OLYMPE AUTOUR DU MONDE

ARCHIPEL DES CANARIES

C'est donc le 28 septembre 2008 que nous atteignîmes l'île la plus proche d'Agadir, Lanzarote; en longeant l'île du nord au sud pour atteindre la marina que nous avions choisie, nous avons eu la même impression que lors de notre arrivée sur Porto Santo : une île aride, d'origine volcanique, sur laquelle il n'y aurait sans doute pas grand-chose à voir. La succession des monts volcaniques, dont la plupart culmine entre 500 et 600 mètres, lui donnait un air particulier de montagnes russes. La suite allait nous montrer qu'il ne faut jamais se fier aux apparences!

Un peu de géographie

L'archipel comprend sept îles principales situées au large du continent africain entre le 27ème et le 30ème parallèle de l'hémisphère nord, sans compter quelques petites îles secondaires et îlots rocheux à proximité de celles-ci. Toutes d'origine volcanique, elles sont tributaires d'un climat variable d'est en ouest : les îles les plus à l'est, Lanzarote et Fuerteventura, sont très arides, pour ne pas dire désertiques par endroit, les précipitations y étant très rares, alors que les îles situées plus à l'ouest, même si Ténérife et Grande Canarie sont partiellement semi désertiques, bénéficient davantage de l'influence océanique et permet des cultures de bananes, ananas, café, dates, avocats et vigne (vin blanc sec de malvoisie).

L'archipel constitue une région autonome de l'Espagne qui a son propre parlement et qui est divisée en deux provinces : la province de Grande Canarie, comprenant Grande Canarie, Lanzarote et Fuerteventura, et la province de Ténérife, comprenant Ténérife, La Gomera, La Palma et Hierro. Il constitue en outre une zone franche ne faisant pas partie de l'union européenne (au même titre que les îles anglo-normandes ou Gibraltar par exemple), mais la monnaie officielle est l'euro.

Les températures moyennes à Santa-Cruz de Ténérife vont de 35°C en août à 25°C en janvier. On comprend donc l'intérêt de ces îles pour un certain tourisme. Celui-ci s'est considérablement développé depuis les années 60, jouant un rôle important dans l'économie, le bâtiment et les services. On estime que plus de sept millions de personnes y viennent chaque année, en provenance essentiellement de Grande Bretagne, Allemagne et Espagne. La contrepartie de ce succès est une débauche immobilière d'un goût souvent douteux, défigurant grandement les côtes.

Lanzarote

Lorsque nous arrivons dans un nouvel endroit, nous prenons généralement un jour ou deux pour nous poser; Lanzarote ne fit donc pas exception. Nous avions retenu une marina située près de Playa Blanca, à l'extrémité sud de l'île, derrière la pointe Papagayo (rien que le nom fait rêver!); il s'agit de la marina Rubicon, récemment construite au sein d'un programme immobilier raisonnable et de bon goût. On ne peut que recommander cette marina aux plaisanciers de passage : nous n'avions encore jamais vu de bassin avec autant de place entre les pontons pour manœuvrer, ni des catways aussi longs et solides pour s'amarrer. Elle a été conçue pour accueillir de grands bateaux, par conditions de vent fort comme c'est assez souvent le cas ici. Quant aux équipements annexes, capitainerie, piscine (!), sanitaires et douches, rien à redire, tout est neuf, spacieux, propre et bien entretenu; cerise sur le gâteau, ce n'est pas plus cher qu'ailleurs!

A peine étions-nous amarrés au ponton d'accueil qu'un français, heureux propriétaire d'un Super Maramu basé à l'année dans la marina, nous aborde pour nous souhaiter la bienvenue; il nous indique que Lanzarote est certainement l'île de l'archipel qui est restée la plus authentique, c'est à dire celle que le tourisme a la moins défigurée. Bien entendu, il nous propose de passer sur son bateau, car il y a toujours quelque chose à boire à bord!

Le dimanche après-midi, nous avons fait une première et rapide reconnaissance de la petite ville de Playa Blanca, située à vingt minutes à pied de la marina par un chemin piétonnier longeant la côte.

Nous consacrâmes le lundi au nettoyage complet du bateau : passage du karcher à l'extérieur, afin d'éliminer sel et poussière rouge du désert marocain qui s'était infiltrée partout, et nettoyage intérieur complet. Pendant ce temps, nous avions prêté l'ordinateur du bord à Olivier, notre passager pour cette traversée, afin qu'il puisse mettre à jour son courrier, son site et ses photos dans un cybercafé. Enfin, aventure du moteur hors-bord, suite mais pas fin : alors qu'il avait démarré au quart de tour à Agadir, il ne voulait à nouveau plus rien savoir; au bout d'une heure de vidange du carburateur, de nettoyage et séchage des bougies, il consentait à faire à nouveau entendre son doux ronronnement!

Mardi, nous aidâmes Olivier à préparer son vélo et ce n'est pas sans une certaine émotion que nous le vîmes s'éloigner sur le quai; l'après-midi fut consacré à l'écriture de la mise à jour du site, à profiter de la piscine et à faire quelques courses d'avitaillement.

Au cours de la nuit, une pluie torrentielle s'est abattue sur Lanzarote, phénomène assez rare pour être signalé; nous avons tout de suite pensé à Olivier : où avait-il donc pu s'abriter pour la nuit?

Mercredi et jeudi furent consacrés à la visite des centres d'intérêts de l'île; la première journée, nous partîmes vers le nord-est pour traverser Arrecife, véritable labyrinthe de rues à sens unique sans aucun panneau indicateur de direction, et nous arrêter au centre de la fondation César Manrique, l'artiste de l'île.

César Manrique, homme aux talents multiples, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, conseillé de chantier et paysagiste, est né à Arrecife en 1919. Après des études à l'académie des Beaux Arts de Madrid, il se fait connaître par ses peintures abstraites du temps de Franco, ce qui constituait en soi un quasi délit d'opinion. A la fin des années cinquante, il s'est fait un nom à Madrid et expose dans les grandes villes d'Europe ainsi qu'au Japon et aux USA, ce qui lui vaut rapidement une renommée internationale.

Il fut sélectionné par deux fois à la biennale de Venise; en 1966, il part à New York, appelé par l'Institut International d'Education Artistique et obtient par ailleurs plusieurs contrats. Deux ans plus tard, revenant à Lanzarote, il trouve que son île n'a pas évolué; il se consacrera désormais à sa défense et à son développement architectural et artistique. Il réalisera sept monuments majeurs sur l'île dont le moindre n'est pas sa propre demeure, aujourd'hui le siège de sa fondation. Son credo : l'harmonie de ses créations et de leur environnement; ce dernier n'est jamais sacrifié au profit de l'œuvre, c'est celle-ci qui doit s'intégrer à son environnement. Ainsi, sa maison est construite dans le champ de lave d'un volcan; la partie supérieure, faite d'une succession de "cubes" blancs et de grandes baies vitrées, met en valeur par contraste le noir et le gris de la lave, tandis que le niveau inférieur est creusé dans la lave même, créant ainsi des bulles de vie avec des puits de lumière reliées par des galeries souterraines.

Comme la plupart des visiteurs, nous n'avons pu nous empêcher d'être saisis par l'harmonie de l'ensemble et de la "zénitude" qui s'en dégage; on peut ne pas être sensible aux œuvres abstraites exposées, mais il est difficile de ne pas tomber sous le charme et l'audace de l'endroit.

César Menrique est décédé à l'age de 73 ans dans un accident, la tête encore pleine de projets.

Après cette visite atypique, en continuant vers le nord de l'île, on arrive au village de Guatiza, connu pour ses cultures de cactus; l'intérêt, ce ne sont pas les cactus eux-mêmes, mais les cochenilles parasites qui s'y développent et qui, une fois broyées et séchées, fournissent un colorant naturel, le carmin, utilisé dans l'industrie cosmétique et la teinturerie. On ne peut pas manquer, à quelque distance de là, le jardin de cactus, purement décoratif celui-là, dessiné et réalisé par… César Menrique! Des centaines d'espèces différentes de cactus se dressent sur la cendre noire ce cet amphithéâtre naturel, créant des harmonies de couleurs et des perspectives changeantes au gré de la promenade dans les allées du jardin. L'entrée dans cette "arène" déclenche une émotion esthétique extraordinaire.

En continuant à longer la côte vers le nord, nous arrivons au lieu dit Jameos del Agua; il s'agit d'une curiosité géologique résultant de l'éruption du volcan La Corona : des tubes de laves y ont été formés, certains de deux kilomètres, enfermant des grottes, galeries, escaliers naturels et lacs souterrains, certains ayant été aménagés en salles de conférence ou de concert. Des éclairages bien étudiés magnifient encore davantage ces trésors naturels.

Arrivés à la pointe nord de l'île, on atteint le Mirador del Rio, point de vue unique sur l'île de Graciosa et les falaises nord de Lanzarote. Si le point de vue est en effet magnifique, le côté désagréable est l'exploitation touristique à outrance, l'accès se faisant par une unique galerie construite pour la circonstance, avec guichet à l'entrée!

En redescendant l'ouest de la péninsule nord, on atteint le village de Famara bordé de ses hautes falaises où des passionnés pratiquent le parapente : nous nous sommes alors demandé si Olivier y avait déjà ou allait y exercer ses talents. Puis, pour terminer cette première journée, nous rejoignîmes le bateau en passant par Teguise, ancienne capitale seigneuriale de l'île. Nous avons eu du mal, cependant, à retrouver les traces de sa gloire et de sa puissance d'antan.

Le deuxième jour fut consacré à la partie sud-ouest de l'île; les routes y sont tracées dans les champs de lave, ce qui donne à la fois un spectacle de désolation (même s'il est magnifique), mais aussi la preuve de la volonté de l'homme de construire malgré tout son destin. Nous passâmes d'abord par Femes, charmant petit village de caractère tout blanc, avec sa chapelle de San Marcial.

Puis nous nous dirigeâmes vers La Geria, le centre viticole de l'île; nos vignerons bordelais ou bourguignons seraient bien étonnés de voir la façon dont est cultivée la vigne, au beau milieu des cendres volcaniques, chaque pied étant planté au centre d'un mini cratère de cendre entouré de pierre de lave pour maintenir, autant que faire se peut, le peu de rosée qui s'y dépose la nuit en guise de seul arrosage! Inutile de dire que les pieds de vigne sont un peu rabougris, mais ils donnent cependant assez de raisin pour produire des vins rouges, rosés ou blanc, vendus d'ailleurs assez chers.

Nous nous dirigeâmes ensuite vers le clou de nos visites, le parc national de Timanfaya. Il ne protège aucune espèce animale ou végétale, mais un trésor minéral en activité : c'est un ensemble de cônes volcaniques très anciens, mais qui entrèrent en éruption au cours des 18ème et 19ème siècles, anéantissant la région la plus fertile de l'île. Outre ces cônes volcaniques, on y voit les mers de lave, les bombes (gros rochers expulsés par les éruptions), les cendres, les coulées de magma fluides solidifiées en sculptures gigantesques et terrifiantes; ce sont aussi des couleurs magnifiques, ocres, brunes ou rouges, contrastant avec le noir du basalte. Et le plus surprenant, c'est que le feu de la terre est toujours en activité : à certains endroits, la température du sol avoisine les 400°C à deux mètres de profondeur! Un restaurant, sans doute unique au monde, utilise cette chaleur pour cuire ses viandes et ses brochettes, tandis que des gardiens du parcs font des démonstrations de geysers de vapeur obtenus en déversant des seaux d'eau dans des orifices creusés à cet effet. Ce spectacle magnifique restera longtemps dans notre mémoire.

Le retour se fera par la côte ouest; El Golfo, avec sa plage de sable noir et sa lagune d'un vert émeraude s'adossant à une falaise volcanique stratifiée aux couleurs allant de l'ocre au brun; la nature possède une imagination sans bornes. Un peu plus au sud, la côte se transforme brusquement : à Los Hervideros, aux plages noires, se substituent des falaises de pierre de lave percées de grottes dans lesquelles l'océan vient se briser dans un énorme fracas.

Enfin, dernière étape avant le retour à la marina, les marais salants de Salinas del Janubio, immense damier blanc créé par l'homme entouré du noir de la lave, avec ses tas de sel alignés comme un défilé militaire.

Oui, nous avions eu bien tort d'avoir un préjugé défavorable en découvrant cette île du large; elle est belle, inattendue, parfois grandiose et inquiétante, mais c'est sans doute  la plus authentique de tout l'archipel. Nous déciderons de la quitter le lendemain, non sans regrets.

Fuerteventura

3 octobre au matin, le captain prend l'annexe pour aller régler la marina; comme depuis deux jours, elle démarre au quart de tour mais, au retour, nouveau caprice, elle ne veut rien savoir! Heureusement les avirons étaient à bord… Il va vraiment falloir résoudre ce souci de fiabilité qui peut, dans certaines circonstances, créer de réels problèmes de sécurité. A priori, il y a trop d'huile dans le moteur (bien au dessus du niveau maxi).

Après le plein de gasoil (à 0,85 € le litre!!), nous quittons la marina Rubicon à 11h45 par vent de nord-est, force 4 à 5; nous avançons entre 8 et 9 nœuds sur une mer belle, bref, le pied parfait en terme de voile; même Maryse prend le sien! En arrivant sur la côte de Fuerteventura, nous passerons entre celle-ci et la petite île de Lobos, dans un chenal peu profond et avec une couleur de l'eau laissant déjà deviner ce qui nous attend dans les lagons antillais ou polynésiens! Nous croiserons quelques dauphins joueurs et assez cabots pour se laisser photographier, puis nous longerons la côte est jusqu'à la mi hauteur de l'île pour atteindre Puerto Castillo vers 16h après avoir parcouru 33 milles.

Nous avons de la chance, il ne reste qu'une place disponible, en raison d'un concours de pêche au gros qui a rameuté la plupart des bateaux de la région. Encore échangerons-nous notre place trop petite avec un bateau suédois en partance le lendemain.

Nous pensions retrouver le même style de village qu'à Lanzarote; quelle déception! Castillo est un agglomérat de constructions de vacances récentes, la plupart sous forme d'immeubles pas forcément moches mais dont la taille et la répétition ne donnent pas vraiment envie de venir y passer ses vacances! Pourtant, chaque jour, avions et cars viennent y déverser leurs armées de touristes, essentiellement allemands et anglais et, malgré tout, la ville manque de vie et d'animation. Ça doit s'appeler le tourisme de masse.

Qui plus est, nous avons eu un mal fou à trouver avant le lundi matin un bureau d'information touristique, fermé le week-end, et fermant comme la plupart des magasins et services publics à 15h les autres jours. Même difficulté pour trouver un réseau wi-fi, les seuls existants étant ceux de quelques rares hôtels qui n'en font bénéficier que leurs clients. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir sillonné l'agglomération de long en large avec nos vélos.

Quant aux dites informations touristiques, elles se bornent à vous donner un petit triptyque ne sachant vanter que la qualité des plages de l'île pour la baignade et les sports nautiques; rien sur l'intérieur, rien sur la géographie, l'histoire ou la culture. Bref, on s'est vite dit que l'on n'y fera pas de vieux os.

Dès le lundi 6, nous larguons les amarres de cet endroit sans intérêt pour gagner le sud de l'île, le port de Morro Jable situé sur la péninsule sud, au pied des plus hauts reliefs de l'île; cette situation provoque parfois, dans certaines conditions météorologiques, des vents catabatiques descendants des sommets, s'engouffrant dans les vallées et "tombant" sur le port avec une violence inouïe : des vents de 50 nœuds sont ainsi fréquemment enregistrés localement, sans aucun signe avant-coureur! Là aussi, nous aurons la chance de prendre la dernière place disponible pour la taille du bateau sur le ponton de transit entre deux énormes catamarans, près du quai du ferry effectuant la traversée quotidienne entre Fuerteventura et Grande Canarie.

Nous ferons une bonne partie de la route par vent arrière, grand-voile et génois en ciseaux, puis au grand largue, avec génois et artimon. La mer, assez formée, nous poussait fort vers notre destination et Maryse supportait parfaitement ces conditions : le miracle se produisait-il enfin?

Par contre, le captain allait faire une bêtise qui aurait pu avoir des conséquences plus sérieuses; alors qu'il n'arrête pas de mettre en garde tous les équipiers occasionnels du bateau sur le danger des winchs électriques des écoutes de génois, il commit une erreur impardonnable : observant la forme du génois appuyé sur le winch tribord, il eut la bonne idée d'actionner ce dernier! Résultat, la peau du bras fut happée par le winch, et il ne pût s'en dégager qu'en démontant la partie supérieure de ce dernier. Il en fut qitte pour quelques lambeaux de peau arrachés et de belles ecchymoses.

Sur le plan touristique, rien de plus à voir qu'à Puerto Castillo, mais au moins la petite ville de Morro Jable, construite sur la colline au nord du port et le long de sa belle plage, a un certain cachet et possède un cyber café d'où l'on peut enfin mettre à jour notre site et récupérer nos mails!

Le dernier jour, nous récupèrerons Olivier, notre parapentiste, qui sera arrivé là par ses propres moyens et qui effectuera avec nous la traversée vers Grande Canarie.

Grande Canarie

Le jeudi 9, nous décidons donc de mettre les voiles vers Las Palmas sur l'île de Grande Canarie; les prévisions météo pour ce jour étaient assez médiocres : vent de nord-est de 20 à 25 nœuds, sachant que la veille et surtout la nuit précédente, le vent "piaulait" déjà fort; la mer devait donc être formée. Mais, encouragé par le comportement de son mousse préféré lors des deux dernières sorties, le captain prenait la décision de partir quand même.

Sur le plan vélique, ce fut un régal : vent de travers force 6 puis 7, avec rafales à 35 nœuds, mer de travers également, le bateau, bien réglé (génois et grand voile partiellement roulés), taillait sa route à 9 nœuds dans des creux de 4 à 5 mètres. Sur le plan de la tenue de l'équipage, il en allait autrement; Maryse, la première, fut malade et termina la traversée dans sa couchette; le captain à son tour ressentit les effets du mal de mer avec ce qui en résulte. Seul, Olivier, qui ressentit pourtant quelques moments difficiles, conjura le sort en se tenant debout sur le rebord du cockpit, face aux vagues, en criant des "yahoo" à chaque gros creux. Inutile de dire que tout le monde avait enfilé son gilet automatique et s'était harnaché au bateau.

Partis à 8h20 le matin, c'est à 15h30 que nous pénétrâmes dans la marina de Las Palmas après avoir parcouru 58 milles. Pourtant, les ennuis devaient commencer lors de l'amarrage avec le système de pendille bien connu en méditerranée : l'une d'elle se prit dans l'hélice du propulseur d'étrave, celle-ci se faisant la belle! Pour la troisième fois depuis l'acquisition du bateau, le captain allait donc la remplacer, cette fois en un tour de main; il se demande d'ailleurs s'il ne va pas louer ses services auprès des propriétaires de bateau Amel pour effectuer cette opération!

Nous décidâmes de réserver la place pour une semaine; de toute façon, à cause du départ du rallye de l'ARC (transatlantique anglaise en groupe de Las Palmas vers Sainte-Lucie), il n'était pas possible de rester davantage, toutes les places étant réservées par l'organisation du rallye.

Comme à notre habitude, les deux premiers jours furent plutôt cools; vendredi, reconnaissance pédestre de la ville de Las Palmas (pas terrible), samedi, séances vélos à la recherche d'un loueur de voitures et de guides touristiques de l'île, puis promenade le long de la plage de las Canteras située de l'autre côté de la péninsule est de la ville. La soirée fut consacrée à récupérer nos mails sur la terrasse d'un café situé sur le quai, le Sailors'bar, qui deviendra notre QG pratiquement chaque soir!

Grande Canarie, bien que la troisième île par sa superficie, est la plus peuplée de l'archipel avec environ 720 000 habitants, la moitié résidant dans la capitale Las Palmas. Les vieux quartiers historiques de cette dernière sont situés dans la partie sud de la ville, assez éloignée de la marina. C'est donc à vélo que nous partîmes le dimanche matin. Nous voulions voir le marché du Parque San Telmo que l'on nous avait recommandé à l'office de tourisme; Las, ce n'était qu'un marché de fringues et de babioles en tout genre, bref, sans intérêt, sinon l'uniformité des couleurs des étales et de leur parasol.

Nous nous dirigeâmes ensuite dans le quartier de la cathédrale pour visiter tout d'abord la maison de Christophe Colomb. Encore lui, nous direz-vous, et vous aurez raison! Il semble qu'il soit vraiment passé partout et que nous suivions sa trace : Porto Santo d'abord, Grande canarie ensuite, tout le monde revendique, ou tout au moins rend hommage, à ce grand navigateur et découvreur. Cette maison est en fait un musée qui lui est consacré, d'ailleurs très bien agencé et très intéressant, le tout dans une grande et magnifique demeure du 15ème siècle en forme de riad.

Nous y verrons une reconstitution grandeur nature de son espace de vie à bord, les maquettes des trois bateaux de sa première expédition, les cartes des quatre voyages qu'il effectua vers le nouveau monde et des instruments de navigation de l'époque (le captain avouera qu'il ne serait jamais parti avec eux!).

D'autres espaces sont consacrés au peuplement de l'Amérique avant sa découverte : les zones culturelles et les peuples de l'Amérique précolombienne, appuyé par des collections d'objets et d'œuvres des cultures mexicaine et amazonienne. Puis la visite se poursuit par l'origine et l'histoire de la ville de Las Palmas, explique en quoi les Canaries ont toujours constitué une enclave stratégique et une base d'expérimentation du nouveau monde. Elle se termine par une collection de peintures datant du 16ème au 20ème siècle.

Après cette bonne entrée en matière, nous mîmes le cap sur la cathédrale de Santa Ana (nos vélos sont munis de boussole!), située juste à côté. Extérieurement, on a du mal à se rendre compte de son ampleur, tant elle est enserrée dans le vieux quartier. Elle semble de forme assez complexe; c'est en fait le premier temple espagnol construit aux Canaries à partir de 1500 environ, mais sa construction se prolongera jusqu'au 19ème siècle. Sa façade, qui aurait soit dit en passant besoin d'un bon nettoyage, est de style néoclassique. C'est en entrant que l'on se rend compte de l'espace incroyable de cet édifice dont le style intérieur peut être assimilé à du gothique.

En rentrant au bateau, nous tomberons par hasard sur une cérémonie à la mémoire de Colomb, devant son buste érigé place San Francisco devant l'église du même nom. Officiels, discours et fanfare furent au programme, entourés des drapeaux de tous les pays d'Amérique du sud.

La visite de Las Palmas s'arrêtera là; ça peut sembler un peu court, mais franchement, à part peut-être le château de la Luz situé sur la péninsule à l'est de la ville, il ne semble pas qu'il y ait grand-chose d'autre à voir.

Les trois jours suivants ont été consacrés à la visite de l'île en voiture. Le lundi fut consacré au nord de l'île, zone agricole importante grâce à la présence d'eau, bien rare sur ces îles. Première étape, Arucas, dénommée Cité des Fleurs (on les cherche encore) et capitale de la banane cultivée dans toute cette région. Sa basilique, de style néogothique, fut construite avec les pierres extraites de carrières voisines entre 1909 et 1917; son intérêt principal réside dans la présence de trois beaux vitraux en rosace.

Puis nous arrivâmes au village de Firgas, situé sur un promontoire, où l'on trouve l'eau minérale la plus fameuse de l'île. L'eau y coule d'ailleurs de partout : fontaines, moulin à eau, cascades, le tout au sein d'un joli petit village.

Ce fut ensuite la visite de Teror, célèbre pour sa basilique consacrée à la vierge del Pino, patronne du diocèse canarien, où toutes les statues sont habillées de vêtements précieux et richement brodés. Nous y aurons aimé la rue principale du village, bordée des typiques maisons canariennes avec leurs balcons de bois sculptés, témoins des splendeurs passées de la ville.

Sur la route de Vallesco, nous traverserons des forêts de noyers et de marronniers, sur des collines arrondies entourant des vallées fertiles. Puis, en direction du centre de l'île, nous rejoindrons le village d'Artenara, le plus haut de l'île; on le surnomme d'ailleurs le "balcon" et on peut y voir au loin le mont Teide situé sur l'île de Ténérife et culminant à 3718 mètres. Témoin de l'importance de la religion des canariens, on peut y visiter la statue de la Vierge dans une petite grotte dominant la ville.

Nous redescendrons ensuite vers la côte nord pour y voir successivement Moya, berceau de guerriers et de poètes, Santa-Maria de Guia, fondée à la fin du 15ème siècle, mais sans grand intérêt, et Agaete, ville blanche et maritime avec son petit port d'où l'on peut admirer une curiosité naturelle appelée le doigt de Dieu, rocher vertical en forme de colonne. C'est à Agaete que l'on peut voir également l'un des chef d'œuvre de la peinture de Grande Canarie, le triptyque de la Vierge des Neiges, œuvre du peintre flamand Joos Van Clever en 1520.

Sur la route du retour par la voie rapide nord, Maryse ne manquera pas de repérer un centre commercial avec l'enseigne Carrefour! Il faudra bien sûr y revenir…

Dans la nuit, nous connûmes notre première frayeur, surtout rétrospective, de visiteur importun : vers 3h30 du matin, nous entendons quelqu'un marcher sur le pont du bateau, puis ouvrir avec quelque difficulté la porte qui n'était pourtant pas fermée à clé. Maryse s'aperçoit que ce n'est pas le captain qui a envie de prendre l'air, vu qu'il est toujours à ses côtés. Ce dernier pense alors que c'est Olivier qui revient plus tôt que prévu (il est parti trois jours pour faire du vélo et du parapente); a-t-il eu un problème? Il se lève en appelant Olivier : pas de réponse; arrivant dans le carré, il voit un individu surpris de voir quelqu'un à bord et expliquant qu'il cherche à manger et à dormir. Même si à cette heure le captain n'a pas les idées très nettes, cette explication ne le convaint pas vraiment! Puis, sans rien dire, l'individu s'enfuit avec une rapidité déconcertante. Le lendemain, nous découvrirons le bâton dont il s'est aidé pour forcer la porte et un tesson de bouteille soigneusement protégé côté goulot pour s'en servir sans doute d'arme défensive, voire offensive. Le mousse du bord prend alors, sans concertation, la décision unilatérale et non négociable de fermer elle-même à clé tous les soirs la porte du bateau! Qu'on se le dise…

Le mardi, nous prîmes la direction du sud; tout d'abord, les villes de Telde et d'Ingenio dans lesquelles nous nous perdrons dans des faubourgs sans âme; la zone, quoi. Puis nous poursuivrons jusqu'à la pointe sud de l'île; le long de l'autoroute qui nous y mène, on constatera le changement brutal de paysage : les vallées verdoyantes cèdent le pas à des vallons arides. L'arrivée dans l'agglomération de Maspalomas fut un choc : la Costa del Sol bis, peut-être pire! Des plages aux centaines pour ne pas dire milliers de parasols alignés comme pour un défilé militaire, une zone d'hôtels de luxe dans ce que l'on pourrait croire être une annexe d'Hollywood; seule curiosité intéressante et naturelle, le champ de dunes de sable situé à la pointe sud de l'île. Il serait intéressant de connaître par quel moyen s'est formé cette dune mais, a priori, ça n'intéresse personne et les guides sont muets sur le sujet.

Nous continuerons ensuite vers le sud-ouest en direction de Puerto Rico et Puerto Mogan; toute la côte est belle avec ses larges échancrures et ses petites plages naturelles souvent en arc de cercle, nichées au fond de ces fjords. Mais pourquoi diable saccager ce patrimoine au nom de ce que l'on appelle ici du tourisme! La moindre parcelle de falaise est construite d'hôtels ou de résidences de vacances faites de blocs de béton (certes peints en blanc!), tels d'énormes Legos emboîtés les uns dans les autres! Seul Puerte Mogan échappe au massacre, et encore uniquement au niveau du port et de la marina, avec une imitation réussie de Port Grimaud. Nous y ferons d'ailleurs la pose déjeuner.

Puis nous rejoindrons le village de Mogan, situé à 8 kilomètres dans la vallée, croyant y découvrir un trésor. La déception sera à la hauteur de notre attente : RAS. Bref, vous l'aurez compris, cette journée fut pour nous très négative et nous nous mîmes à espérer que la troisième puisse nous la faire vite oublier.

Le mercredi matin, c'est donc pleins d'espoir que nous partons pour le centre de l'île et ses sommets. Direction Santa Brigida, avec arrêt en cours de route à la caldera de Bandama; il s'agit d'un point de vue situé à 569 mètres d'altitude, surplombant un vieux cratère noir appelé "la chaudière". Puis passage par Santa Brigida et San Mateo avant d'arriver à Tejeda dans les nuages par une route sinueuse à souhait qui n'était pas sans nous rappeler les routes de Madère, les figuiers de barbarie et les aloès remplaçant les hortensias et les agapanthes.

En descendant de voiture, surprise : 12°C, il y a bien longtemps que nous n'avions pas été soumis à une telle température, surtout en short et en polo! Un petit marché se termine, un camelot malin nous voyant frissonner essaie en vain de nous vendre des punchos. Nous irons nous réchauffer dans un café en buvant un capuccino au prix du Café de la Paix à Paris…

C'est sur cette commune de Tejada que se trouve le parc naturel des sommets de l'île; et là, plus question d'être blasés : c'est réellement grandiose et magnifique. Nous montâmes au pic de las Nieves, le sommet de l'île culminant à 1942 mètres d'altitude, puis visitâmes le puits du même nom, construit pour y stocker la neige hivernale et la transformer en eau. Ces sommets sont entourés de magnifiques forêts de pins. En continuant la route entre Tejeda et San Bartolomé, on longe plusieurs points de vue magnifiques, dont celui de Roque Nublo et celui de Roque Bentayga.

La descente entre San Bartolomé et Santa Lucia est parfois sportive bien que la route y soit en parfait état. Les a-pics se succèdent avec des vues vertigineuses sur des ravins de nature volcanique. Peu après Santa Lucia, on arrive au mirador de Guriete offrant encore une vue spectaculaire sur une montagne noire impressionnante se dressant au milieu d'une vallée profonde. Que la nature est belle quand l'Homme ne la défigure pas!

Encore quelques kilomètres de route sinueuse et nous nous retrouvons au sud-est de l'île, au niveau de la mer, pour rattraper l'autoroute qui nous ramènera à Las Palmas. Oui, cette dernière journée nous a fait oublier la précédente et nous a rappelé à certains égards les mêmes émotions que nous avions ressenties à Grande Madère. Elle n'a pas toutefois fait oublier à Maryse qu'il fallait absolument retourner faire l'avitaillement à Carrefour!

Le soir, nous retrouverons Olivier parti trois jour avec un jeune anglais faire du VTT et du parapente à partir du sommet de l'île. Le plein d'eau est fait, la route du lendemain tracée pour Ténérife; Jeudi 16 octobre à 9h10, nous quittons Grande Canarie, direction Santa Cruz de Ténérife.

Ténérife

La traversée de Las Palmas à Santa Cruz fut sans histoire; Les premiers milles, pour remonter vers le nord de Grande Canarie et passer sa pointe nord-est, se fit au moteur, presque sans vent, mais dans une mer désordonnée et donc désagréable : la houle de nord-est vient en effet rebondir sur la côte de l'île, provoquant un bouillon sans nom. Puis, une fois la pointe nord-est passée, le cap est mis au nord-ouest en direction de Santa Cruz; vers 12h30, le vent se lève pour atteindre rapidement les 20 nœuds, permettant d'avancer à bonne allure par vent de travers. Nous rattraperons et dépasserons sans coup férir deux autres voiliers partis avant nous. C'est vers 16h45 que nous entrons dans le port de Santa Cruz, face à l'auditorium de la ville qui n'est pas sans rappeler l'opéra de Sydney.

Pour une fois, notre appel à la VHF a été entendu et nous avons même eu une réponse! Deux employés de la marina nous attendaient au premier ponton pour nous indiquer notre place et nous aider à nous amarrer. La marina Atlantico est située au fond du bassin sud du port de commerce; elle est parfaitement protégée de tous les vents et nous y passerons des nuits très calmes.

Ténérife est la plus grande des sept îles canariennes avec 2 036 km2 mais ne possède que la deuxième population derrière Grande Canarie avec 670 000 habitants environ. Elle possède la particularité de posséder le point culminant d'Espagne avec sa Majesté le Teide qui culmine à 3 718 mètres, mais nous y reviendrons.

Le vendredi fut consacré au rinçage du bateau et à un premier tour à pied dans la ville. Dès que l'on sort de la marina, on se retrouve d'ailleurs en plein centre ville, place d'Espagne, à proximité des nombreuses et très agréables rues piétonnières dont la calle del Castillo remontant jusqu'à la place Weyler. Manifestement, la ville est bien plus jolie et attirante que Las Palmas.

Le samedi, nous sommes partis en vélo afin d'avoir un rayon d'action plus important; nous commençâmes par l'auditorium, aperçu en arrivant depuis la mer : même de près, il y a vraiment une inspiration de l'opéra de Sydney! Puis nous partîmes en direction de l'église de la Conception (fermée comme le seront un grand nombre d'édifices religieux de l'île) avec sa tour du 18ème siècle et son balcon insulaire, du marché central de la ville, dénommé Mercado de Nuestra Senora de Africa, où nous reviendrons ultérieurement faire des approvisionnements, de l'office de tourisme et enfin d'un très beau parc public au nord-ouest de la ville, le Parque Garcia Sanabria, où nous découvrirons de multiples espèces que nous n'avions encore jamais vues; dommage qu'il n'y ait pas eu l'indication de leur nom et de leur origine.

Le dimanche fut une journée "bullage" consacrée à la rédaction du site et au recueil de nos messages internet. Puis la frénésie de découverte recommença le lundi, en voiture cette fois, louée pour trois jours. Nous partîmes cependant tard, ayant perdu un temps fou en formalités administratives pour obtenir le fameux laissez-passer nécessaire pour monter à pied au sommet du Teide que nous projetions de faire le lendemain.

Une fois ce précieux document en poche, nous partîmes pour la ville de San Cristobal de la Laguna située à 10 kilomètres au nord de Santa Cruz. C'est, depuis 1972, une ville universitaire; mais, surtout, la vieille ville possède un patrimoine architectural de premier ordre qui lui a valu d'être classée Patrimoine de l'Humanité en 1999. Ce vieux quartier est délimité au nord par la rue San Augustin et au sud par la rue du 6 décembre et la rue El Juego. Il comporte une majorité de bâtiments construits entre le 16ème et le 18ème siècle, et le plan d'urbanisme de la ville, qui est une des premières qui n'ait pas été fortifiée, a servi d'exemple à de nombreuses villes du Nouveau Monde édifiées par les colons.

A partir de l'Hôtel de Ville, nous remonterons la rue La Carrera, la plus belle avec les constructions les plus anciennes : Les maisons de Alvarado Bracamonte ou des "Capitaines Generales" où se trouve le bureau de tourisme, la cathédrale, en cours de restauration et donc fermée, le couvent de Santa Catalina et le théâtre Léal, d'inspiration modernisme, un peu art déco. A l'extrémité de la rue, on trouvera l'église de La Conception (encore une!) qui représente une superposition de styles allant du gothique (chœur et linteaux latéraux) au style mudéjar de ses plafonds à caissons. Nous monterons au sommet du clocher, histoire sans doute de s'entraîner pour notre escalade du lendemain!

Les autres rues nous ferons également découvrir de très beaux édifices parmi lesquels la Casa Mustelier, la Casa Franco de Castilla, la Casa de Casabuena, la Casa de los Jesuitas et la Casa servant au Conseil consultatif du gouvernement des Canaries.

Après cette demi-journée culturelle, nous décidâmes de revenir sur Santa Cruz en visitant la pointe nord-est de l'île, peu vantée par les guides mais recommandée par des navigateurs bretons rencontrés à Las Palmas et retrouvés à Santa Cruz; et ils avaient bien raison! Nous commençâmes par la Punta del Hidaldo, sur la côte nord, avant de reprendre la route des crêtes à plus de 1000 mètres d'altitude pour redescendre sur Taganana au nord, puis remonter afin de redescendre sur San Andrès au sud de la péninsule.

 

Celle-ci, comme on pouvait le voir depuis Santa Cruz, est recouverte de nuages la plupart du temps; nous y aurons quelques éclaircies, puis de la pluie une fois atteinte l'altitude des nuages et enfin du grand soleil sur le retour. Compte tenu de cette humidité quasi permanente, cette zone est très verte, avec des forêts de pins et d'eucalyptus. Les paysages sont somptueux et la route en très bon état permet à certains endroits d'avoir une vue plongeante sur les deux côtes nord et sud de la péninsule, le long de précipices que le captain n'osait pas trop raser.

De retour à la marina, nous avons le plaisir de retrouver Françoise et Jean-François, les heureux propriétaires du second Super Maramu de Trébeurden, arrivés dans l'après-midi dans le cadre du rallye des îles du soleil. Nous avions déjà vu leur bateau à Madère dans la marina Quinta do Lorde, mais ils étaient alors rentrés en France. Un dîner à bord le lendemain soir s'imposait pour échanger nos aventures respectives. Nous eûmes également la surprise de voir, dans le cadre de ce rallye, un catamaran gris qui était resté plusieurs semaines dans le bassin Duguay-Trouin de Saint-Malo pour de lourds travaux de réfection, son chantier belge ayant été défaillant. Ses voiles ont été refaites par Armor Voiles, tiens tiens!!!

Le lendemain mardi, c'était le grand jour : direction le Teide, point culminant de l'Espagne avec 3718 mètres d'altitude, l'un des plus photogéniques du monde sans doute avec le Kilimandjaro. Pour la première fois depuis plus de deux mois, nous enfilions un pantalon long : nous en avions perdu l'habitude et nous avions l'impression d'être entravés par ce curieux accessoire!

Une soixantaine de kilomètres de montée par la route de crêtes en venant de l'est fut nécessaire pour atteindre le pied du mont à 2350 m environ; jusqu'à 1900 mètres, nous traversâmes de magnifiques forêts de pins, merveilleusement entretenues, puis, sans transition, au détour d'un virage nous faisant changer de versant, il n'y avait plus de végétation! Ou plutôt il n'y avait plus qu'une végétation rase adaptée aux rudes conditions climatiques de l'endroit, puisque les températures peuvent y atteindre 36° le jour et -16° la nuit, et au manque de fertilité du sol. Cette végétation fleurit essentiellement au printemps, si bien que nous n'en aurons pas vu le côté le plus spectaculaire; elle est essentiellement composée de cytises jaunes des cimes, de genêts blancs du Teide, de vépérines rouges et bleues, de giroflées du Teide et, en haute altitude près du cratère, la violette du Teide.

Au pied du Teide, un téléphérique attend tous ceux qui n'ont pas l'intention de monter à pied jusqu'au lieu-dit La Rambleta situé à 3555 mètres. Nous en faisions partie. De cet endroit, on a une vue magnifique sur une bonne partie du parc; par temps clair, on peut apercevoir les îles de la Gomera ou de Grande Canarie. Puis, avec notre autorisation officielle et tamponnée, nous pûmes entamer l'escalade à pied jusqu'au sommet du cratère, à 3718 mètres. En fait, le principe de l'autorisation a deux objectifs : limiter le nombre de touristes pour protéger l'environnement et gérer la sécurité des grimpeurs pour savoir qui est parti et qui n'est pas encore revenu. Des consignes très strictes sont données, tant pour la préservation des lieux que pour les risques liés à l'altitude pour laquelle le corps n'a pu s'adapter si vite. La montée est fortement déconseillée aux personnes souffrant d'insuffisance cardiaque.

Eh bien, c'est vrai, la montée bien que courte est fatigante; déjà, au repos, le cœur essaie de compenser le manque d'oxygène en augmentant son rythme et il commence à battre vraiment la chamade dès les premiers efforts. Plusieurs poses de quelques minutes seront ainsi nécessaires pour atteindre le bord du cratère; celui-ci n'est d'ailleurs pas très grand, ce dont on peut se douter en voyant de loin la forme très pointue du sommet. Mais le volcan, bien qu'en sommeil, est encore en activité, en témoignent les fumerolles de souffre qui en sortent ainsi que l'air brûlant sortant de quelques trous minuscules sur le parcours.

Et là, c'est un grand moment de bonheur : le silence absolu, la vue sur 360° sur les coulées de lave noires, les couleurs ocrées et brunes de ces immenses étendues inviolées, les couches de nuages cotonneuses et, au loin, le bleu de l'océan. Du pur bonheur, on vous assure! On reste là, muets, ne sachant que dire, littéralement "scotchés" par la beauté du lieu. Oui, l'effort physique est vite oublié car il en valait vraiment la peine; nous prendrons d'ailleurs un peu de rab du temps qui nous était imparti avant d'entamer la descente vers le téléphérique, mais nous y serions bien restés plus longtemps!

Après ces instants qui resteront gravés dans notre mémoire, il fallait bien penser au retour; pour se faire, nous continuâmes de traverser le parc national vers l'ouest pour découvrir d'étonnants paysages au détour desquels on s'attendrait à croiser John Wayne juché sur son cheval à la poursuite des pilleurs de banques, notamment près des Roquès de Garcia!

Au bout du plateau qui reste cantonné dans la zone des 1900 à 2100 mètres d'altitude, nous prîmes la direction du sud-est de l'île par Vilaflor et Grandilla pour rejoindre l'autoroute qui longe la côte vers le nord en direction de Santa Cruz. Sur la descente vers la mer, nous traverserons d'immenses zones de culture de pommes de terre en terrasses. Arrivés au bateau, nous étions encore au sommet du Teide dans notre tête.

Le mercredi, nous décidions de partir pour le nord-ouest de l'île, faisant l'impasse sur le sud qui, comme sur Grande Canarie, est réservé aux activités touristiques de masse, en pire paraît-il (nous ne pensions pas que c'était possible!).

Premier arrêt à El Sauzal, charmant village de caractère et apparemment huppé, situé à l'est de Puerto de la Cruz. On y verra une église à coupole, l'église San Pedro Apostol, mais surtout le mirador de la Garanona donnant sur les hautes falaises de l'endroit. Nous traversâmes sans nous arrêter les communes de La Victoria et Santa Ursula pour gagner La Orotava, à l'aval de la vallée éponyme, qui descend du Teide, terre de culture de la canne à sucre, de la vigne et maintenant de la banane.

Nous y verrons l'église de la…Conception (et de trois!), datant du 18ème siècle, de style baroque à la sauce canarienne, puis de vieilles demeures typiques, la Casa de los Balcones, avec un fabuleux balcon canarien, et la Casa del Turista où est exposée une partie de l'artisanat de l'île, dentelles, paniers d'osier, linge de table, poteries et des tas de bibelots du plus mauvais goût.

Nous poursuivîmes ensuite par la troisième ville de l'île, Puerto de la Cruz, ancienne ville de villégiature des anglais qui commerçaient avec l'île. En fait de port, il est minuscule et ne concerne que des barques de pêche. Malheureusement, le temps se dégradait et, pour la première fois depuis bien longtemps, nous avons eu droit à une après-midi complète de pluie. Nous y déjeunerons d'excellents poissons sur l'agréable place del Charco, puis partirons voir à pied le minuscule château de San Felipe et ses canons bordant la plage de sable noir.

Reprenant la voiture, nous bénéficierons d'une accalmie pour nous arrêter à Icod de los Vinos et y voir son célèbre dragonnier millénaire dont la circonférence du tronc dépasse les 20 mètres, mais aussi une jolie place de village avec des arbres caoutchoucs monstrueux, rappelant ceux que nous avions vu à Cadix l'année précédente lors de notre escale de convoyage du bateau.

Nous pousserons ensuite jusqu'à Garachico et son rocher avant de faire demi-tour et rentrer au bateau, tant la pluie rendait la visibilité médiocre.

Pendant tout ce temps, notre équipier Olivier n'avait pas perdu le sien! Après du lobbying auprès des participants au rallye des îles du soleil et un petit coup de pouce de notre part, il se voyait proposer de partir avec trois bateaux : le premier, le catamaran de Saint-Malo, pour le mener à Dakar, le second, un deuxième catamaran pour le mener de Dakar aux îles du Cap Vert et le troisième, le Super Maramu "Brise du Sud" de nos amis Françoise et Jean-François pour la traversée vers le Brésil. Nous étions vraiment heureux pour lui qui allait ainsi pouvoir poursuivre son rêve de gagner la Patagonie et peut-être l'Antarctique pour y voler en parapente!

Le jeudi, après quelques coups de fil passés au représentant du chantier Amel aux Canaries et à son correspondant sur l'île, la réparation de la trinquette était entreprise l'après-midi même et terminée le soir : voilà ce qui s'appelle du service après-vente! (Toujours pas de nouvelles du chantier Etoile Marine de Saint-Malo! Je pense qu'ils auront la visite du captain en août prochain…)

Le vendredi fut consacré à faire quelques courses, en particulier au marché principal de la ville. Ce dernier, très achalandé, est d'une propreté rarement vue; comme à Funchal, une partie indépendante est réservée aux poissonniers dont les étalages sont très appétissants; nous en profiterons pour acheter deux belles soles que Maryse préparera le midi même en sauce meunière : un régal!

Ce même jour, une partie des bateaux du rallye des îles du soleil (les moins rapides) ont largué les amarres pour partir sur Dakar; nos amis Françoise et Jean-François ne partiront avec le reste de la flotte que le lendemain matin. C'est aussi le jour où arriva l'un des plus grands voiliers du monde, le quatre mâts russe Kruzenshtern; il est vraiment impressionnant, et ce qui l'est encore davantage, c'est d'imaginer les membres d'équipage monter dans le gréement sur les vergues pour ferler les voiles!

Le samedi, l'idée de partir commence à faire son chemin : dimanche ou lundi, tout dépendra de la météo. Si nous allons sur l'île de La Palma, il nous faudra remonter vers le nord contre le vent pour passer au nord de Ténérife; dans ce cas, on aimerait éviter plus de 25 nœuds de vent. Sinon, si nous décidons de shunter La Palma pour nous rendre directement sur La Gomera, alors peu importe la force du vent, il nous poussera gentiment vers notre destination. Après consultation de différents fichiers météo, nous décidons d'attendre lundi soir l'accalmie d'une bonne brise pour partir sur La Palma.

D'ici là, nous consacrerons une partie de notre temps à la rédaction de notre escale sur Ténérife et à l'entretien du bateau. Cette escale restera sans doute dans le top 10 de nos séjours; mais nous avons encore tant de choses à voir!

Le dimanche, après le déjeuner, nous reprîmes nos vélos pour finaliser la visite de la ville de Santa Cruz; une rapide enquête de Maryse auprès d'un jardinier de la ville nous permit de connaître enfin le nom des arbres innombrables qui ombragent les places et les rues de la ville : il s'agit des Laurel de la India (Lauriers des Indes) dont les feuilles rappellent celles des ficus; ils sont extrêmement fournis et constituent de bons abris en cas de pluie.

Nous mîmes le cap sur les hauts (et beaux) quartiers de la cité : nous avons ainsi remonté la totalité de la Rambla del General Franco (ici, on ne dit plus que la Rambla!), double voie avec terre-plein central engazonné et planté d'arbres, bordée de magnifiques hôtels particuliers. Nous descendrons ensuite l'avenue du 25 juillet jusqu'à la place du même nom, avec ses bancs faïencés à la façon de ceux que nous avions vus sur Grande Canarie dans le village de Firgas. Nous passerons place del Toros où se situe une arène apparemment désaffectée, puis pousserons jusqu'au parc la Granja avant de redescendre en bord de mer et rejoindre le bateau.

Lundi, dernière prise de fichier météo; un coup de vent est prévu sur zone à partir du mardi soir jusqu'au jeudi. Nous avons donc une fenêtre météo suffisante pour rejoindre l'île de La Palma distante d'environ 110 milles avant mardi midi. Cette fois, c'est décidé, nous partirons en fin d'après-midi pour passer notre première nuit en mer depuis un mois!

A 16h15, nous larguons les amarres, direction La Palma et le plus grand cratère du monde!

La Palma

La traversée ne posa pas de problème particulier, sinon une remontée au près de trois heures pour passer la pointe nord-est de Ténérife; comme chacun le sait, le passage des pointes ou des caps est souvent difficile, renforcement du vent, courants et mer agitée et hachée en sont souvent l'apanage. Maryse, qui s'était bien comportée les deux premières heures, succomba dès l'approche de la pointe et son mal de mer reprit de plus belle; c'était dommage, car la nuit qui tombait à ce moment là devait être belle, plus calme et surtout avec vent de travers beaucoup plus confortable.

C'est à 10h20 que nous pénétrâmes dans la marina de Santa Cruz de La Palma (ne pas confondre avec Santa Cruz de Ténérife; de même, ne pas confondre Las Palmas, capitale de Grande Canarie, avec l'île de La Palma où nous arrivions).

Nous nous attendions à un système d'amarrage par pendilles, que le captain exècre; heureuse surprise, des pontons tout neufs avec catways étaient installés et un représentant de la marina nous attendait pour nous aider à accoster, ce qui ne fut pas de trop car le coup de vent annoncé pour le soir avait pris de l'avance et avait commencé à souffler alors que nous étions encore à 5 milles de l'arrivée. A peine étions-nous amarrés que nous enregistrions 38 nœuds de vent dans la marina.

Nous y retrouvions Christian et Martine, nos voisins de ponton de Grande Canarie puis de Ténérife, sur leur bateau Xara of Humble, un magnifique prototype suédois de 50 pieds très original; ils étaient partis de Saint-Brieuc en juillet dernier et nous précédaient chaque fois de quelques jours à chaque étape des Canaries.

Malheureusement, cette marina s'est avérée mal protégée et très houleuse, obligeant chaque bateau à occuper les deux places entre chaque catway pour s'amarrer des deux bords.

Mais revenons à l'île de La Palma; avec ses 706 km2 et ses 87 000 habitants, c'est la cinquième de l'archipel, la plus à l'ouest avec la petite île de El Hierro, et, de ce fait, la plus verte et la plus fertile de l'archipel. Autrefois, elle était d'ailleurs surnommée "Isla Bonita" (Ile Jolie) ou Isla Verde (Ile Verte) grâce à ses forêts exubérantes et ses beautés extraordinaires. En fait, sur les plans géographique et géologique, cette île également volcanique possède deux caractéristiques essentielles : elle possède sans doute l'un des plus grand cratère du monde, La Caldera de Taburiente, de 27 km de circonférence et de 763 m de profondeur; culminant à 2426 m; elle possède aussi le record de pente compte tenu d'une largeur moyenne de l'île de seulement 25 km. Ce sont ces deux caractéristiques qui nous ont poussés à remonter un peu au nord pour venir la visiter.

Mais le premier contact que l'on a avec l'île, c'est sa capitale Santa Cruz; l'arrivée par la mer est de ce point de vue décevante car on aperçoit en premier lieu les immeubles modernes du front de mer; il ne faut toutefois pas se fier à cette première impression car, juste derrière, se situe le quartier historique qui fait de cette ville l'une des plus jolies des Canaries. Avec ses 18 000 habitants, c'est une petite ville à taille humaine qui a su préserver son patrimoine architectural et dans laquelle on se sent tout de suite à l'aise.

Le premier jour, nous la parcourrons à pieds en flânant dans ses vieilles rues piétonnières : la Calle O'Daly, avec le Palais des comtes de Salazar datant du  17ème siècle, mais surtout la Plaza de Espana qu'entourent l'église El Salvador (16ème ), l'hôtel de ville de style Renaissance construit également à la moitié du  16ème siècle, de style gothique avec voûtes à croisée d'ogives, et des bâtiments nobles, le tout constituant le principal ensemble architectonique des Canaries. L'église est assez représentative du mélange des styles surprenant que l'on trouve ici : façade principale Renaissance, ses trois nefs avec colonnes et arcades de pierre de taille, cœur baroque, plafonds à caissons mudéjar, grande chapelle Néo-classique!

En continuant cette rue, on débouche Calle Anselmo Perez Brito qui nous mène à la plaza de Alameda puis à la reproduction contestable en maçonnerie de la Santa Maria de devinez qui? C. Collomb bien sûr, qui constitue un musée naval paraît-il intéressant.

A deux pas, on peut voir sur le front de mer le château fortifié de Santa Catalina ou Castillo Real, ainsi que des façades typiques de maisons avec leurs balcons canariens. Puis, en remontant vers le nord, on arrive à la plaza San Francisco et au musée insulaire du même nom, on traverse le quartier des petites maisons basses de pêcheurs, avec leurs fenêtres à jalousie et leur toit de tuiles arabes, Calle Rodriguez Lopez et Calle Baltasar Martin, puis on revient vers notre point de départ par la Calle Virgen de la Luz pour arriver à l'ermitage San Sebastien, à la plaza San Domingo et au théâtre de la ville.

C'est le jeudi 30 octobre que nous entreprenons la visite de l'île en voiture. La première journée fut consacrée au sud de l'île; avant de prendre la route vers le centre, nous effectuons la montée au sanctuaire de Las Nieves dans un cadre naturel d'une grande sérénité; même les églises comme celle-ci possèdent leur balcon canarien! Puis arrêt au belvédère Brena Alta d'où l'on a une jolie vue sur la baie et la ville de Santa Cruz. C'est ensuite la montée de la Combre Nueva pour redescendre côté ouest et attaquer l'ascension de la partie sud du volcan jusqu'au mirador de la Cumbrecita à 1400 mètres d'altitude (la partie sud du cratère est la moins élevée). Un chemin de randonnée nous mènera en une heure à travers une magnifique forêt de pins canariens jusqu'au point de vue de Las Chozas en passant à la punta de los Roques, avec vue plongeante dans le cratère.

A propos des pins canariens dont nous vous avons parlé à plusieurs reprises, sachez que c'est une espèce qui résiste aux incendies, dont la durée de vie peut atteindre 300 ans et la hauteur 60 mètres.

Après ce bain de nature magnifique, nous redescendons dans la vallée en passant par El Paso, dans la partie haute de la vallée d'Aridane qui conserve la tradition de la culture du ver à soie, pour nous rendre à Puerto de Naos en bord de mer pour la pose déjeuner, le long d'une plage de sable noir.

L'après-midi, direction la pointe sud de l'île et la commune du Fuencaliente et de ses volcans secondaires dont le dernier fit irruption en 1971 seulement. Nous fîmes le tour à pied du cratère du volcan San Antonio, apparu en 1677, qui offre une palette de couleurs extraordinaire sur un site dominant l'océan : magique!

Nous rentrerons par la route côtière de l'est de l'île, avec un arrêt aux grottes rupestres de Belmaco, piège à touristes peu informés!

Le lendemain vendredi fut consacré à la montée nord du volcan de Taburiente par une route incroyable, la route Roque de los Muchachos, partant du niveau de la mer et arrivant à 2400 mètres d'altitude à 25 km à vol d'oiseau du rivage seulement! Inutile de dire que la route est bien plus longue, avec ses successions de virages qui n'en finissent pas, au sein d'une forêt de châtaigniers et des incontournables pins canariens.

Nous arriverons en partie dans les nuages qui voudront bien s'estomper le temps pour nous d'admirer cette merveille de la nature, très différente et moins impressionnante toutefois de ce que nous avions pu voir avec le Teide à Ténérife : moins aride, plus verdoyante et sans la vue panoramique du sommet espagnol.

Près du sommet, on passe à côté de l'observatoire d'astrophysique qui est l'un des plus importants d'Europe et auquel participent d'ailleurs plusieurs pays.

La descente côté nord-ouest de l'île n'est pas moins impressionnante que la montée. Nous nous dirigeâmes sur Garafia, très isolée parmi les ravins alentour, dont l'église Nuestra Senoara de la Luz située à Santo Domingo mérite le détour. Continuant cette route secondaire côtière qui traverse toutes les plissures du volcan qui s'étendent vers la mer, nous passâmes dans la vallée des dragonniers où se trouve un ancien moulin à vent. Ces vallées sont couvertes d'orangers, d'amandiers, de figuiers de Barbarie et de bananiers.

Nous rejoindrons la route principale de la côte ouest à Puntagorda pour descendre sur Tijarafe, Los Llanos de Aridane et rentrer par la route du centre que nous avions empruntée la veille en partant.

Le samedi enfin, nous sommes partis explorer la partie nord de l'île; est-ce la fatigue, la lassitude des visites ou commencions-nous à être un peu blasés par tout ce que nous avions vu précédemment, nous n'avons pas éprouvé le même plaisir à la découverte; il faut dire en plus que la route en lacets était épouvantable et qu'à part quelques superbes points de vue sur la côte, il n'y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Deux exceptions cependant :

Au fond d'une vallée, le Bosque de los Tiles, un de ces endroits retiré du monde d'où partent des sentiers de randonnées. Après quelques minutes de marche à pied, nous entendîmes des chants magnifiques retentir; nous nous sommes dirigés vers ces voix d'hommes et de femmes qui se mariaient si bien dans cet environnement boisé et montagneux pour arriver finalement à une auberge complètement perdue qui diffusait… le CD d'un groupe folklorique canarien! Le temps de prendre un café et de demander la référence du CD (que nous ne trouverons d'ailleurs pas), nous tombons sur le seul client du bar à côté de nous qui n'était autre que le gardien du centre d'information touristique situé 100 mètres plus haut. Nous avons ainsi eu droit à une séance de projection privée d'un excellent documentaire expliquant les origines de cette partie boisée de l'île, l'une des plus vastes des Canaries et surtout répertoriée par l'Unesco pour ses espèces primitives toujours présentes et uniques sur les îles.

Puis, autour de la commune de San Andres y Sauces, nous aperçûmes des champs de bananiers à perte de vue: il en sort chaque année plus de cinq million de kilos de bananes!

Nous rentrerons vite l'après-midi sans résister à la tentation de reprendre en sens inverse la route Roque de los Muchachos passant par le sommet de l'île; mais, cette fois, les nuages ne voulurent pas nous céder la moindre éclaircie.

Le dimanche, nous étions les seuls à être restés dans la marina si inconfortable; nous discutâmes sur le fait de savoir si nous partirions le lendemain directement sur les îles du Cap Vert, ou si nous ferions une escale sur l'île de Gomera qui se trouve pratiquement sur la route. En fait, nous saturions un peu de nos visites aux Canaries et avions envie de passer à autre chose; d'un autre côté, La Gomera est aussi vantée par les guides et l'on se dit que ce serait sans doute dommage de shunter cette île qui est présentée comme un condensé de tout ce que l'on peut voir sur l'archipel, des îles arides de l'est aux îles luxuriantes de l'ouest. Et puis la marina de San Sebastien de la Gomera a une excellente réputation! Alors, c'est d'accord, on s'arrête, mais ce sera la dernière, tant pis pour l'île El Hierro!

Lundi matin, nous larguons les amarres, destination La Gomera distante de 55 milles.

La Gomera

C'est sous un magnifique arc-en-ciel que nous quittâmes le 3 novembre la baie de Santa Cruz. La traversée ne posa pas de problème particulier; partant avec un vent nord nord-est de force 4 à 5, les premiers milles furent parcourus à la vitesse de 9 nœuds avant de faiblir dans la deuxième partie du parcours; malgré la proximité de l'île de Ténérife, nous n'avons pu bénéficier de la vue du Teide qui devait dominer de toute sa splendeur l'horizon à cause d'une visibilité réduite par l'humidité ambiante, mais nous nous rattraperons plus tard.

C'est à 16h15 que nous arrivâmes à la marina de San Sebastien de la Gomera qui mérite effectivement sa réputation. Celle-ci étant pleine, c'est à couple d'un voilier néo-zélandais que nous passerons la première nuit avant de prendre la place le lendemain du voilier Xara of Hamble de Christian et Martine qui nous avaient précédés sur l'île et qui partaient pour le Cap Vert.

Werner, notre voisin néo-zélandais, navigue seul sur son ketch à cockpit central; il est parti depuis deux ans et s'apprête à traverser l'Atlantique vers les Etats-Unis avant de regagner la Nouvelle-Zélande dans un an et demi. Apprenant notre projet, il nous a laissé ses coordonnées pour que nous le recontactions sur place, tout en nous confirmant que la navigation peut parfois être dure autour de son beau pays. Et là, alors que Maryse ne maîtrise pas l'anglais, figurez-vous qu'elle a parfaitement compris cet avertissement!!! Elle doit avoir un don particulier pour tout ce qui peut augmenter son stress!

L'île est la plus petite de l'archipel, après Hierro, avec ses 375 km2 et ses 20 000 habitants. De forme pratiquement ronde, elle ressemble à un pain de sucre dont le sommet situé au centre culmine à 1 487 mètres. Comme les autres îles de l'ouest de l'archipel, la partie sud de l'île est plutôt aride, alors que le nord est humide et verdoyant.

Le premier contact avec l'île est bien sûr la petite ville de San Sebastian; le mot de grosse bourgade serait d'ailleurs plus approprié. Il n'y a pas grand-chose à en dire, nous n'en dirons donc rien. Il faut juste remonter la Calle Real, en partie piétonne, à partir de la jolie petite place des Américains, redescendre la Calle Ruiz de Padron jusqu'au parc de la tour et le tour est fait! La ville est le point d'entrée de tous les ferries venant des îles voisines, Ténérife et Hierro, avec un trafic d'ailleurs important : deux allers-retours par jour.

Comme à notre habitude, les deux premiers jours sont consacrés au bateau et au repos; Le mercredi, nous louerons une voiture pour faire le tour de l'île en deux jours.

Le premier jour, consacré au centre et au sud de l'île, nous fait traverser d'abord cette dernière d'est en ouest en passant à proximité du point culminant; les premiers kilomètres nous font tout d'abord découvrir la partie la plus aride de l'île; puis la verdure apparaît avec la surprise de voir des palmiers pousser sur les pentes rocheuses des premiers contreforts. En se retournant, on aperçoit le Teide de l'autre côté du bras de mer séparant les deux îles, toujours aussi majestueux.

Un premier arrêt à l'ermitage de Las Nieves (encore un!) d'où l'on a une jolie vue sur les vallées alentour : on est déjà entre 800 et 1000 mètres d'altitude. On entre ensuite à l'intérieur du parc national de Garajonay où l'on s'arrêtera à plusieurs reprises admirer la vue de plusieurs miradors, dont ceux de Alojera et de los Roques. La végétation est alors dense mais composées essentiellement de sous-bois et de bosquets; pas de forêts de grands arbres, pins ou eucalyptus, comme dans les dernières îles visitées. Près du sommet, il faudra allumer les codes car le brouillard nous enveloppera rapidement.

Arrivés à l'extrémité ouest de la route, au carrefour de los Barranquillos, nous prendrons vers le sud la route descendant dans la vallée jusqu'à Valle Gran Rey, la ville côtière du sud-ouest de l'île. Nous passerons d'abord par le village d'Arure, puis par un mirador aménagé par César Manrique, avec un restaurant panoramique possédant une vue plongeante sur la vallée et servant d'école hôtelière. Malheureusement, le restaurant était fermé ce jour là.

Valle Gran Rey est une petite ville balnéaire posée au bord d'une plage de sable noir avec un port de pêcheurs à son extrémité sud. Après la pose déjeuner, nous repartîmes par la même route jusqu'au village d'Arure pour emprunter des petites routes de montagne et rejoindre la route d'Alajero et de Playa Santiago, autre ville balnéaire au sud de l'île. Seul, son petit port de pêche a un cachet méritant l'attention. Nous repartirons vers le nord par la route de la Lomada Tecina pour rejoindre la route empruntée le matin et rejoindre San Sebastian en fin d'après-midi.

Le bilan de cette première journée était toutefois décevant par rapport à l'attente que nous en avions; la diversité des paysages est réelle, mais rien de tels que les paysages grandioses de Ténérife ou La Palma. On devient décidément très difficile!

La deuxième journée fut consacrée au nord de l'île; direction Hermigua, belle vallée agricole consacrée à la culture de la banane destinée à l'exportation et à la production de fruits et légumes pour l'autoconsommation. Puis, arrivés en bas de la vallée en bord de mer, nous sommes passés par la petite commune d'Agulo avec ses rues pavées et ses maisons au toit de tuiles. Continuant une route en lacet qui nous parût interminable, nous arrivâmes à Vallehermoso dont nous appréciâmes le cachet de sa place principale, son église et sa rue piétonne. De là, nous descendîmes au "parque maritimo" en bord de mer; en fait de parc, nous vîmes une piscine et un ancien château en pierres du pays reconverti en lieu de manifestations publiques ou privées.

Le retour s'effectuera par la route du centre, dans le brouillard qui ne quittera pas le plateau central de l'île. En redescendant sur San Sebastian, nous pourrons admirer une superbe vue de la ville avec Ténérife et le Teide en arrière-plan, de quoi faire des photos rares.

Le soir fut consacré à l'avitaillement de masse, car ce n'est pas au Cap Vert que nous pourrions trouver tout ce à quoi nous sommes habitués. L'envie de changer d'air nous prenait également : aux Canaries depuis le 28 septembre, nous avions envie de voir autre chose, même si nous avions apprécié les fantastiques paysages de ces îles. Inconsciemment, nous avions besoin de quitter l'Europe pour un dépaysement plus culturel et social que géographique. A ce titre, les îles du Cap Vert devaient répondre à cette aspiration et, après consultation des fichiers météo, le départ fut fixé dès le lendemain vendredi 7 novembre.

Pour conclure sur les Canaries, nous retiendrons les points forts suivants :

  • Lanzarote pour le dépaysement de ses paysages,
  • Le centre de Grande Canarie pour son relief et ses vallées,
  • Ténérife pour tout, mais surtout le Teide et son parc national, ainsi que la péninsule nord est,
  • La Palma pour la raideur de son relief, la beauté de ses paysages et le côté grandiose de son cratère principal et des volcans secondaires.

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