part et d'autre de l'île. Pour donner une idée de l'immensité de ce delta, la seule île de Marajó est plus vaste que la Suisse ! Lors de la saison des pluies de janvier à juin, le niveau des fleuves amazoniens montent de plusieurs mètres, noyant presque la moitié des plaines de l'île.

Quelques bateaux de pêche étaient au mouillage à notre proximité, mais la plupart étaient échoués sur la vase des berges du Rio car il n'y a pas de port ni de quai à part un petit ponton de déchargement au niveau de ce que l'on appelle ici un trapiche. Les pêcheurs échouent donc leur bateau à marée haute, marée qui rythme ainsi les départs et retour de pêche.

En longeant le rivage avant notre arrivée, nous pourrons apercevoir des zébus et des buffles d'eau qui se baladent ici en toute liberté. Après nous être assurés de la bonne tenue du mouillage, nous partîmes avec l'annexe faire une première visite de la ville, on devrait dire de ce gros bourg. Le débarquement ne fut guère évident sur un ponton de bois tremblant dont l'espérance de vie semblait maintenant assez courte !

On découvrit alors un monde étonnant, se demandant s'il s'agissait d'une ville à la campagne ou de la campagne à la ville ; des rues larges, les plus importantes étant à deux voies séparées par un large terre-plein central planté de manguiers centenaires, selon un réseau bien agencé en forme de grille à angle droit. Pour se positionner sur le plan, pas de difficulté : les rues parallèles à la berge du Rio se nomment : rue n°1, rue n°2, etc, et les rues perpendiculaires : traverse n°1, traverse n°2, etc.



Nous étions un dimanche et les rues étaient quasiment désertes, donnant l'impression de se promener dans un village fantôme. Le long des rues, l'habitat est constitué de petites maisons en dur. Les quelques passants rencontrés nous saluaient avec le sourire, ne devant pas avoir l'habitude de voir passer des touristes. On était dans un endroit d'un calme absolu semblant vivre hors du temps. Nous croisions régulièrement au détour d'une rue un buffle paissant tranquillement ou des chevaux.

La pluie s'annonçant proche, nous regagnâmes le bord avec l'intention de rester la journée du lendemain pour explorer ce monde étonnant.



Le lendemain donc, si le décor restait le même, l'ambiance y était moins calme sans toutefois être déchainée ; la ville revivait après le dimanche qui semble donc retenir les habitants chez eux. Ici, pas de code de la route : les piétons marchent n'importe où, de préférence sur les rues, les voies à double sens avec leurs magnifiques manguiers centraux sont en fait à quadruple sens ! D'ailleurs, il y a très peu de voitures, les gens se déplaçant à pied, en vélo ou en petite moto mais, quelque soit le mode de transport, doucement. Tous les rythmes de la ville sont lents et paisibles.

Nous irons au petit centre d'information situé près du débarcadère pour demander quelques conseils de visite ; aucune documentation n'était disponible et c'est à la main sur une feuille blanche qu'une femme nous listera quelques centres d'intérêts. Pourtant il y a deux ordinateurs sur les bureaux et il ne serait pas difficile de faire un petit document de présentation !



Nous nous dirigerons vers le "centre ville" où se situent le petit marché, l'église et un très modeste centre artisanal. Mais s'il n'y a pas grand-chose à voir, la ville vaut par son ambiance tranquille où la délinquance n'est pas encore arrivée. On trouva tout de même un petit cybercafé où nous pourrons récupérer nos messages et donner des nouvelles à nos proches.

Le midi, nous nous sommes dirigés vers la 14ème rue pour déjeuner dans le restaurant qui nous avait été indiqué au centre d'information, le "Paradis Verde" ; nous souhaitions manger du poisson frais, ce qui ne devait pas être difficile au vu de la flottille de bateaux de pêche aperçue sur le Rio. Et bien il n'y en avait pas bien que la carte en proposât. On se rabattit alors sur la spécialité de l'île, le fromage de buffle, mais sans fromage car il n'y en avait plus ! Et puis à la fin, pour payer, on ne pouvait le faire par carte : Le captain dût retourner en centre ville en mototaxi pour chercher du liquide au seul distributeur qui heureusement fonctionna après quatre tentatives infructueuses… On était vraiment dans un autre monde où la modernité n'avait pas encore prit place et c'était très bien ainsi. Nous nous souviendrons de cette étape choisie en dernière minute comme d'un havre de paix, loin de l'agitation du monde.

En retournant à l'embarcadère, nous vîmes une barge chargée de zébus qui commençaient sans doute leur voyage vers un abattoir.

On termina l'après-midi à bord pour finir de préparer quelques plats (on corrige : pour que Maryse finisse de préparer quelques plats) pendant que Jean-Marie et le captain nettoyèrent à nouveau la coque d'Olympe.

Le lendemain 24 avril nous levions l'ancre pour quitter cette fois définitivement le Brésil et nous diriger vers la Guyane française avec trois jours de navigation au programme. Cette visite un peu au pas de course du Brésil restera pour nous un peu contrastée mais avec des points forts tout de même: la superbe baie de Rio, la ville de Paraty, Salvador, Olinda et Belém.

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