OLYMPE AUTOUR DU MONDE

  

ANTILLES

Un peu de géographie

Les îles dites des Petites Antilles forment un arc de cercle le long d'une fracture terrestre entre deux plaques tectoniques, séparant l'océan atlantique tumultueux de la mer des Caraïbes plus calme et aux couleurs plus chatoyantes.

La plupart des îles sont montagneuses et d'origine volcanique, la plupart des volcans des îles du sud étant encore soit en activité, soit en sommeil léger. Les côtes atlantiques, soumises aux alizés, sont généralement plus plates et protégées par des massifs coralliens formant des barrières à la houle.

On peut constater des contrastes importants d'une île à l'autre, certaines, généralement aux reliefs importants, étant d'une végétation extrêmement luxuriante, d'autres, aux reliefs plus plats, pouvant être très arides.

Le climat est de type tropical chaud et humide, rendant la chaleur moins supportable qu'au Cap Vert par exemple. Au distingue essentiellement deux saisons : la saison sèche qui s'étend du mois de décembre au mois de mai, et la saison humide, également appelé hivernage, qui est la saison des pluies et des cyclones, s'étalant de juin à novembre. Les températures sont assez constantes, la moyenne annuelle étant de 25°C avec des pointes de 28° à 30°. Seules les pluies peuvent être très variables en fonction des reliefs, allant de 1 250 mm par an dans les îles basses à 9 000 mm au sommet des volcans!

Mais le caractère spécifique du climat, ce sont bien sûr les cyclones sévissant d'août à octobre, avec une violence maximale en septembre, les vents pouvant atteindre 300 km/h accompagnés de pluies diluviennes.

Un peu d'histoire

Quelques siècles avant notre ère, l'arc antillais était peuplé par les Arawaks, peuplades venues de l'Amérique du Sud et qui avait "colonisé" les îles progressivement à partir de celles situées le plus au sud. Au 12ème siècle, ces amérindiens, de mœurs pacifiques, furent envahis et partiellement exterminés (surtout les hommes) par des tribus également originaires d'Amérique du Sud, mais guerrières et même cannibales : les Caraïbes. La situation fut stable jusqu'à l'arrivée d'un certain Christophe Colomb qui, pensant découvrir les Indes Occidentales, découvrit les Petites et Grandes Antilles lors de ses quatre voyages.

Ce fut alors le début de la colonisation espagnole, puisque C. Colomb agissait alors pour le compte d'isabelle de Castille et de Jean Aragon. L'or étant le moteur de leurs ambitions, ils s'installèrent essentiellement sur les grandes îles du nord, ignorant pratiquement les Petites Antilles d'aujourd'hui dépourvues du précieux métal; ceci permit plus tard au 16ème siècle aux Français, Anglais et Hollandais de s'y implanter et d'intercepter les navires espagnols chargés de leurs précieuses cargaisons! Ce fut l'époque bénie des corsaires, travaillant pour leur roi, et des pirates travaillant pour leur propre compte. A cette époque, il faut souligner l'alliance de circonstance des Français et Anglais contre l'armada espagnole : cela n'allait pas durer car, une fois cette dernière décimée, ces deux nations rivales allaient se disputer sans cesse la possession des îles; c'était le début des colonisations avec l'introduction des cultures connues aujourd'hui, dont la canne à sucre qui devînt vite le nouvel or de ces territoires.

Les espagnols ayant décimé les populations locales, il fallut remédier au manque de main d'œuvre : ce fut le début de l'esclavage avec la traite des noirs venus d'Afrique qui conditionna l'origine ethnique de la population d'aujourd'hui.

De la fin du 17ème siècle jusqu'en 1814, les combats entre français et anglais furent incessants, les îles passant alternativement des uns aux autres : c'est ainsi que Sainte-Lucie changea quatorze fois de main! C'est le traité de Paris de 1814 qui répartit définitivement les îles, les anglais ayant été plus fins négociateurs que les français qui récupérèrent la Martinique en échange du…Canada!

Restait à régler le problème honteux de l'esclavage; la royauté anglaise fut plus prompte que la nation dite des Droits de l'Homme, puisque c'est en 1833 que l'Angleterre décréta "l'Emancipation Act", alors qu'il fallut attendre 1848 pour que les français décrètent l'abolition sous l'impulsion du député Victor Schœlcher, et 1863 pour que les hollandais fassent de même. Faire la Révolution et couper la tête de son roi ne garantit donc pas, malgré ce que veulent bien nous conter les historiens, l'efficacité en terme de Droits de l'Homme!

Aujourd'hui, une fois encore, les anglais ont fait preuve de plus de réalisme politico-économique en accordant l'indépendance à la plupart de leurs îles dans les années 1960 à 1980, las qu'ils étaient de maintenir le fragile équilibre économique de ces poussières de leur ex-empire colonial. Malheureusement pour ces dernières, elles ont sombré dans une pauvreté que la richesse et le niveau de vie de leurs voisines françaises rendent encore plus insupportable! Voilà de quoi relativiser les problèmes actuels des Antilles Françaises dont les revendications permanentes passent pour leurs voisines pour des caprices d'enfants gâtés…

ANTILLES DU SUD

MARTINIQUE

C'est le vendredi 19 décembre 2008 que nous touchons terre pour la première fois aux Antilles, sur l'île française de la Martinique; pour notre accostage, nous avions choisi Le Marin, petite commune de la côte sud située au fond d'une baie profonde appelée Le Cul de Sac du Marin! Ce site est en fait devenu au fil des dernières décennies la plus grande base nautique de l'arc antillais, avec un niveau de service excellent. Cela tombe bien, car avec nos différentes avaries de la traversée, il y a du pain sur la planche.

Ainsi, après les premières heures de retrouvailles avec Françoise, nous nous occuperons de trouver les professionnels susceptibles de mener à bien les différents travaux : Réparation du gennaker, réparation de l'enrouleur de génois, réparation du pilote automatique et enfin, réparation de l'anémomètre, lequel avait déjà donné des signes de faiblesse lors de la traversée Canaries-Cap Vert et qui avait définitivement décidé d'arrêter de fonctionner pendant notre transat. Ce dernier point nous semblant tout à fait mineur, nous ne l'avons même pas signalé dans notre compte rendu de la traversée, et c'est en fait le point qui nous causera le plus de soucis en terme de réparation.

Nous n'aurons qu'à nous féliciter de la rapidité de réaction et de la compétence des intervenants : Diginav, pour le pilote et l'anémomètre, Caraïbes Gréements pour l'enrouleur et Voiles Incidences pour le gennaker.

Le lendemain de notre arrivée fut en partie consacré à une baignade sur le site du Club Méditerranée situé sur la rive est du Cul de Sac du Marin; quel plaisir de trouver une eau à environ 26°C, quand on sait surtout le froid qui règne alors en métropole!

Le lundi fut consacré à l'avitaillement et à la recherche d'une voiture de location pour la visite de l'île. Maryse ayant souhaité reprendre un volant qu'elle n'avait plus touché depuis notre départ de Saint-Malo, c'est elle qui sera notre chauffeur durant les trois jours suivants.

Mais avant de rentrer dans le détail de nos visites, un rapide point sur nos premières impressions. Bien sûr, il faut toujours s'en méfier, mais elles étaient tellement fortes à plusieurs points de vue que nous ne pouvons les passer sous silence.

Tout d'abord sur l'aspect météo : beaucoup de vent, de la pluie tous les jours sous forme de grains violents mais courts il est vrai; nous pensions être en saison sèche, mais de l'aveu de tous les martiniquais rencontrés, ce temps était tout à fait inhabituel, voire même exceptionnel en cette saison; c'était bien notre chance d'être tombé dans une exception.

Sur le paysage ensuite; certes, il est très verdoyant (avec la pluie que l'on constatait, il pouvait l'être en effet), mais nous n'y trouvions rien d'exceptionnel. Etait-on devenus difficiles ou blasés après ce que nous avions découvert jusqu'alors, ou bien le meilleur serait-il à venir lors de nos visites détaillées de l'île ou enfin, la réputation de la Martinique en particulier ou des Antilles en général était-elle surfaite? Bref, nous étions déçus par ces premiers jours, sans compter l'accueil parfois limite d'une partie, heureusement minoritaire, de la population : certaines salariées de commerçants en particulier devraient faire attention de ne pas faire fuir les clients en les maltraitant. Question dont la réponse (que nous ne connaissons pas) pourrait expliquer ces premières impressions : pour quelles raisons tous les tour-operators américains ont-ils supprimé la Martinique de leurs escales de paquebots de croisière? Voilà une manne financière qui s'est évanouie et qu'il faudra bien compenser d'une manière ou d'une autre.

Fin de la parenthèse et revenons à nos visites. Le premier jour fut consacré au sud et sud-ouest de l'île; quittant Le Marin par la route côtière, nous nous arrêtons à Sainte-Luce où notre ami Jean avait réservé le restaurant du réveillon prochain; celui-ci allait nous donner le plaisir de revoir nos amis bretons Michèle, Jean, Francette et Alain qui devaient nous rejoindre pour l'occasion. Le temps de repérer les lieux et d'en prendre une photo que nous enverrons à Michèle et Jean et nous voilà repartis vers la commune du Diamant où nous nous promènerons sur la jolie plage bordée de palmiers avec vue directe sur le rocher dit…du Diamant, émergeant de la mer à une altitude de 175 mètres.

Ce dernier a une histoire; pendant l'une de nos nombreuses chamailleries avec nos ennemis anglais préférés lors des guerres napoléoniennes, celui-ci avait été investi par la Marine de Sa Grâcieuse Majesté; des canons y avaient été hissés à son sommet, représentant une prouesse en soi, mais que ne ferait-on pas pour ennuyer ces frenchies, afin de canarder la baie de Fort de France. Quelle est la part de vérité historique ou de légende, nous n'aurions pu en venir à bout qu'en laissant s'échouer sur le rocher des tonneaux de rhum et en profitant de l'ébriété des soldats anglais! Aujourd'hui encore, ce rocher est considéré par la Marine anglaise comme vaisseau de guerre insubmersible de Sa Grâcieuse Majesté et elle continue à le saluer...

En continuant la route raide et sinueuse, on passe la pointe du Diamant avec bien sûr l'arrêt au point de vue sur le rocher, puis on arrive sur la commune des Anses d'Arlet, petit village de pêcheurs. Elle est essentiellement connue pour ses deux mouillages des petite et grande Anses, chacune bordée d'une plage de sable noir.

Un peu plus loin, après une courte marche à pied le temps de prendre une bonne averse, on arrive à une curiosité naturelle : deux petites anses séparées par un promontoire rocheux, l'une étant bordée de sable blanc, l'anse Dufour, l'autre de sable noir volcanique, l'anse Noire; cette dernière, bordée de cocotiers et de végétation luxuriante, a beaucoup de charme.

Nous laisserons sur notre gauche l'anse Mitan et la pointe du Bout où nous reviendrons mouiller plus tard pour accueillir nos amis bretons dont l'hôtel se situe en bordure, pour gagner directement la commune des Trois Îlets où nous déjeunerons d'un repas créole. C'est dans l'église de ce village que fut baptisée la future impératrice Joséphine.

En repartant en direction de Rivière Salée, nous nous sommes arrêtés à la maison de la canne, musée retraçant de manière très intéressante l'histoire de la canne à sucre, les process de production du rhum et des produits dérivés et aussi la vie et le dur labeur des esclaves en charge de toutes les étapes de production, de la culture de la canne aux produits finis.

En fin d'après-midi, nous arrivâmes à Fort de France où nous retrouvions depuis longtemps les "charmes" des grandes agglomérations, bruit, poussière et circulation difficile. Malheureusement, le centre ville, très encombré en cette avant-veille de Noël, commençait à fermer boutiques et les principaux monuments, cathédrale, bibliothèque étaient fermés. Nous décidâmes alors avec Maryse que nous y reviendrions après notre virée dans les Grenadines avec Françoise et Jean-Marie.

Après quelques dernières courses d'avant Noël dans le centre commercial du Lamentin, nous rentrâmes au Marin pour retrouver le calme d'Olympe.

Le lendemain après-midi, 24 décembre, nous partîmes explorer la péninsule sud-est de l'île en nous limitant à la jolie commune de Sainte Anne et de sa belle église, en déambulant sur sa place ombragée et le long du petit port de pêche, puis à la grande Anse des Salines, très jolie plage toutefois moins abritée de la houle que celle de Sainte Anne; nous nous y baignerons en y prenant toujours beaucoup de plaisir.

L'église de Sainte Anne, comme toutes celles que nous verrons sur l'île, a la particularité d'être très ouverte sur l'extérieur avec des fenêtres donnant une belle luminosité. Les voûtes sont entièrement réalisées en bois, un peu à la tradition des charpentiers de marine comme on peut par exemple le voir également en France à Honfleur.

Le soir, nous assistâmes à la messe de Noël, non à l'église du Marin en travaux, mais dans un bâtiment communal; Nous ne fûmes pas déçus du spectacle des martiniquaises habillées de leurs plus beaux atours, souvent de couleur blanche; par contre, nous nous attendions à une ambiance plus chaleureuse, voir même endiablée avec des chants gais et rythmés : au lieu de cela, ce fut une messe assez triste agrémentée de chants languissants, voire soporifiques! De retour au bateau, nous fêtâmes Noël avec Françoise et Jean-Marie : Maryse avait préparé un repas grandement amélioré comme elle en a le secret.

La troisième journée, jour de Noël, fut beaucoup plus chargée pour monter jusqu'à la latitude du Mont Pelé et redescendre par la côte est. Nous prîmes la voie rapide pour atteindre et traverser Fort de France en direction du nord et longer dans un premier temps la côte ouest. On traverse alors la ville de Schœlcher, banlieue nord de Fort de France, du nom du député qui obtint l'abolition de l'esclavage en 1848. Puis on arrive à Case Pilote, du nom d'un chef caraïbe pacifique, qui possède l'église la plus ancienne de Martinique. En continuant de longer la côte en direction de Saint-Pierre, on passe le village de Bellefontaine dont le principal mérite est de posséder une jolie plage et on arrive au Carbet, connu grâce à Paul Gauguin qui y fit un séjour en 1887; un petit musée ne comportant que des reproductions de peintures de l'artiste y est implanté.

C'est sur cette commune que nous visitâmes l'Habitation Anse Latouche, sans doute l'une des habitations les plus anciennes de l'île; située au fond d'une vallée et alimentée par un cours d'eau, elle comporta d'importantes installations agro-industrielles qui, pendant deux siècles et demi, permirent de produire du sucre, du tabac, de l'indigo, du rhum, du cacao et de la farine de manioc. Elle comportait successivement :

  • La maison de maître de style colonial,
  • Un bassin ornemental,
  • La rue Case Nègres, quartier des esclaves,
  • L'indigoterie avec ses trois bassins successifs : le premier, le trempoir, servait à la fermentation des feuilles et des écorces de la plante indigo; le second appelé batterie, servait à récupérer les eaux du premier après fermentation. Le dernier, enfin, nommé diablotin ou reposoir, permettait la récupération de la fécule bleue.
  • La manioquerie où l'on fabriquait une farine blanche et fine à partir des tubercules de manioc,
  • Les mécanismes de moulin à eau pour la fabrication du sucre à partir de la canne, et la distillerie et sa machine à vapeur avec sa haute cheminée de type industriel,
  • La coulisse à canne, sorte de toboggan permettant de faire glisser les cannes des hauteurs où elles étaient cultivées jusqu'au moulin,
  • La digue et l'aqueduc assurant la retenue d'eau nécessaire au fonctionnement de la sucrerie et à la vie de l'habitation.

Cette dernière fut détruite en 1902 lors de l'éruption de la montagne Pelée et ses ruines se trouvent aujourd'hui aménagées et mises en valeur dans un magnifique parc verdoyant aux multiples essences, parfaitement entretenu.

Nous reprîmes ensuite la route pour atteindre Saint-Pierre, l'ancienne capitale de l'île, entièrement anéantie par l'éruption de la montagne Pelée en 1902; la totalité de la population, soit environ 30 000 habitants, périt dans cette catastrophe à l'exception d'un survivant; mais nous y reviendrons pour une deuxième visite plus détaillée, car le programme de la journée ne nous permettait pas d'y rester longtemps. Il est vrai en outre que la traversée en voiture de cette ville n'est pas enthousiasmante et ne donne guère envie d'y faire halte.

A la sortie de la ville, nous prîmes la direction du centre de l'île, par la route dite de la Trace, vers Le Morne Rouge, commune située au pied de la montagne Pelée d'où part la petite route serpentant jusqu'à 824 mètres d'altitude, point de départ des randonnées à pied pour atteindre le sommet à quelque 1395 mètres. Malheureusement, le temps n'était pas au beau fixe et le sommet de la montagne était noyé dans les nuages, nous dissuadant de toute tentative d'escalade.

C'est en redescendant vers la côte est de l'île, par Ajoupa-Bouillon, que nous découvrîmes sans doute la partie la plus luxuriante de l'île, avec des forêts semblant difficilement pénétrables et des fougères arborescentes gigantesques. La région est riche en légumes et en plantes potagères.

C'est à la commune du Lorrain que nous arrivâmes en bordure de l'océan sur la côte nord-est de l'île; cette côte n'offre d'ailleurs que peu d'intérêt jusqu'à Sainte-Marie, bourg de 20 000 habitants essentiellement centré sur la culture de la canne à sucre; la commune possède en outre une immense église peinte en bleu et blanc, dont le toit est actuellement en restauration après sans doute le passage d'un cyclone.

Quelques kilomètres au sud de Sainte-Marie, nous arrivâmes à La Trinité, sous-préfecture du nord de la Martinique située à l'emmanchure de la vaste presqu'île de la Caravelle constituée d'un ancien volcan rattaché à l'île par une étroite bande de terre; le paysage et le relief de cette presqu'île sont très contrastés : la partie ouest est plutôt plate, alors que l'extrémité est est constituée de falaises exposées aux assauts de l'océan sur sa côte nord, alors que la côte sud, tout aussi escarpée, est constituée d'anses et de baies abritées du vent et de la houle grâce à de nombreux reefs, récifs de corail situés au large de la côte. Quelques îlots parsèment la baie du Galion et la baie du Trésor non sans rappeler en moins vaste des images de la Bay of Islands du nord de la Nouvelle Zélande. Le captain fut très séduit par ces paysages emprunts de beauté et de mystères. Dominant la baie du Trésor, les ruines du château Dubuc semblent surveiller encore ce panorama et la mangrove située en contrebas. Nous profiterons de cet arrêt pour un bon bain de mer sous la pluie au nord de la péninsule, sur la plage de sable ocre de Tartane, hameau de pêcheurs.

L'heure étant déjà bien avancée, il fallut reprendre la route par les communes Le Robert, Le François et Le Vauclin, sans grand intérêt touristique mis à part les nombreuses baies et Cul de Sac bordés de jolies résidences secondaires et protégés par de nombreuses barrières de corail. C'est à la nuit tombante que nous regagnâmes Olympe, sagement amarré à son ponton du Marin.

Après remise en état complète du bateau le vendredi, nous partîmes de la marina en annexe nous baigner à la plage de Sainte-Anne à environ trois milles; c'est là que l'on ne regretta pas le choix d'une annexe à fond rigide avec un moteur assez puissant pour revenir contre un fort vent de face soulevant un clapot assez brutal.

Le dimanche 28 décembre, nous larguions les amarres pour aller mouiller l'après-midi dans la grande anse d'Arlet où nous passâmes la nuit. Nous pûmes ainsi revoir la côte que nous avions parcourue en voiture, mais côté mer. Nous rasâmes ainsi le rocher du Diamant avec ses excavations naturelles impressionnantes. Ce mouillage doit être le rendez-vous du week-end des martiniquais possédant un bateau : il était en effet bondé avec une bonne partie de bateaux à moteur dont les occupants étaient aussi bruyants que leur machine! Il faut aussi noter que la protection du mouillage, bien que sous le vent de la côte, est toute théorique, le vent s'engouffrant dans une échancrure du relief pour nous offrir un effet Venturi bien connu des aérodynamiciens.

Le lendemain 29 nous gagnâmes l'anse Mitan sur la côte sud de la baie de Fort de France; à peine étions-nous arrivés qu'une femme et son fils à bord d'un kayak de mer  attirèrent notre attention : avec le vent, ils n'arrivaient plus à revenir à la côte, et le garçon, pâle à l'extrême, semblait épuisé. Après les avoir réconfortés à bord d'Olympe, c'est avec l'annexe que nous les ramenâmes au ponton de leur hôtel où le loueur du kayak n'attendait plus qu'eux pour fermer boutique et le mari, qui ne s'était rendu compte de rien, sirotait son verre au bar de l'hôtel. Ainsi se terminait le premier sauvetage effectué par Olympe!

Le soir, nous accueillîmes à bord Francette, Michèle, Alain et Jean arrivés de France en milieu d'après-midi et descendu dans un hôtel en bordure de l'anse; la joie des retrouvailles fut accompagnée d'un apéritif dînatoire créole à bord d'Olympe après un transfert par annexe du ponton des navettes de Fort de France.

Le 30, nous retournâmes au Marin, puis le 31 matin, nous retrouvâmes l'équipe des bretons venus au Marin en voiture pour partir avec eux sur la plage Sainte-Anne déguster un ty punch mémorable dans l'eau, immortalisé par une photo qui a presque fait le tour du monde! Le soir, nous nous sommes retrouvés à Sainte Luce pour le dîner du réveillon; mais c'est avec étonnement que nous avons constaté l'absence d'ambiance sur l'île, tout comme nous nous étions étonnés de ne pas constater de préparatifs particuliers (ambiance, décoration des rues et des vitrines de magasins) pour les fêtes de Noël : encore une idée reçue, les Antillais n'aimeraient-ils pas faire la fête?

Le premier janvier, nous nous étions donné rendez-vous à l'anse Caravelle avec l'équipe bretonne que nous retrouvions le lendemain pour un déjeuner dans une paillote de la plage de Sainte-Anne et un dîner sur Olympe.

Le 3 janvier, pendant que ces messieurs partaient en mer pour la journée jusqu'aux Anses d'Arlet, ces dames partaient faire du shoping à la Pointe du Bout. Le soir était venu le temps des au revoir, Olympe reprenant la mer le lendemain, direction les Grenadines, via Sainte-Lucie et Saint-Vincent, objet des comptes-rendus suivants.

Cette escapade maritime dura dix jours, et c'est le 13 janvier que nous revînmes au Marin, Françoise et Jean-Marie devant reprendre l'avion le 15. C'est bien sûr avec beaucoup d'émotion que nous vîmes nos amis partir vers le froid après tant de bons moments passés ensemble.

C'est vrai que les premières heures qui ont suivi leur départ, nous nous sommes sentis un peu seuls; mais cela ne dure qu'un temps et très vite nous avons retrouvé notre rythme habituel. Nous avons aussi retrouvé l'équipage de Ultreïa, Geneviève et François, avec lesquels nous avons dîné au "Zanzi Bar" et qui nous ont invité à prendre un pot à leur bord en compagnie de Colette et Gérard, et de Françoise et Fernando qui avaient traversé ensemble l'Atlantique plus tardivement que nous. Nous passâmes une très bonne soirée au cours de laquelle nous fêtâmes l'anniversaire de Colette.

Les 19 et 20 janvier furent consacrés à la rédaction du site et au repos; le 21, nous récupérions notre grand-voile déchirée lors du retour des Grenadines : nous étions prêts pour repartir avec Olympe vers le nord de l'arc antillais avec deux dernières étapes en Martinique. C'est ainsi que le 22, nous quittions définitivement Le Marin pour gagner la baie de Fort de France où nous mouillâmes deux nuits.

En repassant devant les anses d'Arlet, nous vîmes un superbe voilier de cinq mâts au mouillage dont Gérard nous enverra les caractéristiques de Fréhel : il s'agit d'un clipper s'appelant "ROYAL CLIPPER", copie du PREUSSEN, lancé au début du 20ème siècle; construit en acier en 1999, il a une longueur de 134 m, un maître bau de 16,50m, un tirant d'eau de 6,40m pour un déplacement total de 5 061 tonnes, et 5 200m2 de voilure répartie en 42 voiles. Il peut emporter 208 passagers avec une centaine d'hommes d'équipage : c'est aujourd'hui le plus grand voilier de croisière du monde.

Le 23, nous fîmes une nouvelle découverte de la ville de Fort de France qui nous parut bien plus accueillante que lors de notre premier passage. Nous pûmes ainsi visiter la cathédrale Saint-Louis, édifice érigé dans les années 1890 et conçue par l'architecte parisien Henri Picq pour résister aux séismes et aux cyclones; il faut savoir en effet que cette construction est la sixième, les cinq précédentes ayant été anéanties par différents cataclysmes: incendies, tremblements de terre et cyclones.

De style néo-byzantin, la conception est tout à fait originale, avec une ossature métallique alliant résistance et souplesse. Si l'extérieur n'attire pas l'attention, l'intérieur accroche le regard et donne une grande impression de sérénité. Le métal a été utilisé non seulement pour la structure, mais aussi pour les frises décoratives du plus bel effet. L'impression de volume y est beaucoup plus importante que ne le laisse supposer l'extérieur.

Puis nous visitâmes la bibliothèque Schœlcher, conçue par le même architecte selon les mêmes principes et réalisée par les ateliers Eiffel dans le cadre de l'exposition universelle de Paris de 1889; elle fut entièrement démontée pour être reconstruite à Fort de France. Elle a été depuis agrandie par une aile réalisée en béton sans âme, mais le bâtiment d'origine, surmonté d'une coupole byzantine, est d'une grande harmonie.

L'ancien palais de justice a été transformé en centre associatif où les Foyalais peuvent s'adonner à toute sorte d'activités, de la peinture à la musique, en passant par la danse ou le chant. Dans le square attenant, on retrouve une statue de Victor Schœlcher.

Nous sommes ensuite passés devant l'ancien hôtel de ville, devenu le théâtre municipal, dans un jardin coquet avec ses fontaines originales explosant en sphères aquatiques entourées d'arbres du voyageur. La préfecture est installée dans un bâtiment de style colonial également remarquable.

Nous terminâmes la visite de la ville par les deux marchés, le marché aux poissons où Maryse achètera du thon qu'elle préparera le jour même en carpaccio (délicieux!), et le grand marché, le plus beau que nous ayons vu depuis notre départ, avec une incroyable palette de couleurs et des senteurs d'épices à faire frémir les odorats les moins performants!

Le lendemain matin, nous levions l'ancre pour partir en direction de la baie de Saint-Pierre; à peine avions-nous mis en route que nous entendîmes de grands cris appelant "Olympe"; c'étaient Monique et Jean-Claude dans leur annexe, arrivés la veille et qui nous avaient aperçus de loin. Ils étaient avec des amis qu'ils devaient raccompagner au Marin avant de partir comme nous vers la Dominique et la Guadeloupe. Nous étions très heureux de retrouver nos amis randonneurs de Santo Antao au Cap Vert, et nous leur promîmes de les attendre à Portsmouth au nord de la Dominique.

En début d'après-midi, nous mouillâmes devant la ville de Saint-Pierre, au niveau de sa cathédrale. Cette ville fut le premier foyer de colonisation par Belain d'Esnambuc qui y débarqua au nom du roi de France en 1635. Elle devint vite une capitale économique et culturelle, dénommée "le petit Paris des Antilles". A la fin du 19ème siècle, diverses épidémies décimèrent une grande partie de la population, mais c'est le 8 mai 1902 que la terrible catastrophe se produisit avec l'éruption de la Montagne Pelée qui décima la quasi-totalité de la population, et cela malgré les signes précurseurs déjà donnés par la montagne : tremblements de terre, grondements, forte explosion et pluie de cendres. En quelques deux minutes, la ville fut rasée et on dénombra 30 000 victimes et un seul survivant, dénommé Cyparis, qui ne dut pas regretter son penchant pour le rhum : il fut arrêté la veille en état d'ébriété et enfermé dans un cachot dont les murs épais furent son salut.

Nous partîmes à pied découvrir les stigmates encore présentes de cette catastrophes : les ruines de l'ancien théâtre qui avait été construit sur le modèle de celui de Bordeaux, et bien sûr, en contre bas, celles de la prison et du fameux cachot. La ville fut partiellement reconstruite le long de deux rues parallèles au front de mer, étroites et à sens unique. La cathédrale fut également rebâtie à partir de l'ancienne façade épargnée par l'irruption.

Le lendemain, dimanche, nous avions décidé de faire une randonnée pédestre, car nous commencions à avoir des fourmis dans les jambes. La patronne du restaurant où nous avions dîné le premier soir nous conseilla de descendre le canal de Beauregard, dit "canal des esclaves", car construit par ces derniers pour alimenter des installations agricoles dont l'Habitation Anse la Touche déjà visitée. Pour ce faire, elle nous conseilla de prendre un taxi pour nous faire conduire au village de Fonds-St-Denis situé à quelques huit kilomètres de Saint-Pierre, sur les hauteurs, et point de départ de la randonnée. 

Seulement voilà, le dimanche à Saint-Pierre, point de taxi! Prenant alors notre courage à deux jambes, nous entamons la montée par la route départementale n°1 en faisant du stop à tout hasard; celui-ci fera bien les choses, un agriculteur de la commune s'arrêtant presque immédiatement pour nous avancer de trois kilomètres vers notre destination. Puis, cinq kilomètres et quelques ondées plus tard, nous arrivâmes dans le charmant village fleuri de Fonds-St-Denis. Ce dernier contrastait avec tout ceux que nous avions pu voir au cours des visites précédentes : propre, coquet, parfaitement entretenu tant au niveau de la voie et des équipements publics que des habitations, nous sommes tombés sous le charme. La grande église aussi nette que le reste du village domine ce dernier du haut de son promontoire; c'était l'heure de la messe et elle était comble.

Deux cents mètres plus loin, un chemin sur la droite descendait en pente raide vers le début de la randonnée encore située à 1500 mètres; celle-ci consiste en fait à suivre sur quatre kilomètres le canal qui n'est rien d'autre qu'une levada, un peu plus grande en taille; la particularité, c'est le fait de marcher en permanence sur le muret extérieur en longeant de temps en temps des à pic et ravins. Des autochtones en train de réparer une voiture nous déconseillèrent d'effectuer le parcours rendu glissant par les dernières pluies, en insistant sur l'aspect vertigineux de certains passages. Vous commencez à connaître Maryse dont les ancêtres doivent avoir été à l'origine du principe de précaution : "c'est trop dangereux, on fait demi-tour et on rentre!". Le captain, quant à lui, pourtant sujet au vertige, voulait se rendre compte par lui-même en promettant à son second que si c'était vraiment trop dangereux, on ferait demi-tour et on rentrerait à Saint-Pierre par un autre chemin.

Nous continuâmes donc à avancer vers le début du canal, et rencontrâmes un vieux martiniquais, donc plein de sagesse, que Maryse interviewa sur la difficulté de la randonnée; il se mit à rire en disant que les conditions humides ne posaient pas problème, que ce n'était pas difficile sauf éventuellement pour les personnes sujettes au vertige! Maryse n'entendit bien entendu que ça, le captain n'entendit que le mot "éventuellement" et nous décidâmes de continuer et de juger sur pièces après avoir discuté un bon moment avec ce charmant monsieur qui nous offrit des clémentines cueillies spécialement pour nous. Quand il nous avoua son âge, 79 ans, nous n'en revenions pas tant il en paraissait beaucoup moins. Il avait un physique, pour ne pas dire une "gueule", qui aurait pu lui valoir un rôle dans un film retraçant l'histoire de l'esclavagisme.

Nous arrivâmes enfin au début du canal et commençâmes à le longer, sans trouver de difficultés lors des premiers hectomètres; il serpentait au sein d'une végétation luxuriante, offrant des paysages magnifiques avec toute la palette des verts que l'on puisse imaginer. Puis, le relief s'accentua et le captain commença à ressentir les premiers symptômes de vertige; seule solution, ne pas regarder le vide à gauche et se concentrer sur le muret et le canal où l'on choisirait plutôt de tomber si nécessaire! Puis, petit à petit, l'assurance vînt et au bout du premier kilomètre nous arrivions à marcher normalement à bonne allure.

Cette allure, toutefois, allait trouver un obstacle inattendu : un énorme bœuf couché en travers du chemin et qui n'avait manifestement aucune envie de bouger pour nous laisser passer; c'est donc avec d'infinies précautions que nous enjambâmes la bête qui resta imperturbable…

Nous mîmes environ une bonne heure et demie pour arriver au bout du canal et nous retrouver sur une petite route de campagne sur les hauteurs du Carbet. Nous traversâmes des champs de bananes qui s'étendaient à perte de vue, et c'est après cinq bonnes heures de marche que nous regagnâmes Saint-Pierre et notre annexe qui nous attendait pour nous ramener au bateau.

Puis, voulant quitter le territoire le lendemain, nous recherchâmes le bureau des douanes pour y accomplir les formalités d'usage; nous ne trouvâmes qu'un bâtiment désaffecté sur lequel est restée inscrite la mention "Douanes françaises"! En fait, ces dernières ont "sous-traité" le travail à un restaurant du bord de mer qui possède un terminal raccordé au serveur des douanes et qui a pouvoir pour signer et tamponner les documents…

Le lendemain, nous levâmes l'ancre, direction la Dominique.

SAINTE-LUCIE

C'est le 4 janvier 2009 que nous quittâmes provisoirement la Martinique pour descendre avec nos amis Françoise et Jean-Marie vers les îles Grenadines situées au sud de l'arc antillais; la première île située au sud de la Martinique est l'île de Sainte-Lucie, qui obtint son indépendance en février 1979.

Longue de 45 km, son principal revenu reste encore l'agriculture mais le tourisme prend une place de plus en plus importante grâce à des infrastructures hôtelières qui ont été développées ces dernières années.

Nous parcourûmes environ 25 milles depuis le Marin pour atteindre le nord de Sainte-Lucie; c'est donc en début d'après-midi que nous arrivâmes dans Rodney Bay au fond de laquelle est implantée une splendide marina dont les équipements ont été pensés pour de très grosses unités : manifestement, on y vise le très haut de gamme, comme en témoignaient les énormes yachts à moteurs amarrés à des pontons en béton flambant neufs.

En quelques instants, nous pûmes effectuer les formalités dans un bâtiment regroupant la capitainerie, les douanes et l'immigration, et pûmes louer un véhicule pour le lendemain, toujours dans le même bâtiment : l'efficacité est le maître mot des lieux!

Sur le ponton que l'on nous avait attribué, on ne comptait pas moins de six bateaux Amel, dont deux 54; décidément, cela devenait d'un commun!

Le soir, malgré les avertissements de la gardienne en chef de la marina entièrement sécurisée, nous partîmes à pied de nuit vers le centre du village le plus proche, Gros Islet; de nombreux noms de lieux ont ici gardé leur origine française. Et en effet, nous nous sommes sentis assez mal à l'aise de nous retrouver ainsi isolés dans des quartiers un peu glauques au sein d'une faune parfois un peu louche. Aussi, à peine arrivés au centre du village où il n'y avait d'ailleurs rien de particulier à voir, nous prîmes le premier bus rencontré pour rentrer à la marina : aventuriers courageux mais guère téméraires!

Le lendemain matin, nous partîmes en voiture descendre la côte ouest de l'île connue pour son relief escarpé, ses belles plages et sa végétation exubérante. Nous commençâmes cependant par Pigeon Island qui est en fait une presqu'île située en partie nord de Rodney Bay et bordée d'une jolie plage. C'est la partie très résidentielle de l'île, avec des propriétés de toute beauté, mais desservies par des routes entièrement défoncées. Sainte-Lucie n'échappe pas à la règle des contrées pauvres où se côtoient la plus grande misère avec des richesses insolentes : il n'y a pas d'intermédiaire, pas de classe moyenne.

Puis la route se dirige vers la capitale de l'île, Castries, fondée par les Français au 18ème siècle (elle porte le nom du ministre de la Marine de Louis XVI). Elle fut détruite à plusieurs reprises par des incendies, mais fut longtemps un des principaux ports des Antilles. Aujourd'hui, ce sont les paquebots de croisière qui déversent chaque jour leurs hordes de touristes majoritairement américains qui s'en vont faire leurs emplettes dans les quelques magasins de luxe à leur intention sous le regard ébahi des autochtones. Lors de notre passage, trois paquebots étaient à quai. On trouve encore par endroit quelques maisons de style colonial. Sinon, la ville est grouillante, poussiéreuse, la circulation y est impossible et nous aurons eu beaucoup de mal à nous en extraire.

En continuant vers le sud, nous arrivâmes à l'un des endroits très connu des plaisanciers pour la beauté de son mouillage : Marigot Bay. Laissant la voiture sur la route dominant la côte, nous descendîmes à pied jusqu'au niveau de la mangrove du fond de la baie à laquelle on accède par les installations un peu décrépites d'un restaurant. Il est vrai que le coin est charmant : avec une bande de sable surmontée de cocotiers qui ferme l'anse en partie, c'est un vrai paysage de carte postale et nous déciderons de nous y arrêter en bateau lors de notre descente vers le sud.

La route devient ensuite de plus en plus sinueuse et pentue, et toujours garnie de nids de poule invraisemblables; nous passâmes le village de La Raye, avec sa vieille rue bordée de cases de bois, puis de Canaries où les estomacs commencèrent à crier famine; c'est peu après, avant d'arriver à la Soufrière, que nous trouvâmes un restaurant vide qui voulut bien nous faire à manger sur sa terrasse offrant une superbe vue sur les deux pitons.

Ces deux pitons, dominant la ville de Soufrière et la baie du même nom, sont devenus l'emblème national de Sainte-Lucie; avec respectivement 750 m et 799 m d'altitude, ces deux "pains de sucre", constitués de lave solidifiée et couverts d'une intense végétation tropicale, encadrent une anse également très prisée des plaisanciers, quoiqu'un peu rouleur. Ce sera aussi un de nos arrêts maritimes.

Après le déjeuner, nous descendrons jusqu'au port de Soufrière dont la plupart des rues vous jette les images de pauvreté du lieu, avec ses maisons en bois délabrées. C'est ici que s'établirent les premiers colons français au 18ème siècle; l'économie était alors basée sur l'exportation du café et du cacao cultivés alentour.

Puis l'heure vint de faire demi-tour pour rentrer au bateau, après cependant quelques courses d'approvisionnement au "Super J" de Castries!

Le lendemain matin, nous larguerons les amarres de notre belle marina pour descendre cette fois en bateau la côte sous le vent de l'île.

A midi, nous mouillâmes à Marigot Bay pour déjeuner à bord après un bain de mer très agréable; le mouillage était assez encombré de bateaux de toute nationalité, et nous levâmes l'ancre pour aller mouiller pour la nuit dans l'anse des deux Pitons en compagnie de quelques voiliers et de deux superbes yachts avec équipage. Au fond de l'anse s'est implanté un hôtel de luxe, le "Jalousie Plantation", en bordure d'une charmante petite plage que nous aborderons en annexe pour nous baigner. Son architecture se marie heureusement avec l'environnement exceptionnel du site. Le spectacle du coucher de soleil fit encore notre émerveillement…

Le lendemain matin 7 janvier, nous quittâmes ce lieu enchanteur pour retourner mouiller devant le port de Soufrière faire les formalités de sortie de Sainte-Lucie avant de mettre le cap sur l'île suivante : Saint-Vincent, dont dépendent les îles Grenadines du nord.

SAINT-VINCENT

Cette île doit son nom au Saint du jour de sa découverte par Christophe Colomb en 1498. Les Anglais avaient réussi à en chasser les terribles Caraïbes, mais les Français les chassèrent à leur tour à la fin du 18ème siècle. Pourtant, le traité de Paris leur attribua à nouveau la possession de cette île qui garde néanmoins de nombreuses traces et noms de lieux du temps de l'occupation française.

Bien que l'intérieur de l'île mérite d'être visité pour l'exubérance de sa végétation et l'importance de son relief, peu de plaisanciers y font escale; à cela, deux raisons : la première est de nature géographique, la côte sous le vent n'offrant que très peu d'abris naturels; il faut descendre jusqu'au port de Kingstown au sud pour trouver une baie partiellement abritée, mais sans aucun équipement ni attrait pour la plaisance. La seconde est de nature sociologique avec des comités d'accueil parfois redoutables et une insécurité souvent signalée.

Arrivant en fin d'après-midi dans la baie de Kingstown et ne voyant aucun voilier mouillé près du port de commerce où nous pensions faire les formalités, nous décidons de continuer trois milles plus au sud et de gagner un mouillage sur bouées assez bien abrité entre Yung Island et la côte; nous y serons en compagnie d'une bonne dizaine d'autres bateaux.

Nous y passerons la nuit pour retourner le lendemain matin à Kingstown accoster à un quai coincé entre ferries et bateaux de commerce. Le captain partira effectuer les formalités douanières et d'immigration avec l'aide d'un autochtone qui, moyennant quelques East Caraïbe Dollars, l'emmènera dans sa voiture auprès des services concernés. Cela lui permettra de constater que ces derniers ne sont pas si éloignés du port et qu'il pourra y retourner à pied et seul pour les formalités de sortie!

La ville est grouillante d'animation et très contrastée : on y croise aussi bien de gros et luxueux véhicules 4x4 que des tas de rouille dont on se demande comment ils peuvent encore rouler; on y croise quelques habitants habillés à l'européenne, costard-cravate ou petit tailleur très chic allant à leur travail, mais aussi et beaucoup plus nombreux, les autres en jean et tee-shirt déchirés ou portant leur fardeau sur la tête à la façon des africaines. On y croise enfin les écoliers et étudiants, tous en tenue uniforme assez élégante dont la couleur doit dépendre du niveau de leur classe. Bien entendu, on passera à côté de l'inévitable marché aux fruits et légumes.

Sitôt les formalités accomplies, nous larguerons les amarres du quai très inconfortable, destination la première des îles Grenadines.

ÎLES GRENADINES

Le chapelet de petites îles situées entre Saint-Vincent au nord et Grenade au sud constitue ce que l'on appelle les îles Grenadines. La plupart dépend de Saint-Vincent, les principales étant Bequia, Moustique, Canouan, Mayreau, les Tobago Cays, Union, Palm Island et Petit St-Vincent, ainsi que quelques îlots secondaires; les autres, situées au sud de l'archipel, dépendent de l'île de Grenade : Petite Martinique et Carriacou.

Chacun de ces petits joyaux est de dimension très modeste, mais leur nombre et leur diversité permettent de tomber sous leur charme, même pour les plus blasés des navigateurs.

Compte tenu du temps qui nous était imparti pour pouvoir ramener Françoise et Jean-Marie avant le 15 janvier en Martinique, date de leur retour en France, nous avions prévu de ne descendre que jusqu'aux somptueuses Tobago Cays qui devaient nous donner un avant-goût des lagons polynésiens. Nous n'allions donc croiser que dans les eaux de Saint-Vincent, notre beau pavillon de courtoisie de Grenade serait à ranger aux oubliettes…

Partant pratiquement de l'extrémité sud de Saint-Vincent, il ne fallut que deux petites heures pour gagner l'île de Bequia (prononcer Békoué).

BEQUIA

Malgré ses 18 km2, l'île est la plus grande des dépendances de Saint-Vincent! La population est estimée à 6 000 habitants, issue d'un savant métissage entre souches africaines et anciens colons français et écossais.

La côte sous le vent ne comporte qu'un abri naturel de qualité et assez vaste : l'Admiralty Bay au fond de laquelle se situe la "capitale" Port Elysabeth. La zone de mouillage, dans une eau bleu turquoise, est étendue, ce qui permet à quantité de bateaux de venir y mouiller; le jour de notre arrivée, ils se comptaient par plusieurs dizaines de toute nationalité européenne ainsi que des USA et du Canada.

Le temps de mettre l'annexe à l'eau et nous partîmes dans le centre de la dite capitale, que l'on devrait plutôt appeler village, munis des poubelles du bord! Nous trimbalerons ces dernières un bon moment, le temps de trouver enfin les poubelles publiques situées à l'autre extrémité du village derrière le marché et qu'on aurait pu repérer de loin à l'odeur…

Nous sommes tombés sous le charme de cette petite ville très contrastée, avec ses nombreux restaurants de tout niveau le long de la plage située au sud et dans la rue principale, ses bâtiments à la fois délabrés, colorés et désuets, un cybercafé comme on ne l'aurait jamais imaginé dans un tel endroit et son marché aux fruits et légumes où nous marchanderons honteusement de quoi reconstituer une partie de la cambuse, mais sans grand succès. On se demandera au début pourquoi tous les vendeurs parlaient de Tennessee : en fait, pratiquement tous les fruits sont au même prix du kilo : "ten E.C." soit dix dollars East Caraïbe! Et ils étaient tous si pressants et si gentils que nous répartîmes nos achats équitablement entre eux, notamment auprès d'un véritable rasta se faisant appeler "Mister President".

Et puis, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir une bonne vieille "dedeuch", avec le volant à droite et peinte aux couleurs vives bleue, jaune et verte : elle était splendide et assez bien conservée.

La chaleur en cette fin d'après-midi était très forte; aussi nous nous pressâmes de rentrer à bord déposer nos achats pour aller nous baigner sur la petite plage bordant le fond de la baie au sud de Port Elysabeth. Vous aurez sans doute remarqué depuis un certain temps qu'il n'y a plus de récrimination concernant le moteur de l'annexe : après avoir enlevé l'huile excédentaire au Cap Vert, celui-ci fonctionne à merveille!

Nous passâmes la nuit au mouillage pour lever l'ancre le lendemain matin avec regrets.

CANOUAN


Une vingtaine de milles seulement seront nécessaires pour atteindre Canouan et sa Charlestown Bay du nom pompeux de son petit village. Nous dédaignerons la minuscule île Moustique, l'île des stars et grandes fortunes, située au vent de la route et où tout est fait pour dissuader les "indésirables"…

Ces 10 km2 de terre, culminant à 260 mètres d'altitude, abritent quelques 700 habitants. L'île a une forme de croissant, avec quelques collines à la végétation pauvre sans être aride. Les côtes sont bordées de belles plages de sable blond.

Nous ne mouillerons dans la baie que pour le déjeuner et une séance de natation autour du bateau dédiée à Maryse; comme beaucoup de personnes, elle nage en effet sans problème tant qu'elle a ou croit avoir pied, mais panique complètement dès qu'elle sait ou croit ne plus avoir pied! C'est incompréhensible pour le captain, cartésien à l'extrême, qui ne cesse depuis longtemps de la raisonner; mais voilà, c'est dans la tête que ça se passe et c'est complètement irrationnel.

Avec une infinie patience, Jean-Marie tentera et finira par réussir à lui faire lâcher l'échelle pour quelques brasses, entourée de tout l'équipage prêt à intervenir, puis c'est avec un immense soulagement qu'elle pourra à nouveau se cramponner à cet accessoire salvateur avant de remonter à bord, fière du progrès accompli. Pendant ce temps, le captain qui lui a offert palmes, masque et tuba, se dit que ce n'est pas encore gagné pour le snorkeling et la plongée!

Entre temps, un boat-boy sera venu nous proposer et nous vendre deux magnifiques langoustes que nous préparerons pour le soir même.

Nous déciderons de lever l'ancre en fin d'après-midi pour gagner l'île suivante, Mayreau, prochain point de départ pour les fameuses Tobago Cays.

MAYREAU

Sept milles seront nécessaires pour gagner cette île minuscule de moins de 3 km2, dans la Salt Whistle Bay située au nord entre un promontoire de 70 mètres à l'ouest et une presqu'île à l'est séparant cette petite baie des eaux tumultueuses de l'Atlantique qui viennent briser sur des massifs coralliens.

Le relief de l'île ne dépasse pas les cents mètres, mais la végétation n'a pas l'exubérance de ses voisines; c'est un père dominicain, le père Divonne, venu au cours du 20ème siècle évangéliser les îliens qui supervisa les travaux de construction d'une retenue collective des eaux de pluie pour les besoins de la population et de l'agriculture. Aujourd'hui, l'île appartient à une riche famille de notables de Saint-Vincent.

Le mouillage est vraiment enchanteur, et nous ne pourrons résister longtemps à l'envie de débarquer sur la petite plage type "carte postale" pour nous baigner puis nous promener de l'autre côté de la mince bande de sable admirer les vagues de l'océan se briser sur les récifs.

Trois pélicans étaient en train de prendre leur repas de poissons en effectuant des plongeons vertigineux dans l'eau, mais ratant tout de même leurs proies de temps en temps.

Bien qu'assez encombré, le mouillage était d'un calme absolu malgré un alizé soutenu à plus de 20-25 nœuds, et c'est avec délices que nous dégustâmes nos langoustes dans le cockpit en admirant encore une fois un coucher de soleil magnifique; si le paradis existe, il doit ressembler à un endroit comme celui-ci!

Le lendemain matin, 10 janvier, nous quittâmes Mayreau pour nous rendre dans le lagon voisin des Tobago Cays.

TOBAGO CAYS

Il ne faut qu'un saut de puce de trois mille pour atteindre la perle des Antilles; les Tobago Cays sont constituées de cinq petits îlots entourés d'une multitude de massifs coralliens avec quelques rares passes pour atteindre le saint des saints, le mouillage de Baradal coincé entre les îlots Petit Bateau, Petit Rameau, Jamesby, Baradal et le grand reef Horse Shoe. Le respect des alignements et la surveillance du sondeur sont de rigueur pour ne pas échouer le bateau, certains passages ayant une profondeur inférieure à 3 mètres.

L'alizé s'était en outre renforcé pendant la nuit à 25 nœuds bien établis avec rafales à 30. Aussi avons-nous préféré nous amarrer à une bouée disponible plutôt que de mouiller l'ancre, ce qui est encore autorisé malgré le risque de détériorer les fonds sous-marins. Un gardien officiel du parc maritime que constitue ce lieu nous aborda pour nous remettre un dépliant nous informant des règles à suivre pour la préservation de ce site exceptionnel.

Comme dans tout lagon, l'eau nous renvoyait toutes les nuances de bleu turquoise fonction de la profondeur de l'eau et de l'état du ciel. Nous restâmes de longues minutes à contempler le spectacle que la nature nous offrait, avant de décider de mettre l'annexe à l'eau pour nous rendre sur la minuscule plage de Baradal et nous baigner avec masques et tubas parmi les tortues et autres poissons tropicaux. On a beau être prévenu et avoir vu de multiples reportages sur le sujet, ce sont vraiment des instants magiques et de pur bonheur que de côtoyer cette faune aquatique à côté de laquelle on peut nager sans qu'elle ne soit effrayée.

L'heure de midi arriva vite, et, avec elle, quelques boats-boys avec leur barque de pêche pour nous proposer fruits, langoustes ou encore barbecue le soir sur la plage, ce que nous acceptâmes volontiers à la condition qu'ils viennent nous chercher et nous ramener au bateau; compte tenu du vent et du fort clapot qui en résultait, nous aurions été complètement trempés avec notre annexe.


L'après-midi, nous repartîmes sur la plage de Baradal, le captain voulant tenter de photographier les tortues sous l'eau à l'aide du caisson étanche de l'appareil photo; malheureusement, était-ce l'effet de la marée ou l'agitation de l'eau, la visibilité s'était considérablement réduite par rapport au matin et les tortues avaient sans doute décidé de migrer plus loin; certaines vinrent même nous narguer à proximité du bateau en venant y respirer à la surface de l'eau avant de replonger manger leurs algues.

L'heure du barbecue arriva ainsi rapidement, mais Françoise et Maryse s'apercevant qu'il aurait lieu non côté lagon, mais de l'autre côté de la passe, voulurent tout annuler de peur de… je n'ai jamais su de quoi! Il est vrai que le transfert dans la barque du pêcheur fut assez sportif, que nous n'arrivâmes pas complètement secs sur la plage, mais enfin…nous arrivâmes sains et saufs et passâmes une très agréable soirée à déguster un magnifique garouba grillé, poisson rouge tacheté à chair blanche délicieuse que nous avions découvert au Cap Vert.

Le retour au bateau se passa sans l'appréhension de l'aller pour ces dames; nous pûmes nous endormir les têtes encore pleines des images de ce magnifique paysage que nous allions déjà quitter le lendemain.

LE RETOUR EN MARTINIQUE

Le 11 janvier, nous décidâmes donc de remettre le cap au nord, ce qui nous permettait de limiter les navigations à la journée et d'avoir une petite marge de sécurité en cas de pépin ou de mauvais temps, ce qui n'aurait pas été le cas en descendant sur l'île d'Union pour compléter notre collection de Grenadines…

De plus, si la descente de l'Arc antillais avait été rapide et confortable, car effectuée au portant, la remontée allait sans aucun doute être plus lente et rude, car effectuée au près.

La journée du 11 fut donc consacrée à la remontée de Tobago Cays au mouillage de Yung Island, au sud de Kinstown à Saint-Vincent, pour nous permettre de faire les formalités de sortie le lendemain matin, soit environ 38 milles. Entre Bequia et la pointe sud de Saint-Vincent, nous eûmes un aperçu de ce qu'allait être notre trajet retour dans les canaux entre les îles : le vent s'y renforce, de même que les vagues et la houle de l'Atlantique rencontrant des courants de marée au niveau des caps et une brutale remontée des fonds.

Le 12 de bonne heure, nous accosterons à nouveau dans le port de commerce de Kingstown, Maryse accompagnant cette fois son captain préféré en ville pour effectuer les formalités de sortie et jeter un rapide coup d'oeil à la ville. Puis ce sera une étape d'un peu plus de soixante milles que nous parcourrons pour remonter toute la côte ouest de Saint-Vincent, traverser le canal de Saint-Vincent entre le nord de l'île et le sud de Sainte-Lucie et remonter toute la côte ouest de cette dernière pour venir mouiller de nuit dans la Rodney Bay après avoir traversé de nuit la rade de Castries et son intense trafic de cargos et de bateaux à passagers.

La traversée du canal Saint-Vincent aura été pénible pour Françoise et Maryse qui ne sont pas des adeptes du près et de la gîte dans un alizé de 20 à 25 nœuds et des creux de 2 à 3 mètres. Quant à la remontée de la côte sous le vent de Sainte-Lucie, elle fut effectuée en partie au moteur compte tenu du déventement provoqué par le relief de l'île.

Le 13 ne restait plus que la dernière étape pour nous retrouver au Marin; là aussi, la traversée du canal entre Sainte-Lucie et la Martinique fut mouvementée et ventée au point de déchirer de manière inexplicable la chute de la grand-voile au deux tiers du parcours. Il faut dire que Jean-Marie et le captain prenaient un malin plaisir à se "tirer la bourre" avec un voilier canadien que nous avons fini par larguer au grand désespoir de Maryse dont l'esprit de compétition est complètement absent en ces circonstances! Peut-être avions-nous trop "tiré" sur le matériel?

C'est en début d'après-midi que nous mouillâmes dans l'anse du Marin avant d'obtenir une place de ponton deux heures plus tard. Il restait à Françoise et Jean-Marie une journée de repos complète pour se remettre de leur périple et se préparer à affronter les rigueurs de l'hiver métropolitain.

Retour haut de page