OLYMPE AUTOUR DU MONDE

GUYANE

Un peu de géographie

Grande comme 1/6ème de la France, la Guyane française en est évidemment le plus grand département et de loin. Elle est située sur la côte est de l'Amérique du Sud, entre le 2ème et le 5ème degré de latitude nord, bordée au nord par le fleuve Maroni qui constitue la frontière avec le Surinam et au sud par le fleuve Oyapock qui constitue la frontière avec le Brésil. C'est en fait la continuité de l'Amazonie avec ses caractéristiques climatiques, sa faune et sa flore.

Sa position en latitude lui permet d'être en dehors des zones cycloniques, chose rare pour les DOM-TOM, et sa position près de l'équateur est aussi un atout important pour l'industrie spatiale, nous y reviendrons.

La forêt équatoriale couvre 94% de sa surface, sur les terres hautes dont l'altitude moyenne n'est que de 250 mètres. Cette partie du territoire n'est guère favorable à l'homme ni aux grands mammifères, mais les invertébrés, les reptiles et les insectes y pullulent avec les oiseaux cachés dans l'enchevêtrement végétal. Les 6% du territoire restant sont constitués des savanes intermédiaires aux sols de sable et d'argile de médiocre qualité et des terres basses le long de la bande côtière où se développent d'immenses mangroves. Le sol n'est donc pas très riche et peu propice à l'agriculture.

L'ensemble du territoire est irrigué par un réseau hydrologique très dense, source de vie et d'activités de plein air. Comme en Amazonie au Brésil, les fleuves déversent des alluvions très importantes dans l'océan, rendant l'eau trouble et de couleur marron jusque très loin au large. C'est une des raisons de la désaffection des touristes qui préfèrent les plages aux eaux bleu turquoise !

Le climat est de type tropical, chaud et humide, difficile à supporter lorsqu'on n'y est pas habitué ; la température est pratiquement constante toute l'année, 26°à 30°, mais il y a pourtant un cycle des saisons : la grande saison des pluies, d'avril à août, la saison sèche de septembre et octobre qui est la meilleure saison de visite, et la petite saison des pluies le reste du temps ! Mais en forêt profonde, on peut observer des écarts de température entre le jour et la nuit allant jusqu'à 10°.

La Guyane possède un faune exceptionnelle de diversité et de rareté ; on y trouve les plus gros insectes de la terre, volant ou rampant, les fameuses mygales, des scorpions de toute sorte, mais aussi des mammifères en voie de disparition tels que les tatous, des pumas, des jaguars, des ocelots, des tapirs (les plus gros mammifères d'Amérique du Sud), des cabiaïs ( les plus gros rongeurs du globe)

On recense également plus de 700 espèces d'oiseaux dont le célèbre ibis rouge mais aussi des rapaces. Enfin, frappant toujours l'imaginaire, les reptiles ne sont pas en reste, avec le célèbre anaconda pouvant atteindre 9 mètres de long et 200 kg ; il n'est pas venimeux mais étouffe gentiment ses proies. Les plus dangereux, très venimeux, sont beaucoup plus petits mais il est très rare d'en rencontrer en ballade. N'oublions pas non plus différentes espèces de caïmans.

Même dans l'eau on rencontrera chez les poissons des espèces sympathiques comme les fameux piranhas. Il ne faut cependant pas s'affoler, les accidents sont très rares, bien plus rares qu'en Australie par exemple.

En termes d'économie, la Guyane produit peu ; son niveau de vie est pourtant bien supérieur à celui de ses voisins grâce à l'état français qui a la volonté d'intégration de ce territoire éloigné. C'est pourquoi près des 2/3 de la population travaillent dans le secteur tertiaire : administration publique, commerces de détail et services domestiques.

Le secteur primaire est essentiellement représenté par la pêche, l'exploitation de la forêt et l'orpaillage. C'est ainsi que le port de Cayenne Larivot se hisse à la cinquième place nationale pour sa production annuelle grâce à ses 800 marins professionnels. L'exploitation de la forêt est par contre en déclin. Quant aux activités minières, elles ne concernent aujourd'hui que l'extraction de l'or par l'intermédiaire de sociétés minières structurées mais aussi par nombre d'orpailleurs clandestins souvent en provenance du Brésil. Mais le sous-sol renferme d'autres ressources non encore exploitées comme des diamants, de la bauxite, du kaolin, du titane et du platine.

Mais le fer de lance du territoire est aujourd'hui constitué de l'industrie spatiale avec l'implantation à Kourou des bases de lancements des fusées Ariane, Soyouz et Vega, employant plusieurs milliers de personnes avec les sous-traitants, nous y reviendrons plus loin.

Un peu d'histoire

L'histoire de cette région est pavée de malheurs successifs comme l'indique cette chronologie rapide.

La région était à l'origine peuplée de tribus d'Amérindiens ; au début du 16ème siècle, les espagnols reconnurent les côtes de Guyane. Mais ce sont des marchands de Rouen qui développèrent les premiers en 1638 le commerce avec ce territoire en fondant Cayenne, fondation qui sera renforcée en 1643 par Poncet de Brétigny qui en fit une fortification de défense.

S'ensuivront alors des années de désordres, internes d'abord avec des révoltes des autochtones, puis avec les guerres successives et classiques avec les anglais qui prendront possession du territoire en 1647, puis avec les hollandais qui chasseront les anglais en 1667 par le traité de Bréda. C'est grâce à l'Amiral d'Estrées que la Guyane est reconquise en 1677 et passe, presque définitivement, sous domination française.

A partir de 1689, la Guyane devient une colonie esclavagiste avec l'arrivée des premiers africains pour compenser un manque de main d'œuvre dans les plantations de cacao et de café.

Près d'un siècle plus tard, en 1763, le Duc de Choiseul veut peupler et valoriser cette région ; il fait envoyer 15 000 colons européens volontaires sans que rien ne soit prévu pour les accueillir en pleine saison des pluies. Ce sera un désastre.

Plus de 10 000 d'entre eux seront emportés par les maladies tropicales, dysenterie, syphilis, paludisme, fièvre jaune et typhoïde. Les survivants se seront réfugiés sur les îles du Diable au climat moins épouvantable, d'où plus tard leur dénomination d'iles du Salut. Quelques uns arriveront à retourner en France, la réputation de ce territoire étant alors largement et pour longtemps répandue !

En 1795, les îles du Salut "inaugureront" leurs premiers déportés politiques lors de la révolution ; sous le Directoire, plus de 300 prisonniers, dont de nombreux prêtres, y seront exilés.

Puis en 1809, le Portugal prit possession du territoire, jusqu'à la convention de 1817 qui rendra la Guyane à la France. En 1848, l'abolition officielle de l'esclavage fit péricliter les plantations et libéra 12 000 esclaves.

En 1852, le bagne est officiellement institué par le Prince Louis Napoléon ; il s'agit à la fois d'éloigner de métropole les malfaisants et de les faire travailler aux travaux d'infrastructure de la Guyane. C'est une autre époque peu glorieuse qui commence alors, nous y reviendrons également plus loin.

En 1946, la Guyane devient département français et le bagne sera liquidé au départ des derniers bagnards en 1953 ; une ère nouvelle va enfin commencer.

En 1964 est décidé le transfert du centre spatial, alors situé en Algérie, à Kourou ; pour la première fois, le territoire est associé à une aventure prestigieuse et constructive. Comme indiqué plus haut, le Centre Spatial Guyanais fait vivre plusieurs milliers de personnes.

En 1982, la loi de régionalisation apportera à la Guyane plus d'autonomie politique et financière, atténuant ainsi les conflits larvés.

Notre séjour

Le premier jour

Il n'y a qu'un seul endroit permettant de faire l'entrée officielle dans le pays, c'est Cayenne et plus exactement Dégrad des Cannes, le port situé à quelques 14 km au sud de Cayenne. C'est donc là que nous avons atterri le 27 avril vers 8h du matin, après avoir remonté un chenal long et étroit pour rentrer dans la rivière Mahury et mouiller un peu en amont du port de commerce. Ce chenal est peu profond et est dragué en permanence pour permettre aux cargos et autres porte-containers d'accéder au port.



L'endroit est situé au milieu de nulle part ; les berges du fleuve envasées à marée basse, sont aussitôt absorbées par la forêt ; il y a bien ce qu'il est convenu d'appeler une marina, en fait deux pontons pourris en partie squattés par des bateaux de pêche, les places restantes étant occupées par quelques voiliers dont les propriétaires se sont arrêtés là quelques mois pour travailler et refaire leur caisse de bord et des voiliers poubelles dans des états lamentables. Et pour être sûrs que personne ne puisse se mettre à couple de leur bateau, ceux qui sont sur le ponton extérieur ont hissé leur annexe le long de leur coque ! Bonjour l'accueil, ces gens là ont vraiment l'esprit marin…

Et bien après tout tant mieux, ça nous évitera de salir Olympe au contact de leur épave. Notez tout de même que ces soi-disant marins qui s'approprient ainsi des places qui ne leur sont pas attribuées, ne les paient pas, la faute à la chambre de commerce en charge de la gestion et qui s'en fout ! Bienvenue en France…

En début d'après-midi, je partis à pied au port de commerce situé à environ deux kilomètres pour faire les formalités d'entrée auprès des douanes. Je rencontre alors un des "habitants" d'un voilier qui rentre du boulot (il est 14 h) qui m'explique où sont situées les douanes face au port de commerce, mais qu'elles sont sans doute fermées à cette heure un vendredi après-midi. Devant mon étonnement, il m'explique alors qu'il est là depuis un an et demi, qu'ici, personne ne voulant travailler, il n'a eu aucun mal à trouver du boulot et qu'en deux ans on se retrouve patron de la boite ! Travaillant dans le bâtiment, il ne trouve personne à embaucher alors que sa société est surchargée. Ambiance !

Après deux kilomètres de marche pour arriver au bureau des douanes, je trouvais en effet le bureau fermé jusqu'au lundi matin. De retour au bateau et voyant que l'on est prisonnier dans un trou à rat, je demandais à un autre "résidant" de la "marina" où l'on pouvait trouver une voiture de location. Il me donna alors l'adresse d'un loueur local bon marché situé à Cayenne. Mais pour aller à Cayenne, sans voiture, c'est difficile : il n'y a pas de transport en commun et la seule solution est de faire du stop.

Après s'être assuré du mouillage, je repartis vers 15h à la recherche d'une voiture de location, retournant à l'entrée du port de commerce pour se rapprocher de la route de Cayenne et faire du stop. Je fus assez vite pris en charge par un retraité actif qui me déversa sa bile sur la France en général et la Guyane en particulier. Je passerai sur tous ses arguments qui l'ont amené à vouloir quitter le pays, bref, il en avait tellement "marre" qu'il a acheté un terrain à Bali et qu'il va partir y vivre ! Décidément, où étions-nous tombés ?

Il me déposa à un rond-point en me disant que ce n'était plus très loin ; c'était tout de même encore à 5 kilomètres effectués à bonne allure à pied pour arriver en nage chez le loueur (car ici il fait chaud et humide…). Sur la route du retour, je m'arrêtais dans une grande surface "Super U" pour ramener à l'équipage une bouteille de Pastis et un bocal de foie gras, éléments que l'on ne trouvait plus depuis bien longtemps dans notre périple et qui remonta le moral du bord !

Cayenne

Le lendemain, nous partîmes à la découverte de Cayenne ; la ville fut fondée en 1638 par des marchands de Rouen et l'inévitable Vauban en dessina les fortifications en 1690. Au cours du 18ème siècle, Cayenne devint un centre d'expérimentations astronomiques puis, avec l'abolition de l'esclavage en 1848, elle connut une première phase de développement avec l'installation de nombreux esclaves affranchis.

Mais le décollage économique de la ville eut lieu à partir de 1854 avec la découverte de gisements d'or en Guyane ; c'est à cette époque que furent érigées les belles demeures coloniales que l'on peut voir encore aujourd'hui, avec leurs balcons en ferronnerie. En 1943, pendant la seconde guerre mondiale, les Américains construisirent un aéroport qui est toujours en service aujourd'hui, sortant ainsi la Guyane de son isolement. Elle compte aujourd'hui environ 65 000 habitants.



Le centre ville est assez petit et se trouve concentré autour de la place des Palmistes, de la rue du Général de Gaulle et de la rue Arago. C'est donc sur la place des Palmistes que nous garerons la voiture pour nous balader à pied. La place est assez jolie, vaste étendue engazonnée et plantée de hauts palmiers qui semblent monter la garde. Autour ou non loin, on peut y voir la mairie, petit bâtiment jaune modeste, une très jolie école maternelle, la préfecture, le tribunal et la cour d'appel et une magnifique maison coloniale très joliment restaurée et reconvertie en hôtel restaurant, "Les Palmistes" où nous viendrons déjeuner plusieurs fois. Nous y trouverons également un cybercafé tenu par des asiatiques où nous viendrons plusieurs fois relever nos courriers et "skyper".



Nous descendrons ensuite jusqu'à la place Schoelcher, du nom de celui qui fut à l'origine de l'abolition de l'esclavage et qui possède sa statue au centre de la place, pour nous rendre sur la place du marché ; à cette heure de fin de matinée, celui-ci arrivait à son terme mais nous pûmes cependant en faire un tour intéressant, nous rendant compte que de nombreux marchands étaient de type asiatique, comme pour la plupart des boutiques des rues avoisinantes.

Puis nous poussâmes jusqu'au vieux port : "vieux" est le terme qui convient, car il n'est manifestement plus en service depuis longtemps, à cause de l'envasement des berges et de l'avancée des mangroves. Mais on pourrait tout de même finir de démolir les installations comme cette ruine d'anciens sanitaires qui n'est pas du meilleur effet ! Le port est aujourd'hui déplacé en deux endroits : Dégrad des Cannes au sud pour les bateaux de commerce, en amont duquel nous sommes mouillés, et le Larivot pour la flottille de pêche.

Remontant la rue Arago, nous passerons devant la cathédrale Saint-Sauveur, fermée, sœur jumelle de Saint-Jean-Baptiste-de-Grenelle dans le 15ème arrondissement de Paris.

Puis, arrivant près de l'anse de l'Hôpital, nous verrons une sculpture représentant "les chaînes brisées" en souvenir de l'époque de l'esclavage.

Nous rentrerons au bateau non sans nous arrêter faire des courses d'avitaillement devinez où : dans un Super U !

Cacao

Le lendemain dimanche, nous partîmes visiter la ville de Cacao ; située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Cayenne sur la rivière Comté, cette ville, ou plutôt ce village faisant partie de la commune de Roura, a une histoire intéressante ; ayant été le lieu d'un bagne au 19ème siècle, elle revit grâce à l'arrivée de réfugiés politiques laotiens en 1977, les Hmongs. Ce peuple est probablement d'origine tibétaine, les guerres les ayant disséminés vers la Chine du sud, les hautes montagnes du Laos, le Vietnam du nord, la Thaïlande et la Birmanie.

Les familles qui sont venues s'installer ici viennent toutes du Laos où elles cultivaient l'opium du temps de l'Indochine française. Ayant soutenu les Français puis les Américains lors des guerres dites de libération, elles furent prises pour cibles par le Pathet Lao. C'est sous le gouvernement Giscard d'Estaing qu'il fut décidé d'en accueillir 500 en Guyane où ils reçurent des terres qui n'étaient alors qu'une vaste et dense forêt. En l'espace de 40 ans, ils ont réussi, malgré une hostilité des autochtones aujourd'hui disparue, à devenir les premiers producteurs de fruits et légumes de la Guyane, ce qui explique la présence d'asiatiques au marché de Cayenne qui nous avait surpris. Aujourd'hui, on compte environ 1500 Hmongs répartis entre Cacao, Jahouvey et Rococoua.



Le dimanche est jour de marché à Cacao ; inutile de préciser que la totalité des marchands sont Hmongs. Outre les étals de fruits et légumes traditionnels, ils exposent également leur artisanat essentiellement composé de broderies ressemblant fort aux tapas des indiens Kuna des îles San Blas et donnant une touche de couleurs vives dans la petite halle du marché.

Une partie du marché est également consacrée à proposer aux visiteurs de quoi se nourrir à base de plats asiatiques : soupes, nems, riz agrémenté de saveurs uniques. Nous y déjeunerons pour un prix dérisoire.

Puis nous visitâmes un très intéressant musée monté par l'association "Le Planeur Bleu", créé et alimenté par l'instituteur de Cacao depuis 25 ans, un homme passionné et passionnant. On y découvre, avec les commentaires éclairés du maître des lieux, des collections très complètes de papillons qu'il va lui-même attraper en forêt, des magnifiques morphos bleu dont on recense 30 espèces au plus gros papillon de nuit du monde. Mais les clous de la visite sont sans nul doute les mygales vivantes que l'on peut prendre dans sa main sans danger, ces araignées n'étant pas agressives à moins de se sentir en danger ; encore faut-il préciser que leur morsure n'est pas dangereuse, les seules mygales mortelles se situant en Australie.

Et puis il y a bien sûr les scorpions qu'il nous présenta tout de même en les prenant avec une très longue pince ! Il y en a deux familles, ceux qui possèdent des pinces assez proéminentes et dont le premier réflexe est de pincer, ce sont les moins dangereux, et ceux qui ont des pinces beaucoup plus fines et dont le premier réflexe est de piquer sa victime en recourbant sa queue. La piqure est potentiellement mortelle mais les accidents fatals rarissimes, deux cas ces vingt dernières années.

Dans la rubrique des insectes géants, il y a les phasmes, ces animaux ressemblant à s'y méprendre à des brindilles d'arbre ; leur longueur peut atteindre 36 cm. Ils sont inoffensifs et peuvent être pris dans la main sans danger.

On aura pu voir quelques serpents, généralement craintifs à l'exception de l'un d'eux dont la morsure peut être mortelle et qui défend son territoire sans reculer devant l'homme. Mais en promenade, pas de panique, il faut regarder où l'on met les pieds pour éviter de marcher sur un reptile qui ferait sa sieste derrière un tronc d'arbre couché et que l'on enjamberait sans faire attention. C'est pratiquement le seul cas de morsure, mais cette fois à coup sûr !

Avant de repartir, nous irons voir un potier faire une démonstration de son art tant manuel que verbal, un "métro" venu s'installer ici il y a maintenant de nombreuses années.

Le lendemain lundi fut consacré à l'intendance : visite d'une agence de tourisme pour organiser nos visites futures des îles du Salut et du centre spatial, internet pour récupérer les messages, changements du billet d'avion retour de Jean-Marie chez Air France et quelques courses d'avitaillement à… Super U.

Kourou

Nous irons trois fois à Kourou ; la première fois pour découvrir la ville et repérer l'embarcadère du bateau qui nous emmènera aux îles du Salut ainsi que le centre spatial, profitant de la journée pour visiter sur la route le zoo de Guyane, la seconde fois le lendemain pour la visite des îles du Salut et la troisième fois pour la visite du Centre Spatial Guyanais.



C'est donc le mardi 1er mai que nous prenons la route pour Kourou située à environ 60 km au nord de Cayenne ; à la mi-parcours, nous nous arrêterons pour visiter l'intéressant zoo de Guyane qui regroupe une bonne partie de la faune locale, y compris des espèces en voie de disparition. Outre des animaux dont nous avons déjà parlé, nous pourrons admirer les fauves vivant sur le territoire, dont le puma, les ocelots, les ocemas et surtout le magnifique jaguar.

Puis les animaux rares semblant sortis de la préhistoire, avec le tapir et le tamanoir, quantités de singes parmi lesquels les atèles, les capucins et les tamarins en mouvement perpétuel, puis le fameux unau ou aï si connu des cruciverbistes !




Autres vedettes du zoo, les caïmans rouges, les noirs et les magnifiques aras aux couleurs chatoyantes et aux cris désagréables. Et puis nous aurons même droit à une promenade dans les arbres, proche de la canopée à l'aide de passerelles en bois suspendues dans les branches, de quoi se sentir de vrais aventuriers !

Nous arriverons pour déjeuner à Kourou où nous ne trouverons qu'un restaurant…asiatique. La ville de Kourou n'a vraiment rien d'intéressant ; elle ressemble à une ville dortoir où des logements HLM côtoient une base militaire de la légion en charge de la sécurité du CSG, et de quelques villas assez modestes. On se demande où vivent les cadres du centre spatial. Nous irons faire quelques pas sur la plage où le second complètera sa collection de sable.

Les îles du Salut

Nous sommes donc revenus le lendemain pour embarquer sur l'un des catamarans qui emmènent les touristes aux îles du Salut ; nous avions préféré cette solution à celle qui aurait consisté à venir avec Olympe de Dégrad des Cannes, nous obligeant à y revenir pour les formalités de départ de la Guyane. Et puis les conditions de mouillage dans ces îles ne sont pas optimales ce qui finit de nous convaincre pour cette solution de facilité.

Au nombre de trois, l'île Royale, l'île Saint-Joseph et l'île du Diable qui a gardé son nom d'origine, elles forment un triangle pratiquement équilatéral à 17 km seulement de la côte de Guyane. Et pourtant, quel changement de décors ! Tout d'abord, l'eau n'y est plus marron mais offre de belles couleurs comme on peut en admirer aux Caraïbes. Le climat, bien ventilé par les alizés, y est plus sec que sur la côte et donc bien plus sain. Leur rivage est bordé de cocotiers. On se croirait davantage en Polynésie qu'en Guyane, dans un lieu paradisiaque où l'époque des bagnes vit toutes les horreurs que l'homme peut infliger à l'homme.

Car si la visite permet d'admirer un petit paradis, elle nous rappelle aussi une tranche peu glorieuse de notre histoire. Nous avons eu la chance de bénéficier, sur l'île Royale, des commentaires d'un guide qui nous en retraça les méandres.

Il faut d'abord savoir que les îles du Salut appartiennent désormais au Centre Spatial Guyanais qui les a acquises pour un euro symbolique ; elles se situent en effet sur la trajectoire des fusées partant de Kourou et, à chaque lancement, les îles sont vidées des touristes et des sédentaires. En contrepartie, le CSG a pour mission de les entretenir et de maintenir autant que faire se peut les vestiges des bagnes.

C'est donc par l'île Royale que nous avons commencé notre visite ; c'est l'île où il reste le plus de traces relativement entretenues du passé. En débarquant dans la magnifique baie des Cocotiers, on emprunte un chemin pavé qui serpente en montant au sommet de l'île où se situe l'auberge des îles du Salut aménagée dans d'anciens bâtiments pénitentiaires ; c'est de là que nous partîmes avec notre guide pour deux heures de visite commentée de l'île et de son histoire.


La plupart des bâtiments pénitentiaires se situent sur le plateau au sommet de l'île ; nous nous dirigeâmes tout d'abord vers les ruines de l'ancien sémaphore où Guillaume Seznek passa vingt années de sa vie jusqu'à ce qu'il soit finalement gracié ; mais son petit-fils continue le combat pour faire reconnaître l'innocence de son grand-père.

Puis en se dirigeant vers l'ouest, on passe devant l'ancien bâtiment de l'administration pénitentiaire ; aujourd'hui, il est occupé par deux gendarmes en charge de la sécurité des lieux et du départ de tous les habitants de l'île à chaque lancement de fusée. Ils sont en principe relayés tous les trois mois.

Puis on longe la maison des sœurs qui se dévouèrent pour tenter d'alléger les souffrances des bagnards. Cette maison servait aussi de maternité pour les femmes des gardiens qui passaient au minimum deux ans sur l'île, souvent avec femme et enfants.


On visite ensuite la chapelle récemment restaurée par le CSG ; elle abrite des fresques du faussaire Francis Lagrange qui passa 18 années au bagne. Ces fresques sont le résultat d'une commande de l'évêque de Cayenne de l'époque qui ne s'est sans doute pas rendu compte du côté satirique des œuvres de Lagrange !

Un peu plus loin, on tombe sur le magnifique corps de bâtiment de l'hôpital militaire ; l'île Royale était sans doute un centre de soins important de la Guyane compte tenu du climat plus favorable qui y règne. Il accueillait uniquement les personnels des services pénitentiaires, rarement les bagnards, sauf peut-être en fin de vie. Accolé juste derrière, le phare de l'île est encore en service.

A proximité, on aperçoit une piste d'atterrissage d'hélicoptère et un étrange bâtiment récent qui n'est autre qu'un cinéthéodolite qui permet de localiser d'une manière très précise les trajectoires des fusées et de les photographier de jour comme de nuit.

On fera ensuite un petit détour en contrebas du phare pour voir le cimetière des enfants des personnels pénitentiaires qui étaient souvent emportés par les fièvres et les maladies dès leur plus jeune âge. A quelque distance de là se situait la morgue où les corps des bagnards étaient entreposés avant d'être jeté à la mer, livrés en pâture aux requins qui pullulaient à cette époque.




On arrive ensuite dans la partie la plus sinistre de l'île, celle des quartiers cellulaires divisés en trois bâtiments distincts ; dans chacun étaient enfermés en salle commune de 100 à 120 détenus, sans aucune hygiène. Quant aux fortes têtes, elles étaient enfermées dans des cellules individuelles minuscules et sans fenêtre. Certains pouvaient rester ainsi enfermés plusieurs semaines voire plusieurs mois sans voir le jour.



A proximité se trouve le quartier de vie des gardiens, aujourd'hui restauré, chaque petite maison coquette pouvant être louée aux touristes de passage. Pour retourner au point de départ de la visite, on passe le long d'une fausse qui recueille l'eau douce et qui est l'ancienne carrière d'où étaient extraites les pierres utilisées pour la construction des bâtiments. Des caïmans y sont fréquemment introduits pour se débarrasser des grenouilles et autres crapauds qui l'envahissent rapidement ; le remède est très efficace !

A la fin de cette visite guidée, nous redescendîmes au niveau du chemin de ronde bordé de cocotiers au niveau du rivage pour faire le tour de l'île ; les paysages sont réellement enchanteurs et l'on a du mal à imaginer les horreurs qui s'y sont déroulées. On passa le long de la piscine des bagnards située dans l'anse Le Goff au nord de l'île ; afin de se protéger des requins, les bagnards avaient aménagé un plan d'eau fermé à l'aide de rochers. C'est uniquement dans cette baie que l'on peut éventuellement se baigner sans danger, à l'abri des forts courants et de la houle du large.

En chemin, nous pûmes apercevoir les deux autres îles, l'île du Diable qui ne se visite pas et où Dreyfus passa quatre années de sa vie, reclus seul avec ses surveillants, et l'île Saint-Joseph que nous visiterons l'après-midi.


Regagnant l'embarcadère, notre catamaran nous emmena donc dans un mouillage de l'île Saint-Joseph où certains gagnèrent le rivage à la nage, les autres, majoritaires, étant amenés en annexe à un petit ponton de débarquement. Cette île est plus petite que la précédente mais tout aussi jolie ; on en fait également le tour par le chemin de ronde littoral, passant le long du cimetière réservé aux personnels pénitentiaire de l'époque et de l'unique et petite plage des îles du Salut.


Quant aux bâtiments pénitenciers de l'époque, ils sont à l'état de ruines et leur accès est interdit pour des raisons de sécurité ; pendant que Jean-Marie se reposera sur la plage, le second et son captain préféré braveront l'interdit en montant au sommet de l'île approcher les dits bâtiments envahis par la végétation.

Vers 16h, nous reprendrons notre catamaran pour rentrer sur le continent ; le vent s'étant levé, c'est à la voile que nous ferons le trajet en une heure environ, la tête pleine des images du jour, ravis et heureusement surpris par la beauté de ces îles que, grâce à un magnifique soleil qui succéda à la pluie du trajet aller, nous avions pu admirer sans modération. C'est sans nul doute une visite incontournable pour tout visiteur de la Guyane.

La journée du lendemain sera une journée de repos : coiffeur pour Madame, internet pour les hommes, puis déjeuner dans un restaurant situé sur la route des plages, en bordure de rochers où venaient s'éclater les vagues du large.

Le centre spatial guyanais

Le vendredi 4 mai au matin, nous revoilà partis une troisième fois pour Kourou afin de visiter le centre spatial ; il est nécessaire de réserver pour cette visite très prisée (37 000 visiteurs en 2010) et de présenter son passeport pour l'enregistrement.

Afin de comprendre le fonctionnement du centre, il est nécessaire de préciser le rôle de chaque intervenant :

  • L'ESA, agence spatiale européenne, est une organisation internationale regroupant 18 états européens ; ayant son siège à Paris, elle joue le rôle de Maître d'Ouvrage en assurant la Direction, le financement et les programmes de développement des différents lanceurs et des installations associées.
  • Le CNES, Centre National d'Etudes Spatiales est l'établissement public français créé en 1961. C'est en fait l'agence française de l'espace qui est à l'origine de l'industrie spatiale française puis européenne. Il a un rôle de Maître d'œuvre.
  • Arianespace est la société de commercialisation créée en 1980 ; elle fut la première société de services et de solutions de lancement dans le monde. Elle compte aujourd'hui 21 actionnaires venant de 10 états européens, le CNES se taillant la part du lion avec 34% des parts, confirmant la prédominance française dans le programme spatial européen.

L'implantation de la base de lancement en Guyane est la conséquence de l'indépendance de l'Algérie et des accords d'Evian de 1962 : la France doit trouver un autre site suite à l'abandon de celui qu'elle avait implanté au milieu du Sahara. La Guyane s'est vite imposée grâce à des critères essentiels : la proximité de l'équateur qui permet de profiter de la vitesse initiale maximale due à la rotation de la terre et ainsi d'économiser le carburant, une zone géographiquement stable, sans séisme et sans cyclone, et également politiquement stable. Le site s'étend sur une surface équivalente à celle de la Martinique !

Nous visiterons en bus les trois pas de tir actuellement en service ; Arianespace a en effet diversifié son offre de lancement en fonction des poids des charges à satelliser afin d'optimiser les coûts et être plus compétitif.

Le premier concerne le nouveau lanceur Vega, en cours de qualification ; c'est le plus petit des lanceurs, destiné aux charges n'excédant pas 1,5 tonne.

Puis un accord a été passé avec les russes pour utiliser les fusées Soyouz, déjà anciennes mais très fiables, pour une gamme de charge allant de 3 à 5 tonnes.

Enfin, la fusée Ariane V qui a succédé aux modèles précédents et qui permet d'emporter des charges jusqu'à 20 tonnes. Nous étions à J-11 d'un lancement d'Ariane V, aussi n'avons-nous pas eu la possibilité d'approcher son pas de tir autant que nous l'aurions souhaité.

Le choix du lanceur est donc fonction de la charge à satelliser, sachant qu'il est possible d'emmener plusieurs satellites de clients différents qui partagent alors les coûts du lancement.

On estime aujourd'hui qu'Ariane Espace possède une part de marché des lancements de satellites civils de 50% ; ses concurrents sont américains, russes et chinois.

Chaque pas de tir comprend un hall d'assemblage de la fusée, immense bâtiment vertical avec sa porte permettant de sortir la fusée sur un chariot roulant sur une voie ferrée et tirée par un camion jusqu'au pas de tir ; seule la fusée Soyouz est assemblée à l'horizontale puis redressée à l'aide d'un portique adapté.

Sur le pas de tir proprement dit sont prévus les équipements de remplissage des réservoirs en carburant et comburant ; les remplissages sont effectués au dernier moment, quelques heures avant le lancement. Chaque pas de tir est entouré de quatre pylônes reliés entre eux par un maillage métallique afin de faire cage de Faraday et protéger ainsi la fusée de la foudre en cas d'orage.

En partie basse, on peut voir les énormes déflecteurs en béton destinés à l'échappement des gaz chauds des moteurs lors de leur allumage ; un système de refroidissement par pulvérisation d'eau est prévu par simple gravitation de l'eau contenue dans un château d'eau.

Les carburants et comburants sont fabriqués sur place, non loin des pas de tirs ; les sociétés Air Liquide et SNPE et leurs filiales sont donc présentes et opérationnelles sur le site. Pour la fusée Ariane, les deux boosters situés de part et d'autre sont chargés de propergol sous forme de poudre solide, alors que ses deux moteurs principaux (2ème et 3ème étages) sont alimentés en hydrogène et oxygène liquides. On imagine les précautions et les normes de sécurité en vigueur !

Au niveau des contrôles, il y a à proximité des pas de tir, à environ deux kilomètres, un bâtiment blindé où se situe un premier centre de contrôle concernant tous les paramètres techniques de la fusée. Comme on le voit à la télévision, il y a des rangées de pupitres de contrôles et d'ordinateurs devant lesquels s'activent les ingénieurs et techniciens. Ce centre est relié à la salle Jupiter, située près de l'entrée du site, où se trouve le centre de contrôle superviseur reprenant les données du précédent et intégrant d'autres données comme par exemple les données météo. C'est de ce centre que l'ordre du tir ou son report est donné. La responsabilité repose finalement sur les épaules d'un seul homme…C'est aussi dans ce bâtiment que sont regroupés les VIP et les clients d'Arianespace qui lui ont confié la mise en orbite de leur satellite.

Il faut enfin savoir que la fusée Ariane est complètement autonome une fois le programme de vol chargé sur l'ordinateur de bord ; par conséquent, il n'est plus possible de modifier sa trajectoire du centre de contrôle après la mise à feu. La seule action possible est la destruction de la fusée en vol en cas de problème.

Cette visite, parfaitement organisée et rodée, a une durée de 4 heures. Deux cars étaient remplis de visiteurs soit près de 100 personnes et les visites ont lieu tous les jours ouvrés. Elle est réellement passionnante et nous avons été surpris de la facilité d'accès à la plupart des endroits stratégiques malgré des contrôles de sécurité de principe. Pour le captain qui avait visité en 1971 Cap Canaveral et les installations de lancement des fusées Saturne V, celles qui allaient sur la lune, cette visite avait un double intérêt ; mais les installations de Kourou n'avaient pas la même ampleur que celle de Floride, taille du lanceur oblige !

Dernière précision : si vous avez besoin de satelliser quelque chose, une belle mère par exemple, il vous en coûtera entre 10 000 et 15 000 dollars le kilo…

L'après-midi nous visiterons le musée de l'espace installé sur place, retraçant l'histoire de la conquête spatiale et montrant de nombreuses maquettes et des vidéos.

La fin du séjour

Le lendemain, il pleut ; jusqu'à présent, il avait plu tous les jours mais nous avions eu la chance que les périodes de pluies se concentrent la nuit et en début de matinée.

Cela ne tombait finalement pas si mal, puisque c'était le jour où Jean-Marie faisait sa valise pour reprendre l'avion en fin d'après-midi à destination d'Orly. Voilà qui lui laisserait peut-être moins de regrets de quitter le bord. Et puis retrouver Françoise, enfin remise de ses émotions, et pouvoir retrouver un rythme de vie plus calme lui permettant de récupérer, ce n'était sans doute pas non plus pour lui déplaire. N'empêche, après de si longs moments passés ensemble, les départs sont toujours émouvants !

Le lendemain sera consacré à la préparation des plats pour la traversée vers la Martinique, à faire une lessive et à commencer la rédaction de la mise à jour du site.

Le 7 mai, veille du départ, nous rendîmes la voiture de location, prîmes les derniers fichiers météo, déjeunâmes au restaurant "Les Palmistes" avant de rentrer au bateau.

C'est à 8h du matin le 8 mai que nous lèverons le mouillage de Dégrad des Cannes pour profiter du fort courant sortant de la rivière, sous une pluie battante. Cette région équatoriale est décidément bien humide et nous étions finalement heureux de nous dire que cinq jours plus tard, nous allions retrouver les Caraïbes et la Martinique. Mais cette escale guyanaise nous avait finalement agréablement surpris et c'est presque à regret que nous vîmes assez vite la côte d'Amérique du Sud s'éloigner.

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